#sitespecific est bel et bien terminé dans sa forme actuelle. Résultant de multiples réflexions, interrogations et perceptions depuis ce territoire local qu’est la rive gauche rouennaise, il aura, cependant, permis de faire éclore une autre forme avec d’autres idées. En effet, une association est en train de voir le jour: « Les parages du pôle ».
⇢ Il sera question d’interprétation du patrimoine/matrimoine du fait de l’acceptation de leur valeur et de la considération de ces derniers comme des ressources invisibilisées, indicibles voire colonisées mais valorisables dans l’intérêt des territoires. S’assurer, par cette interprétation, qu’une égalité réelle entre cultures, imaginaires, savoirs, tout simplement, entre êtres humains soit respectée.
Le projet se fonde sur une égalité de valorisation afin de ne pas réinstaurer un certain ordre culturel, de ne pas reproduire un construit social trilatéral où l’égalité serait, sous conditions, proportionnelle.
Les patrimoines/Matrimoines questionnés se trouveront, majoritairement, en périphérie des pôles, interrogeant ainsi la visibilité de ce qui se trouve en dehors des centres. Les communes relevant des métropoles, les banlieues, les zones rurales sont concernées. Pour permettre aux regards de se déplacer sans avoir à se tourner vers une direction unilatérale, il est vital de redonner de la visibilité à ce qui est, a été, de mettre à disposition des savoirs, des cultures et imaginaires sans participer à une hiérarchie tripartite.
Le consentement quant à la domination des savoirs, des cultures c’est l’antithèse des « Parages du pôle ». Le projet vise, également, à réinterroger l’acceptation de la hiérarchisation des territoires à l’aune des notions de visibilité et d’intérêt de leur patrimoine/matrimoine respectif et commun.
Périmètres exploratoires
Travailler à partir de ces zones, espaces et autres découpes de territoires évoluant en dehors de la centralité. L’idée étant de sonder ces strates territoriales et leurs legs (patrimoine, matrimoine) afin de mesurer si les conditions sont créées pour qu’ils puissent exister, puissent être restitués, rendus à la vue.
Les parages, pensés comme des restituteurs, des passeurs d’indicibles dominés par le pôle.
Qu’est-ce que cela signifie d’être, d’évoluer dans les parages, de relever du voisinage de ce qui focalise l’attention ? Quelles conséquences et quels choix sont faits ?
Quelle part de patrimoine et de matrimoine est, de ce fait, invisibilisée, floutée, inaudible ?
Le pôle, est-il alors mutualisateur, une locomotive ou un phagocyte ?
Et si le pôle, par sa place, ses rôles et missions, ne permettait pas l’égalité ?
L’égalité depuis la mise à disposition des cultures, savoirs et imaginaires jusqu’à l’égalité en termes d’ accessibilité serait cet objectif commun.
Le matrimoine questionne la valeur qu’on lui attribue au legs des femmes.
Le patrimoine est à comprendre comme un pôle, une concentration d’efforts, de ressources et le matrimoine, encore aux bords, évalueraient, sans s’épanouir, dans les alentours.
Le matrimoine cristallise cette vision enfouie, indicible de la domination, de la colonisation.
Par sa valorisation, nous participons à la reconnaissance de celle-ci, à une égalité réelle et non supposée voire rêvée ainsi qu’a la mise en accès de modèles, de figures, de connaissances vitales pour l’émancipation féminine tout en étant partie prenante d’une politique qui respecte la parité.
Des actions, prestations, analyses, enquêtes pourront être menées, des groupes de travail exploratoires, ateliers et toutes formes de mises à disposition pourront être proposées sur des thématiques diversifiées.
Avec la même idée de transformation: sociétale et environnementale vont de pair.
Constats
▪ Aujourd’hui, des espaces dans le périmètre des pôles subissent encore un déficit de transmission de leurs histoires. Ces présences disponibles font l’objet d’une visible amnésie. C’est un pan du patrimoine/ matrimoine culturel, par exemple, qui est absent, introuvable, qui passe inaperçu.
▴D’une part, au regard de la perception des habitants, de l’histoire collective locale, de l’attachement, d’un patrimoine/matrimoine mémoriel tu, un devoir de mémoire devrait s’engager.
▴D’autre part, la mise en réserve voire l’abandon de certains sites physiques distillent une hiérarchie des priorités, une extinction des mémoires, une disparition d’un inventaire,
▹Effacer, reconstruire, raser, se débarrasser déclenche un gaspillage pluriel. Faire avec l’existant est une voie prioritaire. Valoriser ne signifie pas mettre en beauté, c’est surtout donner la parole, permettre un travail d’archives, d’identification de traces, de passages, de rassembler des informations afin de parler et de faire parler les lieux .
En outre, la destruction d’espaces de vies suscite beaucoup d’émotions. L’absence de relai, de médiation, d’espace d’échange, de partage de souvenir accroissent considérablement le sentiment de déconsidération des habitants, c’est le cas lorsque des immeubles d’habitation sont démolis, des usines sont fermées, par exemple.
La perception des espaces est un travail essentiel à mener auprès mais surtout avec les populations.
⇢ Depuis l’éloge des paysages, en passant par l’usuel, par ailleurs, singulier, un grand nombre d’endroits, de lieux, de sites sont placés en retrait, en seconde ligne, associés à des éléments mineurs de nos histoires collectives. Rarement, ils font l’objet de recueil, de créations de contenu, d’images, d’archives. C’est le cas pour les ouvrages consacrés au passé ouvrier, aux usines parfois présentes de manière très dense sur un territoire et seules sources d’emploi pour des générations. Explicitement, ces sites parlent, racontent, émeuvent aussi.
Ces récits sont des micro-récits dont la transmission pourrait, au moins, être faite, seul possible pour être reprise.
Ce n’est pourtant pas un défaut d’acuité qui manque à ces espaces, ces quartiers, rues, mais la mise en réseau de standards toujours plus efficaces en termes d’exclusion supprime, de l’inventaire, ces réserves historiques, intimes, humaines.
Work in progress
Dans la rue, le passé est également omniprésent, pas un passif muséal ni un patrimoine, matrimoine nécessairement matériel, il est parole, regard, présence artistique, historique, sociologique. C’est aussi le champ de l’immatériel qu’il convient de remettre en jeu. Si nous comprenons l’importance de la réinterrogation de nos cultures, un work in progress peut alors s’engager.
Par exemple, Marcel Duchamp à Rouen, a fait l’objet, en 2018 (Duchamp dans sa ville) d’une année consacrée. Cette idée a été portée par une toute petite équipe puis soutenue par des collectivités, écoles, structures, artistes, acteurs locaux dans le désir de pouvoir en parler. Ceci a démontré comment, en effet, une présence pouvait-être minorée, sciemment omise, une place à laquelle on ne croit pas. Les expériences, retours, résultats de cette année duchampienne se sont montrés plus que satisfaisants.
Toutefois, travailler tel un laboratoire, en testeur/Expérimentateur afin d’inventer, créer des passerelles, connexions peut démultiplier le nombre d’interlocuteurs, d’intérêts, d’où la nécessité de coordonnateur, de facilitateur à même de sortir du cloisonnement disciplinaire pour faire entrer dans le bal, l’émergence.
Les parages du pôle pourrait être ce médiateur, cet agent de liaison.
➵ Un territoire qui se tourne, de façon unilatérale, vers ces points de mire touristique sans activer ses ressources dormantes se fragilise, s’affaiblit telle une terre qui ne diversifie pas.
logo « les parages du pôle », IPL, juillet 2020
« Les parages du pôle » abordera certains des facteurs aggravants en termes notamment de politique de valorisation notamment à l’aune de la lutte contre la lacune, l’oubli de ce qui permettrait, j’en suis convaincue, d’être une courroie de transmission entre des habitants, des publics diversifiés.
Diversification
Comment, alors que l’on ignore sciemment ces gravures ouvertes, peut-on espérer élargir, diversifier les publics de ces patrimoines/ matrimoines ? Comment pouvons-nous parler d’accessibilité alors que des choix stratégiques sont faits au nom de l’image, du nom, du renom, avec tous les phénomènes de redites et d’exclusions qui vont avec ?
