Rallye ‘Specific # 1, l’épisode pilote

Le Rallye’ Specific # 1 s’est déroulé sous une chaleur extrême pour la Normandie. Les participantes se sont, malgré cela, emparées de l’objet rallye avec leur appareil photo et téléphone. De ce circuit réaménagé en raison du soleil, nous avons conçu une narration en images de la rive gauche rouennaise. Une forme d’épisode pilote qui trouverait ses suites très prochainement.

NB/ Toutes les images des participantes ne sont pas encore traitées, patience…

Vous pouvez vous rafraichir la mémoire, ici, avec notre article précédent: S’émanciper de son invisibilité

A chacune de nos rencontres, nous invitons nos libres échangeurs à s’approprier les paroles, lieux, décors et autres de la manière qui sera la leur. L’image, restant une constante, fera figure d’archives relayées, déposées, consultables à tout moment depuis les espaces numériques du projet:

Page Facebook: @territoiresocial, compte Instagram: @photographyspecific et, ici, directement.

1ère séquence photographique

La tour Tougard

Elle est située à Rouen rive gauche, Bd d’Orléans. Nous avons essayer de saisir son territoire d’inscription car cette architecture dominante de la rive gauche rouennaise se plante en plein cœur d’un quartier, celui de la place Joffre. Puis vinrent les questions: Est-ce une vue de face ? De côté? Comment s’observe t-elle ? Comment se lit-elle ?

Les 1ères impressions ne tardent pas à s’exprimer: que fait-elle là ? Seule, effectivement, elle apparait à la fois perdue, déconnectée et étonnamment liée à son espace vital premier: son quartier. De loin, elle ne promet pas grand chose hormis la surprise, elle requiert l’approche. Être au plus près pour mieux oser s’en saisir.

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Entrée de jeu, Tour Tougard, Rouen rive gauche, Cécile Lenormant, juin 2019

Puis, nous ambitionnons de l’accoster pour sa connaissance. L’avantage qui nous est offert par cet édifice tient en le fait que nous pouvons tourner autour. Devant nous, ce sont les faces d’un dè.

C’est dans cette ambiance que nous la rencontrons, elle est cette surface imprenable qui ne rentre pas dans nos objectifs, qui ne tient pas entière. Il nous nous hasarder, retenter notre chance, reculer, la toucher. Elle est cette sauvage architecturale qui nous met au défi car elle ne se domestique pas. Allons-nous toutes produire la même image ?

 

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Se tenir aux pieds, Tour Tougard, Rouen rive gauche,  juin 2019, IPL

 

Amorcer les pieds, se mettre à terre, se pencher, s’installer à genoux, entreprendre, ambitionner et chercher à charmer. Cette tour exigeante ose nous demander de la souplesse, des jeux, d’être ingénieuses. Difficile par ce soleil de plomb de prendre le temps de nous risquer. Les passants nous regardent à peine, les résidents ne nous voient presque pas. Nous pouvons nous dire que c’est tant mieux. Nous restons dans nos expérimentations mais la belle se fait épreuve.

 

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Épreuve de force, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Optons pour la capture des détails. Ces derniers pourraient amener cette abstraction. Elle est ce concept, cette idée. Ces balcons lui donnent un relief étrange, de plus, ces hauteurs et ces carrés ne sont pas tous similaires. Elle est allégorie. Par sa présence sur ce territoire social voire précaire, elle représente ce signe, cette représentation indirecte de la rive gauche comme figure puissante de l’histoire rouennaise d’après-guerre. Elle envoute au point de devenir une tour témoin, une tour phare.

 

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Abstraction capturée, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

Nous réalisons la présence de caméras, nous nous aventurons vers ses portes d’accès et nous restons fascinées par ces boutons qui passent de 001 puis de 101 à 109, 201 à 211, 301 à 311, 401 à 410, 501 à 510, 601 à 610, 701 à 710, 801 à 807, 901 à 910, 1000, 1100, 1200, 1300, 1400 jusqu’à 1503 soit 15 étages non répartis de manière strictement égale. Ces chiffes nous procurent un vrai tournis.