╍Les droits culturels révoquent certaines politiques de l’accès, il est, par ailleurs, impératif d’interroger les choix, les axes en incluant, dans la prise de décision, les habitants- citoyens qui sont également des experts, des militants, des curieux…
◤A ce jour, les territoires, analysés par l’association, ne sont pas encore définis en raison d’ un déménagement prochain. Néanmoins, à ce jour, le chantier de celle-ci plante son décor à partir de ces questionnements territoriaux, locaux sur la notion de valeur, de centralité afin d’inviter à reconsidérer la légitimité et la question de sa représentation. Quel réalisme, quelle perspective, un diorama, un trompe l’œil ? Comment restituer un « sujet » avec la plus grande vérité et égalité possibles…
▔Qui bénéficie, qui est sous estimé, pourquoi l’acratopège, le sans qualités particulières, le vernaculaire peine à être inséré au cœur des programmations… Qui les enferme dans ce désintérêt mais surtout ce jugement, les exclut alors qu’ils sont, aussi, preuve de notre partage commun du sensible, éléments de notre interdépendance et fruit de nos histoires ?
▔Comment penser des actions de réflexion sur cette notion de ressource partagée, comment inclure pour tenter d’inverser ces postures/idées reçues d’espace illégitime, de relégation, de périphérie parce que, par systématisme, le majeur s’opposerait au mineur ?
D’ailleurs, l’absence de fierté, le complexe d’infériorité, l’humilité que peut donner à comprendre, à voir, à entendre un territoire est une source d’empêchement à son éveil, à son émancipation. Ne pas créer les conditions de cette prise de conscience est un gaspillage de ressources voire de domination de celles-ci.
. J’entends régulièrement, l’expression « Fonctionner en réseau« , ceci requiert des lieux, acteurs, territoires avec une volonté de sortir de l’entre-soi, de s’affranchir, sans hiérarchie appuyée, et non d’avoir une locomotive et ses suiveurs, ou encore une concurrence accrue entre organisations en quête de visibilité.
Sortir de cette idée de locale, régionale, nationale, de cette hiérarchie urbaine de commune, métropole, quitter les logiques de pivot, de ligne directrice…Un territoire possède ses propres ressources, il est, en ce sens, unique. Enfin, donner du pouvoir aux mêmes ne permet pas de créer, entre autres, les conditions pour accueillir la diversité ni pour faire « apparaitre »une distinction.
▪Toujours se tourner vers la création de conditions, être plus inclusif… Se poser en observateur, acteur pour proposer des alternatives à l’hyperfocalisation culturelle, à la méconnaissance des ressources activables d’un territoire, aux définitions de « qualité » et d' »intérêt », avancer dans une logique contributive aux intérêts des populations- habitants, au développement durable…
Vous avez, peut-être, déjà pu lire, au fil des articles de #sitespecific, comment, sur cette rive gauche rouennaise, des choses ont été tentées, testées, reçues, alors, vous imaginez, qui sait, comment cette histoire va, je l’espère, se poursuivre.
⌑Pour l’instant, pas de création d’espace numérique dédié, après, tout peut arriver… Merci de m’avoir suivi jusqu’ici.
Bien à vous,
Isabelle Pompe, dans les parages, dernière mise à jour, le 28 octobre 2020.
#sitespecific s’offre des postes d’observation locaux d’où il peut écouter, regarder, analyser, en résumé, prêter attention à ce qui se fait, se raconte et comment. Le samedi 15 juin 2019, il est allé accorder son temps et son esprit critique à une manifestation dont il entend parler depuis qu’il est arrivé à Rouen rive gauche, en 2014, à savoir l’Armada dans 7ème édition.
A l’aune de quoi peut-on définir cette « Armada de Rouen » ? Un grand rassemblement, une manifestation, un évènement, oui mais est-elle culturelle? Touristique? Populaire ? Les trois ? Est-ce une foire? En espagnol, Armada signifie « marine de guerre ».
A partir de quoi peut-on désigner, « spécifier » ? Des partenaires, des publics, des invités (les bateaux, les locataires d’espaces), des espaces (privés/publics- marchands/ mixtes), de l’occupation du territoire (où et comment)? Et peut-on préciser de quel type ? Et à quoi cela sert-il ? En fait, ce samedi 15 juin fera office de prélèvement. Qui, quoi, où et comment sont donc intégrés à ce fragment dont voici les détails.
Avant de davantage nous prononcer, sachez que nous avons opté, majoritairement, pour un traitement noir et blanc des photos prises ce jour là, plus en phase avec la météo et plus proche du projet et son haro sur le gigantisme. #sitespecific est à taille humaine, à hauteur « d’hommes », tranquillisons donc nos rapports avec l’humilité.
Des hauts diversifiés, Armada 2019, IPL
Un bruit qui court
Avant d’avoir les images, avant même de connaître l’existence des chantiers navals de Normandie (de 1894 à 1986) installés à Grand-Quevilly, nous avons pu distinguer qu’il se tramait ici, une page maritime « majeure ». Assurément, l’Armada semble avoir coiffé au poteau toutes les odyssées flottantes du coin. Nous distinguerons les modes opératoires communicationnels et promotionnels de l’outil protéiforme qu’est l’Armada plus en aval de l’article.
L’année 2019 est l’expression de sa 7ème édition. Cette dernière prend une vie effective le 6 juin 2019 et s’arrêtera, en vrai, le 16 juin. Nous connaissons tous la relativité de la notion temporelle lorsqu’il s’agit de mettre tout le monde à l’unisson. L’évènement démarre sa vie fictive un an plus tôt minimum et prendra fin, qui sait quand ?
Armada renvoie à « grand nombre de personnes ou de choses ». L’Armada s’ancre à Rouen depuis Jean Lecanuet. Cette fête maritime telle qu’elle se définit ou encore ce grand rassemblement de voiliers voit le jour, la 1ère fois, en 1989 (bicentenaire de la révolution française).
Majeur trop majeur ?
L’Armada est un mètre étalon qui vient rythmer l’année 2019 rouennaise dans son intégralité. Une hyper focalisation intentionnelle qui signe le début et la fin de l’année avec elle. Que reste-t’il à l’année 2019 ? Que reste-t’il à Rouen comme énergies, projets et possibilités ?
L’évènement majeur est par définition « dangereux » dans le sens où comme pour toute mastodonte, le monde, les enjeux, les regards…Se portent tous au même endroit et sur la même période. Il uniformise, en conséquence, les actions et programmations, écrase, empêche et hiérarchise. Lui est majeur, le reste est mineur par définition voire ordinaire de toute façon. Majeur c’est l’imaginaire de l’exceptionnel, le fantasme du Grand, le miroir déformant capital et premier. L’évènement maître donne le La, figure le primordial, incarne le principal. Nous sommes, vous l’aurez compris, loin d’une mémoire collective, l’essentiel vient annuler le pluriel, le Un vient chasser le commun. Pourtant l’Armada c’est aussi un fort succès populaire, les gens sont venus en très grand nombre. Toutefois, ce n’est pas à l’aune de ceci que nous étudierons l’approche des publics.
Le Majeur insulaire, Armada 2019, IPL
Lui, c’est un lieu également, là où les gens se déplacent, irriguent, un point de convergence, un point de mire où l’on se plait à se voir plus grand que nous ne sommes ou plus importants. Ces grandes manifestations sont source de liesse, de fierté. Nous lisions hier, Frédéric Sanchez (Président de la Métropole), s’exprimer en ces termes: « Pour l’Armada 2019, on met le paquet ». Source
La Métropole Rouen Normandie, premier partenaire financier de l’Armada, souhaite s’engager pleinement dans l’évènement. Objectif : faire rayonner notre territoire en France et à l’étranger. Nous avons pu mesurer un problème identifié dont souffre la ville de Rouen et son agglomération, elle n’est pas connue, mal connue. Peu de gens situent la ville, elle est parfois confondue avec le Havre. Depuis ce point de départ très « technique », il faut tenter d’imaginer le chemin à parcourir pour « rayonner ». Verbe que vous pouvez associer, selon votre état du moment, à briller, étinceler, flamboyer…
#sitespecific ne provoque personne mais l’objectif paraît tellement « démesuré »..Et puis luire pourquoi faire ? Pour se répandre, s’étendre, non c’est pour attirer les capitaux extérieurs, les investisseurs car l’image de Rouen n’est visiblement pas la « bonne ». Elle n’irradie pas de toute part. « La compétition entre les territoires se fait lors des évènements de ce type. Les touristes de l’Armada seront peut-être demain nos visiteurs, nos habitants et nos investisseurs. » Ce qu’il serait bon de redire c’est que sur ce territoire élargi qu’est la Normandie, la concurrence fait partie intégrante du décor: une pièce, trois villes pour un seul personnage principal. Qui sera sacrifiée sur l’autel ?
La Métropole Rouen Normandie est intéressante au regard de son incarnation de leader territorial. Elle existe, rappelez-vous les lois des récentes réformes territoriales, pour simplifier le paysage, mutualiser, renforcer les territoires…Pour nous, ici, elle est aurait pu être une aubaine, Rouen et son agglo enfin pacifiée aurait resplendi, rassembler pour se renforcer, mutualiser pour mieux valoriser, communiquer, cela semblait si réjouissant sur le papier. Sauf que les incidences profondes majoritairement politiciennes sont ressenties même par la population. La Métropole ne nous éclaire pas mais nous disperse. Elle s’est servi des 71 communes qui la constitue pour s’arroger la stature de Métropole mais nous sommes très loin du compte au regard de son fameux rayonnement et de son dimensionnement européen. Cet espace de référence n’est que le rassemblement de 500 000 citoyens habitants par le truchement d’un récit fictif.
Si ce n’était que cela, le fait d’être connecté ne nous sortira pas de l’enlisement dans lequel nous sommes si de profondes modifications de posture identitaire, de la part de ceux qui incarnent ce projet métropolitain, ne sont pas impulsées. Ce territoire souffrira longtemps de ses ressources en dormance, de ses initiatives avortées voire peu soutenues. Les habitants sont la raison d’existence de cette métropole, pourquoi ne seraient-ils pas sa raison d’être ? Construisez avec les citoyens habitants présents et non pour ceux que vous souhaitez accueillir demain, repensez avec nous, écoutez ce que le territoire humain vous dit, entendez le.
A Perdre de vue l’humain, Armada 2019, IPL
Les raisons de l’existence et l’accueil de cette édition 2019, soit six ans après la dernière, tiennent aussi au fait que des chantiers ont vu le jour. L’Armada c’est aussi une horloge, un phénomène de pression tant les enjeux et attentes sont immenses.
Chantiers et attractivité
Tous en même temps ou presque, sont par ailleurs de différentes natures et impactent naturellement une population diversifiée. « Des chantiers curatifs, d’accompagnement et d’attractivité » : parmi les chantiers en cours ou à venir, le président de l’agglo rouennaise fait la distinction entre trois types : ceux qui sont de l’ordre du curatif, et dont l’agenda s’impose (trémie et pont Boieldieu, côte de Canteleu) ; les chantiers d’accompagnement, engagés par d’autres collectivités au sein desquels la Métropole participe (parvis de la gare, accès sud au pont Flaubert) ; et enfin, ceux qui ont trait à l’attractivité du territoire (Cœur de Métropole, ligne de bus T4, éco-quartier Flaubert). Source
« Notre territoire est en pleine mutation pour cette 30ème Armada. Nous avons rénové le parvis de la gare, le centre-ville, les quais de Seine et dans quelques semaines nous allons inaugurer la nouvelle ligne de Téor T4 » Frédéric Sanchez Source.
Il ne s’agit pas de la 30 ème Armada, force est de constater, là encore, que les jeux de langage sont monnaie courante mais non, la 1ère Armada a eu lieu en 1989 et depuis se sont produites 5 Armada (94, 99, 2003, 08, 13). Il est bien question de la 7ème seulement et du 30ème anniversaire de la 1ère!
Les travaux, nous en avons mangé, bu, subi, nous n’en pouvions plus, voitures, piétons, vélos, usagers du métro, habitants de quartier, employés, touristes…Trop, c’était trop. Et lorsque nous nous sommes mis dans l’obligation de relire les propos du président de la Métropole, nous avions déjà compris que tout cela c’était pour ça mais la « mutation », les « rénovations », le « renouvellement urbain » nous sont apparus comme imposés. La faute à l’Armada ? « 3 millions d’euros de budget dont 1 million en subvention pour l’association », voici l’apport métropolitain comme 1er partenaire. Ceci reflète surtout un certain type de management, le pyramidal (le modèle d’organisation traditionnel), très loin de la gouvernance, des notions de parties prenantes et du transversal car la métropole s’incarne comme celle qui considère ses habitants comme des usagers et non comme des citoyens. Ce pourquoi, les travaux d’embellissement, les « améliorations », les destructions…Ont leurs raisons consternantes, parfois, d’être. l’Armada est XXL comme l’est le Panorama (décrié dès son arrivée sur les quais), au point de sourire, lorsque nous entendons Frédéric Sanchez parler de pragmatisme au regard des attentes des investisseurs qu’il a reçu lors de RDV au siège de la Métropole.
Pragmatisme ? Doctrine qui prend pour critère de vérité le fait de fonctionner réellement, de réussir pratiquement.
Attitude de quelqu’un qui s’adapte à toute situation, qui est orienté vers l’action pratique.
Créer des centralités fortes
« Devenue métropole en 2015, Rouen (Seine-Maritime) a une place à prendre au sein de la hiérarchie des autres grandes villes françaises. Mais a-t-elle su saisir sa chance ? Dans la compétition qui existe, de fait, entre les territoires, Rouen met-elle tous les atouts de son côté ? Peut-elle s’imposer comme une métropole incontournable ? Si les acteurs et observateurs de la Métropole Rouen Normandie semblent s’accorder sur le diagnostic, l’origine des symptômes et le traitement approprié suscitent pour leur part des divergences. » Source
« Rayonner » suggère une figure concentrique, centrale d’où se propagent les rayons en question. Alors, la création de ce « temple » a vu le jour techniquement, symboliquement, logiquement, tout à côté de la Métropole et de ses équipements culturels comme le 106 et le 107 (Centre d’art Contemporain).
Tant qu’il y aura la Seine, Armada 2019, IPL
La Seine est, à elle seule, un instrument de mesure pour tenter d’y voir plus clair entre Rouen et son rapport au fleuve. Combien d’investissement ont été réalisés ? La date de concrétisation des travaux sur les quais ? 2015. En 2010, les propositions formulées avaient été rejetées au motif que les quais n’étaient pas un espace suffisamment concentrique donc attractif.
l’Armada c’est la création d’une nouvelle centralité. Elle est la double erreur car elle fait suite au centre-ville historique de Rouen et son hyper focalisation qui ne permet plus de créer de distinction. Ce qui nous amènera ensuite à poser ce leitmotiv’ « Rouen, le centre du monde » visible partout, dans nos rues.
A cette illustration centrale placée « au cœur » de la Seine, nous avons ressenti la curieuse impression d’assister à un pèlerinage, rythmé, scindé en horaires et créateurs d’habitudes (feux d’artifice chaque soir). Dix jours et soirs ritualisés pouvant avoir les traits, la forme d’une messe, d’un cérémonial. Étions-nous tous conviés ?
Tirer un trait, Armada 2019, IPL
Avant de nous diriger vers la problématique des publics touchés, venus et/ou ciblés par cette manifestation, pouvons-nous examiner la présence des bateaux plus en détail ? Certains ont retenu notre attention, il s’agit de onze bateaux « gris », militaires où était inscrit : « Affaires maritimes ». A la liesse quasi générale s’ajoutait la fierté militaire normande. Le Thémis (PM 41), patrouilleur hauturier de la Direction des affaires maritimes basé au port de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) accompagné par des bâtiments militaires anglais, canadien et hollandais notamment étaient donc présents. Sous pavillon Français, on comptera aussi le Pluvier, un autre patrouilleur également construit aux chantiers navals de Cherbourg mais basé à Brest, ainsi que le Jacques Houdart Fourmentin patrouilleur garde-côtes du service des douanes affecté au secteur Manche et mer du Nord.Source
Quand les affaires sont maritimes, Armada 2019, IPL
A centralité répond verticalité ?
Nous nous sommes rendus sur le site accompagnés par une personne étrangère au projet, ne résidant pas sur notre territoire, elle s’est jointe à nous pour cette expérience humaine afin de participer à ces espaces depuis ses perceptions, impressions, requêtes et remarques.
Dès notre arrivée sur les quais bas rive gauche, nous prenons la mesure que tous, nous allons dans la même direction, dans le même sens ou presque. Peu d’affichages voire pas d’affichage qui auraient pu nous renseigner sur le durée de l’attente estimée, sur les files elles-même. Nous levons la tête et apercevons une banderole métropolitaine mais rien de ce qui nous attend n’est actualisé. Nous allons tous nous cogner à ce mur humain de la file d’attente, à cet entonnoir sans que des files soient distinctement dessinées, aménagées pour parer de manière efficace à la gestion des flux. En chiffre, histoire de vous situer, l’Armada et sa dernière édition c’est :
Vous le saisissez très certainement, les évènement touristiques, culturels sont trop traduits et analysés depuis leurs chiffres, d’ailleurs, l’attente se fait sentir pour celui de la fréquentation de l’Armada (annoncée 1/3 supérieure à son édition 2013…) Passons… Et la place de l’humain dans tous ces chiffres ? Sa satisfaction, son confort, ses impressions ? Qu’en fait-on ? Nous aurions beaucoup aimé qu’une équipe de chercheurs de l’université de Rouen se penchent sur cette « chose » Armada, cet XXL afin de réaliser un travail de terrain à partir d’enquêtes quantitatives (questionnaire) et qualitatives (entretiens)!