 

1503, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Poursuivons cette expédition photographique avec la conquête historique de ces autres témoignages. La tour Tougard est encerclée par nos prises de vue, pour autant, elle ne cède pas. Nous patientons à ses pieds, nous testons. Nos tentatives de cadrage oscillent entre l’inutilisable et l’intérêt relatif.  Elle est cette impraticable photographique.

 

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1er plan, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

Et c’est là que nous nous réalisons la difficulté qui est la nôtre. C’est alors que prises de revanche, nous décadrons, à tout va, nous nous penchons, prenons sans crier gare, improvisons, jouant la carte de la spontanéité totale à pleine volée. Enfin, nous lui tournons le dos. Nous mettons plein cadre sur ce qu’elle voit chaque jour à sa base, autour d’elle. Sur ce côté de quadrilatère, se trouve un passage où nous nous sommes essayées.

Autour, une église, un immeuble, les choses sont étranges, pointues, des fenêtres, sans lien apparent, s’assemblent.

 

RG Canicule rallye 29 juin IPL

Fenêtres sur cour, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

La promesse d’un passage

Le ciel est si bleu, la lumière est si forte que de rester sous ce soleil nous fait penser à un assaut. Nous sommes assaillies, assiégées par ces extrêmes météorologiques et architecturaux. Sous nos yeux, ce plan. Cette ouverture marquée par un espace temps révolu nous invite à soigner nos propositions. Avons-nous devant nous, une séquence digne des années 50 ? Un cadrage qui laisse le champ libre aux couleurs, à la porte, aux volets et aux arbres.

 

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Cadre social visité, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

De l’autre côté c’est quoi ? Où nous conduisent ces escaliers ? Vers le quai Cavelier de La Salle. (René-Robert Cavelier de La Salle est né à Rouen, le 21 novembre 1643 et mort assassiné le 19 mars 1687 près de Navasota, au sud-ouest de la colonie française de Louisiane, dans l’actuel État américain du Texas.)

Présence humaine ou abstraction volontaire, s’en remettre aux formes pures sans visage, sans arrondi, sans compromis. Le cadrage est en face, coupé à raz. Sec et inhabité, ce carré écranique est coupé de tout comme placé sur antiope.

 

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Cadre & Antiope, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Tout à côté, en file indienne, se succèdent des garages, des habitats étranges, des couleurs singulières. Le béton et les éléments en bois rendent accessible un voyage. Des visions d’un passé se suivent comme une immersion atterrante en territoire précaire.

 

Bord de rive gauche, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Les jaunes, les ocres, les moutardes ne cessent de se répondre. A quoi servent ces garages ? Ces portes ont-elles encore une utilité. Sommes-nous sur un territoire usagé dans le sens où « dont on fait encore usage » ?

 

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Jaune, bois et béton, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Le chien jaune nous laisse à sa relecture, nous quittons Maigret, pour retrouver des espaces utilisés d’une façon plus contemporaine. « Être humain signifie essentiellement qu’on ne recherche pas la perfection » écrivait Orwell. Alors que nous pensons fiévreusement que l’humilité est gage d’innovation, nous nous penchons un instant vers cette émission de France culture « accepter ses imperfections pour sublimer son humanité » 3 minutes de philosophie pour redevenir humain

 

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La rive gauche s’humanise, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Nous reprendrons les images de ce rallye et la 2ème séquence photographique dans leurs suites pour un prochain article intitulé De la présence humaine.

D’autres éléments ont été photographiés tels que: Les quais hauts, les aménagements (trémie),  le bâtiment du département de la Seine Maritime, la cité administrative Saint-Sever, la Tour des Archives et autres rencontres…

Isabelle Pompe pour #sitespecific le 3 juillet 2019.

 

 

 

 

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