Nous, les publics
Avec notre travail in-situ de testeurs/spectateurs, nous pouvons d’ores et déjà avancer que les différentes scènes, plans qui étaient donnés à être vécus, à être vus, faisaient état de :
Un manque d’information une fois sur les quais s’est fait sentir: nous attendions quoi et où devions-nous nous placer ? Créant ainsi un sentiment de compétition entre nous comme celui des caisses de supermarché avec « qui va plus vite? »
Des personnes, sans tact aucun, doublent, s’agacent. Nous restons dans une file en nous interrogeant sur ce flux qui n’a aucun sens et qui est illégal dans sa façon de procéder due à un défaut de parité dans les services de sécurité. Une fouille au corps étant introduite dans le processus de tri au checkpoint sauf que seule une femme est en mesure de fouiller une femme.
Enfin, une femme chargée de la sécurité précise que pour les femmes c’est par là, celles autour de nous regardent nous diriger dans le « bon sens » mais visiblement ne comprennent pas. Parlent-elles français ? Cette information ne sera pas traduite.
Un sentiment particulier s’installe peu à peu, nous nous réjouissons d’avoir mangé en dehors car hormis les carrés VIP et autres terrasses labellisées « New-York » vides, les espaces populaires sont, eux, pris d’assaut au point que les gens mangent assis sur n’importe quoi.
La place du vertical nous assiège dès le début, haut les yeux, lever la tête mais aucun banc ni autre installation n’est mis à la disposition des visiteurs afin de prendre le temps de regarder les scènes dans leur horizontalité cette fois, debout à attendre et debout encore et encore sera notre lot éprouvant jusqu’à notre sortie définitive.
Nous sommes très nombreux, dans un balai incessant, les gens hagards, ahuris, perdus, épinglent des visages perplexes, fatigués. Le personnel des bateaux semblent dans le même état.
Les gens, Armada devant le 106, IPL
Nous passons devant une installation centrale (devant le 107 et le siège de la Métropole). Plutôt bien réussie ce mur pour coloriage à notre gauche par contre nous restons dubitatifs quant à l’offre de droite pour les enfants et adultes située sur la Seine.
Le camping ne met pas en avant d’informations suffisamment claires pour que nous mesurions sa pertinence.
Le 107 ne nous a pas donné envie de rentrer de manière spontanée. Deux raisons à cela: 1/ Trop de vitres qui engendrent un sentiment d’enfermement. 2/ Le nom d’une banque juste au dessus comme si des bureaux bancaires avaient atterri là.
Nous sommes sur place sans plan, sans programme afin de tester les outils communicationnels mis à disposition sur site.
Ils nous paraissent, pour la plupart, être rédigé en français. Mais il ne s’agissait pas d’un « rayonnement » à l’étranger tout à l’heure ?
Nous sommes au pied du pont Flaubert, n’ayant aucune visibilité sur ce qu’il y a ensuite, nous hésitons à poursuivre, nous constatons, le long, la présence de boutiques, et étonnamment, nous avons croisé un stand de la marque Tesla. Nous restons un temps circonspects: un évènement « populaire » et des carrés VIP, des terrasses couvertes pour des services de restauration coûteux, Tesla (la marque touche, en majeure partie, une clientèle aisée)… Mais quelles sont les cibles ? De surcroît, la place centrale allouée aux espaces pour se restaurer n’est pas en mesure d’accueillir la typologie des publics du samedi: très nombreux, familiales et soucieux de leurs budgets.
La verticalité nous éprouve, alors nous décidons d’emprunter les marches du pont Flaubert, nous nous apercevons qu’un sens de circulation nous oblige à prendre tous le même escalier.
Les ascenseurs, non adaptés de par leur taille, laissent attendre de nombreuses personnes avec des poussettes ou d’autres à mobilité réduite…Au point que certains portent leur poussette pour tenter l’ascension.
Le pont et ses coursives peu larges mais opérationnelles facilitent notre cadence. Puis nous redescendons pour nous « amarrer » quai bas rive droite. Nous épinglons un stand de la marque Range Rover et ses tarifs salés: Le SUV Evoque coûte environ 40 000 €. Quel rapport ? Si seulement cette Armada avait pu être le moment pour aborder le transport fluvial comme alternative au transport routier…
La vue saturée et la fatigue sont plus que présents et nous éprouvons la ferme envie de nous asseoir. Oui, mais où ?
XXL versus humanité, Armada, IPL
En fait, après avoir tenter de rester concentrés, debout durant plus de deux heures, nous cherchons en vain à fuir, ne serait-ce qu’un instant ce flux. Oui, mais voilà que la pluie fait son entrée, alors, un lieu d’où s’échappe une petite forme musicale en live, nous tend ses bâches. Tous, nous y retrouvons… Nous sommes bientôt les uns sur les autres non pas pour profiter du concert mais bien pour se mettre à l’abri. De là, au milieu d’œuvres d’art installées tout près de comptoirs aux goodies, nous penchons une tête emplie de compassion pour cette architecture oubliée qu’est le Chai à vin, nous déplorons, une grande scène et le reste en plein air et ce qu’il reste du hangar 23.
Le Chai, un site specific, Armada 2019, IPL
Poursuivons cet éreintant voyage de samedi pourtant au début de son après-midi, vient la question des toilettes. Il faudra compter sur 0, 50 centimes d’euro l’accès! Nous sommes agacés. Pour les gens, qu’est-ce qui est plus simple d’aller au toilettes et payer cette somme ou uriner contre les arbres ? Les visiteurs sont majoritairement composés de familles, de couples (amants/amis), les personnes seules ne sont pas en reste. Les tranches d’âge représentées sont larges (allant de la toute petite enfance – Poussette) aux retraités (3ème et 4ème âge).
La typologie de publics de l’Armada présente le samedi 15 juin 2019, IPL
Nous découvrons ensuite les coursives, les gens qui mangent sur du béton, des moellons, c’est « wild », « roots » tout ce qu’on veut mais c’est surtout déplorable de voir des gens assis par terre dans un cadre aussi peu ragoutant. Pourquoi les arrières des quais rive droites n’ont pas été (davantage) aménagés ? Cela nous parait invraisemblable d’assister à des scènes aussi peu respectueuses des visiteurs. Est-ce au motif de la gratuité ? Faites payer les spectateurs 2 € mais offrez-leur de la dignité dans vos services.
Le personnel n’est pas en reste niveau traitement, nous croisons des jeunes gens en train de dévorer un sandwich par terre, à l’abri, toujours et encore, les gens sont assis sur des trottoirs, des barres pour vélo, se prennent en photo et cela nous touche qu’ils ne soient pas plus « aimés que cela. » Et c’est avec la considération de ces annotations que nous nous rendons compte que cette manifestation XXL est bien loin de satisfaire ses publics et ne peut porter le nom d' »évènement fédérateur » voire populaire.
L’Armada et ses coursives tristes, juin 2019, IPL
Nous prolongeons encore notre visite. Sans le faire exprès, les moments pénibles reprennent le dessus, le flux certes mais la sortie, au pied du pont Flaubert, est la seule issue qui fait office d’échappatoire. Avant de nous y rendre, nous passons devant les bateaux militaires, restons conscients que plus rien n’est grave, quoi que et puis, nous croisons des marins, seuls ou en groupe qui affichent une profonde désespérance. Ils en ont marre. Comme nous les comprenons. Toutefois, nous partons, à la recherche de ces visages afin de mesurer l’écart en distance qui leur est nécessaire pour décompresser du site. Ils sont publics, comme nous.
Les marins sur le départ, Armada 2019, IPL
De là, où nous sortons, nous mesurons le peu de place accordé aux vélos, pas de parkings présents. la traversée en direction de Docks 76 s’opère, nous restons persuadés que nous trouverons de quoi nous asseoir et boire un café avec une vue un peu dégagée. Erreur, la queue aux toilettes est longue et ils sont payants également, de plus le moindre espace libre à l’intérieur du centre est pris d’assaut par nos marins et notre personnel de l’Armada (à en juger par leur badge). Mais, là où nous nous arrêtons dans nos réflexions c’est sur la présence des marins, au pied de l’affichette: « Rouen, centre du monde ». Ils sont en poste, semble-t-il ? Euh…Les pauvres. Alors que nous parvenons à nous poser, nous faisons l’expérience d’un centre bondé par des gens venus s’asseoir. Les offres de petite restauration ne désemplissent pas. Heureusement que les DOCKS 76 sont là pour pallier cette demande insatisfaite par l’Armada elle-même. Il est 15H30. Nous nous sommes plus ou moins remis et nous repartons visiter cette fois le quartier afin de voir jusqu’où les publics de l’Armada s’étirent. Nous croisons quelques marins venus manger seuls, isolés, au milieu des bas d’immeubles. Nous continuons et les parkings (qui ne nous avaient pas concerné jusque là) font leur apparition: 3,50 €/ l’heure. Les visiteurs improvisent naturellement leur stationnement sur les contre allées, l’herbe…Nous partons en direction de la préfecture, nous détendre encore un peu et profiter des rayons de soleil et de la vue dégagée qui nous sera promise. Bien sûr avant d’arriver à bon port nous n’avons cessé de croiser les verticalités des mats pour chaque rue parallèle, un spectacle, en soi, joli.
Depuis la préfecture, le Dôme du tonnerre, H20 et un bateau, Armada, IPL
Vous le voyez bien à droite, la grande architecture arrondie, le dôme du tonnerre comme nous aimons le surnommer non sans ironie, et bien il est une des raisons invoquées pour ne pas accueillir un autre bateau. Par manque de place sur les quais, la faute au Panorama XXL, l’Aquarius ne fut pas autorisé à accoster…
L’Armada, les coulisses
L’aquarius
Un bateau a sauvé l’honneur de l’Europe en recueillant plus de 30 000 naufragés, c’est l’Aquarius. Affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l’association SOS méditerranée, le bateau est ensuite immobilisé pour des raisons administratives et judiciaires. Source
« L’Armada, manifestation populaire et fête maritime réunissant des citoyens du monde entier se doit d’accueillir l’Aquarius afin de lui rendre l’hommage qu’il mérite, un hommage humaniste et fraternel.« Source
Faute de pavillon c’est la fin d’activité du bateau, alors des associations, au nombre de 27, se lancent dans le projet solidaire et généreux de proposer l’ accueil de ce dernier pour l’Armada.
Un extrait du Communiqué de presse du 24 avril 2019:
« Des représentants du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU ont annoncé mardi 23 avril 2019 le naufrage d’un chalutier dimanche dernier au large de la Libye faisant 800 morts. Ce chiffre macabre ne cesse d’augmenter, malheureusement dans l’indifférence de nos gouvernants. »Source
En marge des quais bondés de l’Armada de Rouen, ils sont une petite dizaine d’associations humanitaires (Amnesty International, ATD Quart Monde, Emmaüs, Médecin du Monde, …) à se rassembler, vendredi 14 juin, pour interroger l’organisation de l’événement : où est l’Aquarius ?
« Cela aurait été avec plaisir mais nous n’avons plus de place. Cela fait 5 ans que l’on place les bateaux invités à l’Armada. Cette demande arrive trop tard. Nous avons du aussi refuser le multicoque de François Gabart » explique le président de l’Armada, Patrick Herr.
Peut-alors observer un évènement à l’aune des éléments de réponse formulés par sa présidence ?
Pour reprendre les propos de Bertrand Rouzies pour Médiapart et son article du 8 février 2019 « le signal de ce refus est désastreux ». L’exemplarité telle qu’elle est précisée pour les services rendus en mer, aurait pu trouver sa « place » au sein de la grande manifestation.
» Une fête « populaire » et « gratuite » (le visiteur est le produit) qui, au-delà des retombées commerciales escomptées, se présente comme « l’événement fédérateur de l’axe Seine » . L’Armada se serait ainsi autorisée une représentation plus humble. L’humain face à cet XXL, à ce monumental à l’instar de la mer, est bien frêle. Justement, la vulnérabilité de l’Homme est sans cesse questionné au sein de cet élément naturel. Alors, la demande était légitime, en effet, de nous rappeler et, ce, d’une manière victorieuse, puisqu’il s’agissait ici d’accueillir un bateau symbolique pour son assistance, que la mer est une territoire de droits.
Les messages retenus
Avec les raccourcis, vous retiendrez « pas de place pour le droit des hommes », « pas de place pour les mains faibles ». Vous ajouterez l’accueil de la « fierté militaire » et ferez vos associations d’idées. C’est avec cela que chacun nous construisons notre « tout », c’est-à-dire, ici, notre expérience de visite. Vous l’aurez saisi, nous étions un brin contrariés. Nous avons fait l’apprentissage d’un défaut de synergies entre les publics, venus certes nombreux mais, il nous faudra le scander au besoin : « ce n’est pas à l’aune des chiffres de fréquentation qu’une manifestation se comprend ».
Les erreurs d’appréciation
L’Armada n’en était pas à son coup d’essai, de surcroît comment peut-on concevoir une telle campagne de communication et ne pas être à la hauteur d’un point de vue logistique ? En effet, les espaces n’étaient pas réfléchis pour s’adapter à ce flux de visiteurs, ni en termes de capacité ni au regard de ses offres. Cet évènement est aussi une vitrine pour attirer, pour aider à l’identification. Le problème de ce type de « produit » c’est l’effet miroir. Attirer qui ? Changer quoi ? L’Armada avait pour objectif, entre autres, d’infirmer le repli de Rouen, d’attester par la preuve que Rouen c’est…Quoi ? Grand, dynamique, à même de concurrencer qui ? Si pour nous, cela fut un test, il en a été de même pour ceux qui sont venus prendre une dose, une ration imagée de ce territoire. Cette narration qui leur fut contée a-t-elle suffit à prouver, à démontrer que Rouen c’est… Oui, c’est cela aussi le problème, Rouen c’est quoi ? C’est qui, le savez-vous seulement ? Les attitudes politiques en termes de valorisation territoriale sont très éloignées des habitants, rappelez-vous en, l’idée fondatrice de la Métropole c’est d’attirer des capitaux extérieurs, de jouer la carte de l’extériorité, pas vous ni nous mais ceux qui pourraient venir, ceux qui vont venir! Le postulat comporte sa dosette d’indifférence voire de mépris pour ceux qui résident et « font » cette aire urbaine.
Pragmatisme
Face aux interlocuteurs « pragmatiques », la présidence de la Métropole Rouen a tenté toutes les voies navigables ou non de la séduction avec cela comme toile de fond: « Rouen, c’est bien pour investir, Rouen attire du monde, Rouen c’est la Seine, Rouen c’est …Etc…
Nous pouvons répéter que les conditions d’accueil et les offres de services n’étaient pas en mesure de satisfaire une diversité de publics. De plus, les choix stratégiques effectués en matière de présentation/représentation, de commercialisation ne permettent pas de créer quelque centralité que ce soit. A ce titre, la notion de « centre », par définition, galvanise certes mais ne permet pas la mise en place d’une tentative de reconquête des territoires annexes.Alors que tout centre tend à s’étirer pour affirmer sa puissance. Là, n’est pas la question. Oui, mais la Métropole Rouen Normandie c’est Rouen et 70 communes. Partant du principe que sans les 70 communes et Rouen, la Métropole n’existerait pas, en quoi, Rouen vendue comme une centralité est-elle en mesure de créer des synergies avec les autres territoires ? D’autant qu’anonymés comme cela sous leur « 70 », ils ressemblent davantage à des terres oubliées, rassemblées histoire de dire. Que dit Rouen avec sa centralité d’Armada ? Elle se réclame d’une figure exclusive et excluante. En outre, Rouen et ses deux rives ont lancé un signal fort: L’Armada n’a autorisé aucune centralité à même de faire se rencontrer les espaces fluviaux et terrestres (les quais et la ville) des deux rives. Elle ne peut se targuer d’être rassembleuse car les espaces de relégation n’ont pu bénéficier d’une programmation irriguée par l’Armada.
La question de l’attractivité
Elle n’a pas contribué à impulser une image attractive de Rouen d’une part parce que les trois ressorts de l’attractivité selon Philippe Duhamel ( 2007) que sont le patrimoine, la modernité et l’évènementiel n’étaient pas rassemblés. Le ressort qui manque c’est celui de la modernité. L’Armada est une proposition « conservatrice« . Reprenons sa définition baudelairienne pour nous faire comprendre. Charles Baudelaire, souvent désigné comme le chantre de la modernité, « ne craint pas le paradoxe car la modernité c’est le paradoxe : la théorie de l’absolu relatif, la légitimité subversive, la permanence esthétique dans l’éphémère »Source. Baudelaire fait entrer dans la poésie des termes nouveaux car il s’inscrit dans un contexte culturel et politique, il s’ancre dans le réel. Ce qui se traduit par des approches nouvelles comme « la ville », « la laideur », « le trivial » avec des volontés novatrices comme « tirer l’éternel du transitoire ». L’Armada ne peut être cet outil en charge de l’attractivité rouennaise car certes ce sont dix jours d’évènements, oui, le monde maritime présent peut relever de la définition du patrimoine matériel et immatériel (symbole, folklore, chants) telle qu’ils sont définis par le code du patrimoine mais pas de modernité en raison d’une hyper focalisation communicationnelle, commerciale bref, stratégique oublieuse des humanités, du vernaculaire, du réel. Trop ancrée sur son sol conservateur, elle ne pouvait, en effet, accueillir l’Aquarius. Pour aller dans le sens de Rouen et son amour du traditionnel, il ne fallait pas œuvrer dans une logique disruptive, pour asseoir la stratégie territoriale de la Métropole, il n’aurait pas été convenable de trop diversifier, de faire avec notre « modernité ». Comment peut-on attendre des autres qu’ils s’intéressent à nous alors même que nous ne nous aimons pas ?
Le selfie de l’humilité, Armada 2019, IPL
Nous ne nous exprimerons pas sur les annotations de la météo jugée « capricieuse ». La tempête Miguel trouve sa raison d’être comme tant d’autres bouleversements météorologiques avec lesquels nous devons composer. En outre, la pluie est une actrice principale en Normandie pourtant bien peu de bâches ou des VIP.. Par ailleurs, n’ayant pu réaliser une analyse auprès des commerçants, nous ne développerons pas ce sujet. Notre exploration s’est faite sur site mais à quais donc ne comprend pas les défilés dans les rues, les visites en détail des bateaux. Notre échantillon tient en cinq heures d’après-midi (de midi à 17h), les concerts du soir ne sont donc pas développés.
L’Armada, le temps des discours
Si vous le souhaitez, afin de vous apporter des compléments d’information, vous pouvez vous intéresser aux bilans et discours suivants:
Ce que nous avons pu découvrir, après coup, s’est construit avec le départ et donc la fin de cette édition. Il semble qu’une forme d’habitude et donc d’attachement ont pu s’installer. Les publics ont manifesté leurs émotions et leur liens, en postant beaucoup de photographies sur les réseaux sociaux et en précisant leur présences/passages sur la manifestation. L’adjectif « triste » et les déclarations d’amour du type « Rouen, je t’aime » ont signé de nombreux post.
Isabelle Pompe & Co pour #sitespecific, le 24 juin 2019.
Parlons de partage, de frontière et de limite. Une ligne c’est quoi ? Deux options s’offrent à nous:
Trait continu, dont l’étendue se réduit pratiquement à la seule dimension de la longueur : Tracer, tirer des lignes.
Trait réel ou imaginaire qui sépare deux éléments contigus ; intersection de deux surfaces : La ligne de l’horizon.
Voire trois: trait tracé sur le sol pour délimiter une piste, en marquer le début et/ou la fin : Ligne de touche.
Ligne de partage
Le partage c’est quoi ?
Action de diviser une chose en portions, en parties : Le partage du butin.
Fait de partager quelque chose avec quelqu’un : Le partage du pouvoir.
Ce qui nous intéresse, tout d’abord, c’est la ligne de partage. Cette association de mots est aussi régulièrement associer à « la ligne de partage des eaux » (limite géographique qui divise un territoire en un ou plusieurs bassins versants. Plus précisément, de chaque côté de cette ligne, les eaux s’écoulent in fine dans des directions différentes…En France, il existe des points triple et quadruple avec par exemple Rhône/Seine/ Meuse, Rhône/Seine/Loire, Rhône/Loire/Garonne…)
Ici, avec Site Specific, nous sommes avec la Seine pour unique actrice, de ce fait, pas de « ligne de partage des eaux ».
Chaque métropole entretient un rapport avec son fleuve qui cristallise parfois une relation proche de la symbiose ou une difficile cohabitation. Le 1er élément à observer ce sont la considération des quais et leur aménagement. Nous comprenons qu’à Rouen, les quais ont aussi été pensés comme des hébergeurs de paquebots touristiques. la rive droite avait ses occupants saisonniers et qu’en était -il de la rive gauche ?
La rive gauche est doublement coupée car la ligne de chemin de fer suit la Seine.
Europa (Gare désaffectée Rouen rive gauche), IPL, 2015
Disons qu’elle avait sa ligne de chemins de fer, ses trains, son dépotoir tout du long, que, de temps à autres, quelques voitures venaient y faire des courses, des dérapages pour se marrer, que longer ses quais c’était comme traverser un pays dont le sol et le décor étaient suspendus à une époque antérieure…Mais cela pouvait avoir son charme, sa forme de mélancolie…
Et puis, petit à petit, on a commencé à voir apparaître, des éléments de décor comme des choses en couleur:
Red (quai rive gauche), IPL, 2015
Cela n’a pas vraiment changé à cet instant, d’ailleurs, mon étonnement fut grand lorsque j’ai découvert ces baby-foot seuls, rouge, là. La dignité de la rive gauche n’était pas pleinement réhabilitée avec ces petits efforts, une courtoisie à peine. La balance entre les quais allait prendre encore un tout petit peu de temps.
La différence
« Caractère ou ensemble de caractères qui dans une comparaison, un ordre, distinguent un être ou une chose d’un autre être, d’une autre chose. »Source
Pour celui qui se postait d’un côté ou de l’autre de la Seine, les éléments de disparité étaient flagrants. En face, les quais avec le Marégraphe étaient de toute beauté avant le Panorama XXL. D’ailleurs, il fut question, un temps, que cet équipement déménage rive gauche….
Désormais, les quais ont leur arbres et n’ont plus leur fête foraine. Les face à faces se passent mieux déjà à hauteur des quais, après cela se corse toujours un peu dès qu’on en sort et qu’on emprunte les rues qui irriguent les quartiers St Sever, Europe, Grammont, St Julien, Jardin des Plantes et la direction du Petit-Quevilly via l’avenue de Caen…
Trop, beaucoup trop de voitures circulent, bouchent, polluent ces axes et le ressenti en termes de vie de quartier est à la peine. La faute à des aménagements urbains pour le « tout voiture » ou plutôt, le « tout transport routier ». Les piétons galèrent, les vélos tentent leur chance un peu. Les lignes de front que sont ces rues, avenues où les véhiculent circulent en trop nombre, souvent à trop grande vitesse apportent au décor une grande indécence. Le charme n’opère plus car cela n’a rien de très agréable comme promenade pédestre…
Les milliers de pots d’échappement, ça empoisonne
Les milliers de véhicules routiers, c’est dangereux, bruyant et cela prive toute qualité de l’air, de vie.
Les communes écrasent sous le poids de leur « sur-immatriculation »
Les transports en commun tel que le Teor ou le Métro usent les rues, les quartiers et crèvent le commerce local. Regardez Rouen rive droite et l’avenue Alsace Lorraine, continuez avec Le Petit- Quevilly et l’avenue de Caen/Jaurès depuis le métro….D’un côté, l’ennui ce sont les qualités d’aménagement de ces lignes…Elles sont au mauvais endroit ou non adaptées, elles empêchent toute centralité pour les habitants et donc la création de lieux fluides de partage. D’un autre côté, avant, il y a peu, le métro n’existait pas…et donc la distance allait de pair avec la différence…
Ici, rive gauche, nous subissons la voiture et l’absence de vie de quartier, de centralité tout simplement pour certaines communes c’est très flagrant, ce ne sont que des lignes, et encore des lignes, des horizontales, droites, tout droit, toujours tout droit…Mais avant, cela, nous évoluons derrière nos fortifications à angle droit.
Un jour flou d’angles, IPL, 2015
Notre enceinte, notre enclave, la cité administrative, la tour des archives, passez par la Place Joffre c’est plus agréable même si le balai des voitures, la ligne droite jusqu’à St Sever et le métro qui suit la ligne c’est un peu trop « toujours tout droit »….
Le Centre commercial St Sever est un lieu privé qui fait office de lieu de vie car la mairie n’est pas parvenue à avoir l’idée de créer un endroit de partage. A côté du centre, il y a la MJC et les services sociaux, de l’autre côté le marché Place des Emmurés, ok. Les rues du quartier sont résidentielles et les quelques commerces « ghettoïsent » les espaces, par exemple, ceux de la rue Lafayette, de la rue St Sever. Dans le même temps, à Rouen, les loyers même rive gauche sont chers, les baux commerciaux sont en grande difficulté idem rive droite.
Pourquoi ne pas pas proposer des baux précaires, solidaires, associatifs ou je ne sais pour ne pas laisser mourir ces quartiers ?
Et ne pas se recentrer sur la rive droite et son hyper centre historique en termes d’actions de ce type.
Cesser le clivage cela commence aussi là, permettre les conditions d’une mixité repose sur le fait qu’il ne faut ni abandonner ni privilégier.
Le manque d’équité
En écoutant l’histoire de la rive gauche et la perception qu’en ont les habitants lors d’entretiens, nous pouvons prendre la mesure d’un sentiment de colère, d’abandon en raison d’un manque de traitement égalitaire. Au point que les appellations rive gauche et rive droite avaient, un temps, disparu au profit de Sud, Nord, Est et Ouest. Il n’en demeure pas moins que le code postal est une affaire qui passe encore très mal. 76000 et 76100 ressort comme parfois « une différence injuste », un « cela veut tout dire » , « un symbole ». Cette distinction géographique est nourrie par la concurrence déloyale qui prédomine sur les deux rives. Une compétition? Non, une affirmation de supériorité d’un bord et une déconsidération pour l’autre.
La faute ne revient pas au fleuve.Il est vrai qu’à Paris, la Seine traverse aussi la ville, c’est aussi un département, mais ce n’est pas tout à fait à partir du fleuve que les vingt arrondissements municipaux forment « l’escargot ». Les 20 arrondissements ont été créés en 1859.
La distinction
A l’origine, Rouen existait seulement rive droite. ce qui constitue un problème historique majeur car c’est « à partir de » et non « avec » que la ville s’est développée. Son aire urbaine relève de la Métropole Rouen Normandie, donc non, la rive gauche de Rouen, ce n’est pas la banlieue. Il est vrai que le passage d’un état de la matière à un autre est encore perçu, aujourd’hui, comme une altération. Ce qui se trouve être à l’origine de cette distinction. Le fait d’avoir annexé la rive gauche au monde premier rouennais (rive droite) continue d’alimenter les logiques excluantes. En face pas de réplique, pas de ressemblance, avec ce tête à tête de rive se plante une ligne de front, une ligne d’opposition, de camp adverse. Le meilleur moyen pour la rive gauche d’exister pleinement, librement serait de refuser ce jeu de dupes, de s’émanciper de ce rejet, de ce traitement de défaveur, de refuser ce qui la hiérarchise.Pour cela sur qui peut-elle compter ? Qui pour la promouvoir, pour la dire, la raconter et d’ailleurs où se fixent les regards ?
Entre les quais et le jardin des plantes ?
« La rive gauche ne se limite pas aux bords de Seine. Plus en retrait, le Jardin des plantes devient un spot de choix pour les touristes. Près de 568 000 personnes l’ont visité en 2016. Le centre commercial St Sever est cité toutefois, les grands travaux du quartier ont marqué économiquement durablement, de plus, les touristes se voient régulièrement proposer davantage d’offres de restaurants et d’hôtels rive droite ce qui parfait la névrose des commerçants. « Antoine Péllerin, réceptionniste à l’hôtel Saint-Sever, fait le même constat : «L’affluence est meilleure en semaine, nos clients sont surtout des gens venus pour leur travail à Rouen et qui habitent loin de l’agglomération. Quelquefois des cars de touristes allemands ou hollandais arrivent jusqu’ici tout de même, mais c’est peu fréquent.», le journal poursuit pour cet article du 30 mai 2018 : « Beaucoup d’eau coulera encore sous les ponts avant que les deux rives se rapprochent…Source
« L’office de tourisme organise « des rallyes de visite » dans le quartier Grammont deux fois par an – des visites à pied de 2 à 3 heures accompagnées d’un guide qui s’adapte aux thématiques choisies par les familles. » Source
Et enfin, le Parc urbain des Bruyères (L’ancien hippodrome, à cheval entre Rouen, Sotteville-lès-Rouen, Saint-Étienne-du-Rouvray et Le Petit-Quevilly fermera mi-juin. Il ne rouvrira qu’à l’issue des travaux, prévue fin 2019.)
Avec Site Specific, essayons de valoriser cette rive comme elle le mérite et donnons à voir les images de celle-ci, son histoire, sa mémoire, son patrimoine et ses habitants.
Trois couleurs: Bleu, IPL, Petit-Quevilly, 2019
Le Petit-Quevilly, commune de résidence, possède des ensembles architecturaux, une histoire ouvrière passionnante et toujours des ambiances!
De nouveaux lieux émergent, tels que le Kaléidoscope des Copeaux Numériques
L’intérieur du Kaléidoscope, 2018, Crédits Joëlle Petit
Au-delà des lieux, des noms, des labels et des projets, toutes les communes de la rive gauche sont des mines d’or au quotidien, elles offrent un « patrimoine de l’humilité ».
Pour dernier exemple, comment est-ce possible que peu de personnes connaissent le pôle régional des savoirs qui a, certes, depuis changé de nom mais, au fait, quelle est sa mission?
L’ATRIUM
L’Atrium, ex-Pôle régional des savoirs, devient un nouvel espace régional de découverte des sciences et techniques de Normandie.
D’une surface de 1 000 m² d’exposition, il abrite jusqu’en octobre 2019 l’exposition annuelle sur l’espace et l’aérospatiale « Voyage vers Mars. Découvrir la science de l’air, de l’espace et ses métiers », co-construite avec NAE, la Cité de l’Espace de Toulouse, la Cité des Sciences et de l’Industrie, des partenaires de recherche locaux, la Cité des Métiers de Normandie…
Y sont hébergées une quinzaine d’associations régionales qui œuvrent pour le partage des savoirs et des connaissances dans différents domaines : Cité des métiers de Normandie, Agence régionale de l’environnement, CARDERE, Normandie Images, Normandie Livre et Lecture, Promotion Santé Normandie, Journal Globules…
Un lieu scolaire et grand public, ouvert du mardi au dimanche
Une grande exposition de dimension nationale
Une animation menée par Science Action Normandie, pour la diffusion de la culture scientifique et la découverte des métiers, en lien avec la Cité des Métiers.
Nous reviendrons, plus en détail, ultérieurement sur des structures et leur typologie de publics, telles que Seine Innopolis qui malheureusement ne repose pas sur un projet en partenariat avec la population locale et de, ce fait, fait figure de beauté architecturale inaccessible pour les habitants de la commune.
Seine Innopolis (Ancienne usine de filature- La Foudre), Petit -Quevilly, IPL, 2016
Le « territoire » est à comprendre au sens de « commune ». Par territoire social, j’entends, réaliser une exploration de la population de cette commune pour préciser ses spécificités et ses ressources. Une population se définit par l’ensemble de ses habitants mais nous aborderons aussi les employés des sites industriels dont le siège social est/était lié à cette commune. Chaque espace de référence a son propre territoire social : du fait qu’il soit interdépendant d’un passé économique et aussi parce que les modifications, que ce territoire a subi, lui sont propres.
Pour exemple, Le Petit- Quevilly était à l’origine une commune rurale qui, de par, son sol (plutôt sableux), cultivait un certain type de céréales (seigle). Son centre historique s’est construit autour de l’église. Ses terres, plutôt maigres, semblent nous indiquer que la population avaient de faibles ressources.
Érigée en paroisse autonome au début du XVe siècle, Petit-Quevilly et ses quelques centaines d’habitants décident de construire une église aux proportions plus importantes que la modeste chapelle, succursale de l’église Saint-Pierre de Grand-Quevilly, servant jusqu’ici au culte. Source
La mare possède un rôle très important pour la commune. Elle fait partie intégrante du village.
La proximité de la Seine, pour le Petit-Quevilly, aura un impact décisif sur son devenir économique, social et sur le type d’entreprises qui viendront s’y installer.
Eglise St Pierre et la mare du Petit- Quevilly, date approximative (timbre semeuse orange 1907/ 1922)
Les interventions de la préfecture de la Seine-Inférieure
Le préfet de la Seine-Inférieure (chef lieu: Rouen) va avoir un rôle déterminant pour la commune. Deux de ses interventions vont sceller l’avenir de ce territoire. D’une part, il autorise, en 1808, l’implantation de l’usine Malétra, privilégiant ainsi une terre éloignée de Rouen et de ses habitants. La production de cette usine est perçue comme dangereuse. La chimie s’installe sur ces espaces peu peuplés et pauvres. La venue de Malétra fut, peut-être, associée à un essor pour la commune grâce aux emplois et à une promesse de modernisation. La question de la réception, de cette usine, par la population, fait partie des pistes à explorer.
Quartier Nobel (actuel quartier de la Piscine) en 1977 – Archives municipales Source
D’autre part, les limites des terres du Petit-Quevilly demeurent floues relativement longtemps, puis, en 1811, l’étendue en surface de la commune, est clairement définie par le préfet de la Seine Inférieur. Désormais, il faudra compter 652 hectares. La commune du Petit- Quevilly est, alors composée de 1000 habitants.
Transformations et ruptures
L’essor de Rouen, via son port, St Sever (Rouen, rive gauche), et le chemin de fer vont favoriser le développement soutenu de l’industrie sur ce territoire. La chimie, sera en 1ère ligne, ce, tout au long du XIX ème siècle. La commune change d’allure et de visage.C’est par l’avenue de Caen, par cette ligne droite, que tout commence pour l’industrie locale. Comme un prolongement naturel vers Rouen, elle accueille, par exemple, le gigantesque bâtiment de la Foudre, dès 1845-47. Cette construction phare est novatrice. Édifice aux dimensions impressionnantes (147 m de long et 16 m de large), La Foudre, a, en outre, connu de multiples vies. A partie de 1859, les transformations se succèdent. Elle relève, aujourd’hui, du patrimoine industriel et a été reconvertie.Reconversion du patrimoine industriel région Normandie
La filature de lin « la Foudre » demeure, à son ouverture, la plus grande usine du genre en France.
La population de la commune
Source Insee
Et le village devient, petit à petit, une ville…
En un siècle (1793/ 1891) sa population est multipliée par 13. Dès le milieu du XIX ème siècle, elle progresse au rythme de l’essor industriel. En quarante ans, elle est triplée, passant d’environ 3000 habitants (1851) à plus de 10000 (1891).
La notion d’unité urbaine, se définie, selon l’Insee, par le nombre d’habitants (au moins 2000) et sur la continuité du bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions).
L’installation de ces sites monumentaux engendre un accroissement significatif de la population. Au sein de ces installations, de ces venues d’habitants, existe-il un renouvellement de la population, au sens générationnel du terme? Nous savons, par ailleurs, que le directeur de l’usine Malétra construit de nombreuses habitations pour son personnel autour de l’usine. Ces habitants, en majeure partie, des salariés de ces entreprises, composent ce territoire social avec ses ouvriers, ses professions intermédiaires et ses cadres. Subsiste-t’il encore une forme de ruralité? Y a-t-il eu une reconversion de cette dernière?
En plus de l’organisation de ces usines, avec leur structure hiérarchique pyramidale, ce sont les types d’établissements, définis par leurs activités (sa nature et son activité de production, de transformation…), qui auront un impact décisif sur les caractéristiques de ce territoire.
Petit-Quevilly va accueillir au fil du XIX et début du XX de l’artisanat (verrerie, tissu) et des usines (filature – « Foudre », pétrochimie – « Malétra », pyrotechnie – Davey Bickford, « Éclair Prestil » *…)
*La fermeture à glissière fut exploitée à partir de 1924 par Davey Bickford Smith* ( exploitant du brevet de la fermeture anglaise » Ligthing faster » – fermeture éclair) , propriétaire d’une usine au Petit-Quevilly où étaient fabriqués des cordeaux Bickford (mèche pour la dynamite inventée par William Bickford).
*Davey Bickford est associé à la pyrotechnie (détonateurs et matériels explosifs, systèmes de tirs, services), principalement pour les industries des mines, des carrières et des travaux publics, en ce qui nous concerne: le percement de la ligne de chemin de fer « Rouen-Orléans ».
La chimie est désormais omniprésente au sein de l’activité économique du Petit-Quevilly. Pour exemple, la filature de coton utilise des traitements, des solvants chimiques pour le nettoyage des textiles.
Selon ses propriétés, un solvant peut être utilisé comme dégraissant, adjuvant, diluant, décapant ou encore purifiant.
Tous les solvants comportent un risque pour la santé (voie respiratoire, cutanée et digestive)
Son utilisation peut également entrainer des explosions, des incendies. Source
Un paradoxe s’installe avec ces activités industrielles
Nous pouvons apprécier que, malgré l’activité industrielle de pointe par rapport aux bâtiments (La Foudre à l’épreuve du feu), aux activés de production et de transformation elles-mêmes (Bickford et ses brevets), c’est la dangerosité de ces industries qui précisera la typologie des habitants de la commune. En effet, ces usines requièrent une main- d’œuvre peu qualifiée, maintenue dans une urgence économique par conséquent peu regardeuse des risques qu’elle encourt. Les employés de ces entreprises, les résidents du Petit-Quevilly seront caractérisés voire hiérarchisés en comparaison avec d’autres territoires telle que la commune frontalière de Sotteville- lès- Rouen, qui, grâce aux chemins de fer, accueillera l’élite ouvrière.
Aujourd’hui, ce type de barrière sociologique et symbolique est encore perceptible. Son expressivité la plus flagrante demeure la gestion de la « frontière » de la Seine à Rouen où une fragmentation sociale est encore à l’œuvre. Est-elle subie, choisie voire maintenue?
Fragmentation urbaine
Elle peut se définir brièvement comme « une coupure [partielle ou absolue] entre des parties de la ville, sur les plans social, économique et politique. » (Gervais-Lambony, 2001, cité dans Dupont et Houssay-Holzschuch).
Cette notion trouve un écho singulier au Petit-Quevilly. Des « coupures » ont fait leur apparition en fonction des bouleversements urbanistiques, industriels…La percée de l’avenue Jean Jaurès, en 1797, crée une 1ère scission, qui, s’apparente à un effet d’éloignement. L’avenue et sa future activité industrielle et économique ne se trouve pas à côté de l’église et de la mare qui correspondent à la centralité première de la commune. Le site de l’Usine Malétra (aujourd’hui quartier de la piscine) prend place en 1808 entre l’avenue et le quartier historique. La ligne SNCF vient s’ajouter et créer une double rupture entre ces deux espaces. Les Chartreux, à l’opposé de la commune, vont venir fermer les portes du Petit-Quevilly et parfaire ce territoire social.
La ville perd son centre petit à petit et se définie par ces bandes successives qui vont participer à la création d’espaces de repli et à la disparition d’espaces de rencontre.
Dans une ville fragmentée, les différentes parties coexistent sur le mode du repli sur soi.
La carte de ce territoire impose, aux populations, des séparations.
Les gens ne se mélangent pas voire plus. Les volontés politiques vont différer sur ces points au fil du XX ème siècle, souhaitant recréer un centre-ville à cette commune puis abandonnent le projet.
Une des conséquences de l’accroissement de la population et surtout du déplacement de cette notion de « centralité » est la construction d’un nouveau lieu de culte. Ce projet connaitra des phases successives entre 1894 puis 1913-1916. L’architecture de cette église, située au 125 rue Jacquard, interpelle trouvant un écho singulier à la spécificité industrielle de la commune.
Eglise Saint Antoine de Padoue, IPL, 2017
Aujourd’hui, l’avenue Jean- Jaurès/ Avenue de Caen, par le tramway (baptisé métro) a recrée un effet de scission qui vient s’ajouter aux sédimentations territoriales de cet espace de référence. Cette ligne devenue une colonne vertébrale pour la commune s’est alors transformée en un autre espace de confrontation. Balisant et excluant, ce moyen de transport a engendré la fermeture de beaucoup de commerces. Son impact sur à prendre en considération.
Il peut se situer sur le plan des représentations collectives : dans l’abandon d’une vision commune de la ville comme espace d’intégration, de rencontre, et de convivialité (Navez-Bouchanine, 2001)Source
Nous pouvons ajouter que l’une des conséquences de la percée de l’avenue Jean Jaurès fut symbolique. Avec la proximité de Rouen, par cet axe, le lien naturel entre les deux communes se veut renforcé. Lien qui s’est aménagé et qui a permis à la commune du Petit-Quevilly de gagner en visibilité mais qui s’est fait également à son détriment. Le « centre » a perdu sa notion de centralité et est devenue « centre d’intérêt » car porteur de vie économique.
Ainsi des quartiers, définis par leurs segmentations sociales sont favorisés en considération du type d’habitat. Les cadres résident en appartement (exemple Rue Joseph Lebas) et les ouvriers, en maison. Ces types d’habitats se sectorisent et ne se développent pas en faveur d’une mixité sociale.
Loi Loucheur du 13 juillet 1928 – Votée à l’initiative de Louis Loucheur, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale entre 1926 et 1930, cette loi a prévu l’intervention financière de l’État pour favoriser l’habitation populaire.
Dans le cadre de prochains articles, je reviendrai, en détail, sur les usines comme composantes indissociables de l’histoire de la commune via des portraits. Et je tenterai de faire le point sur la notion de déterminant social.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.