Les parages du pôle

Interprétation du patrimoine/matrimoine

#sitespecific est bel et bien terminé dans sa forme actuelle. Résultant de multiples réflexions, interrogations et perceptions depuis ce territoire local qu’est la rive gauche rouennaise, il aura, cependant, permis de faire éclore une autre forme avec d’autres idées. En effet, une association est en train de voir le jour: « Les parages du pôle ».

⇢ Il sera question d’interprétation du patrimoine/ matrimoine du fait de l’acceptation de leur valeur et de la considération de ces derniers comme des ressources invisibilisées, indicibles voire colonisées mais valorisables dans l’intérêt des territoires. S’assurer, par cette interprétation, qu’une égalité réelle entre cultures, imaginaires, savoirs, tout simplement, entre êtres humains soit respectée.

Le projet se fonde sur une égalité de valorisation afin de ne pas réinstaurer un certain ordre culturel, de ne pas reproduire un construit social trilatéral où l’égalité serait, sous conditions, proportionnelle.

Les patrimoines/Matrimoines questionnés se trouveront, majoritairement, en périphérie des pôles, interrogeant ainsi la visibilité de ce qui se trouve en dehors des centres. Les communes relevant des métropoles, les banlieues, les zones rurales sont concernées. Pour permettre aux regards de se déplacer sans avoir à se tourner vers une direction unilatérale,  il est vital de redonner de la visibilité à ce qui est, a été, de mettre à disposition des savoirs, des cultures et imaginaires sans participer à une hiérarchie tripartite.

Le consentement quant à la domination des savoirs, des cultures c’est l’antithèse des « Parages du pôle ». Le projet vise, également, à réinterroger l’acceptation de la hiérarchisation des territoires à l’aune des notions de visibilité et d’intérêt de leur patrimoine/matrimoine respectif et commun.

Périmètres exploratoires  

  1. Travailler à partir de ces zones, espaces et autres découpes de territoires évoluant en dehors de la centralité. L’idée étant de sonder ces strates territoriales et leurs legs (patrimoine, matrimoine) afin de mesurer si les conditions sont créées pour qu’ils puissent exister, puissent être restitués, rendus à la vue.

Les parages, pensés comme des restituteurs, des passeurs d’indicibles dominés par le pôle.

  1. Qu’est-ce que cela signifie d’être, d’évoluer dans les parages, de relever du  voisinage de ce qui focalise l’attention ? Quelles conséquences et quels choix sont faits ?
  2. Quelle part de patrimoine et de matrimoine est, de ce fait, invisibilisée, floutée, inaudible ?
  3. Le pôle, est-il alors mutualisateur, une locomotive ou un  phagocyte ?
  4. Et si le pôle, par sa place, ses rôles et missions, ne permettait pas l’égalité ?

L’égalité depuis la mise à disposition des cultures, savoirs et imaginaires jusqu’à l’égalité en termes d’ accessibilité serait cet objectif commun.

  1. Le matrimoine questionne la valeur qu’on lui attribue au legs des femmes.
  2. Le patrimoine est à comprendre comme un pôle, une concentration d’efforts, de ressources et le matrimoine, encore aux bords, évalueraient, sans s’épanouir, dans les alentours.
  3. Le matrimoine cristallise cette vision enfouie, indicible de la domination, de la colonisation.
  4. Par sa valorisation, nous participons à la reconnaissance de celle-ci, à une égalité réelle et non supposée voire rêvée ainsi qu’a la mise en accès de modèles, de figures, de connaissances vitales pour l’émancipation féminine tout en étant partie prenante d’une politique qui respecte la parité.

Des actions, prestations, analyses, enquêtes pourront être menées, des groupes de travail exploratoires, ateliers et toutes formes de mises à disposition pourront être proposées sur des thématiques diversifiées.

Avec la même idée de transformation: sociétale et environnementale vont de pair.

Constats

▪ Aujourd’hui, des espaces dans le périmètre des pôles subissent encore un déficit de transmission de leurs histoires. Ces présences disponibles font l’objet d’une visible amnésie. C’est un pan du patrimoine/ matrimoine culturel, par exemple, qui est absent, introuvable, qui passe inaperçu.

▴D’une part, au regard de la perception des habitants, de l’histoire collective locale, de l’attachement, d’un patrimoine/matrimoine mémoriel tu, un devoir de mémoire devrait s’engager.

▴D’autre part, la mise en réserve voire l’abandon de certains sites physiques distillent une hiérarchie des priorités, une extinction des mémoires, une disparition d’un inventaire,

▹Effacer, reconstruire, raser, se débarrasser déclenche un gaspillage pluriel. Faire avec l’existant est une voie prioritaire. Valoriser ne signifie pas mettre en beauté, c’est surtout donner la parole, permettre un travail d’archives, d’identification de traces, de passages, de rassembler des informations afin de parler et de faire parler les lieux .

En outre, la destruction d’espaces de vies suscite beaucoup d’émotions. L’absence de relai, de médiation, d’espace d’échange, de partage de souvenir accroissent considérablement le sentiment de déconsidération des habitants, c’est le cas lorsque des immeubles d’habitation sont démolis, des usines sont fermées, par exemple.

La perception des espaces est un travail essentiel à mener auprès mais surtout avec les populations.

⇢ Depuis l’éloge des paysages, en passant par l’usuel, par ailleurs, singulier, un grand nombre d’endroits, de lieux, de sites sont placés en retrait, en seconde ligne, associés à des éléments mineurs de nos histoires collectives. Rarement, ils font l’objet de recueil, de créations de contenu, d’images, d’archives. C’est le cas pour les ouvrages consacrés au passé ouvrier, aux usines parfois présentes de manière très dense sur un territoire et seules sources d’emploi pour des générations. Explicitement, ces sites parlent, racontent, émeuvent aussi.

Ces récits sont des micro-récits dont la transmission pourrait, au moins, être faite, seul possible pour être reprise.

Ce n’est pourtant pas un défaut d’acuité qui manque à ces espaces, ces quartiers, rues, mais la mise en réseau de standards toujours plus efficaces en termes d’exclusion supprime, de l’inventaire, ces réserves historiques, intimes, humaines.

Work in progress

Dans la rue, le passé est également omniprésent, pas un passif muséal ni un patrimoine, matrimoine nécessairement matériel, il est parole, regard, présence artistique, historique, sociologique. C’est aussi le champ de l’immatériel qu’il convient de remettre en jeu. Si nous comprenons l’importance de la réinterrogation de nos cultures, un work in progress peut alors s’engager.

  • Par exemple, Marcel Duchamp à Rouen, a fait l’objet, en 2018 (Duchamp dans sa ville) d’une année consacrée. Cette idée a été portée par une toute petite équipe puis soutenue par des collectivités, écoles, structures, artistes, acteurs locaux dans le désir de pouvoir en parler. Ceci a démontré comment, en effet, une présence pouvait-être minorée, sciemment omise, une place à laquelle on ne croit pas. Les expériences, retours, résultats de cette année duchampienne se sont montrés plus que satisfaisants.
  • Toutefois, travailler tel un laboratoire, en testeur/Expérimentateur afin d’inventer, créer des passerelles, connexions  peut démultiplier le nombre d’interlocuteurs, d’intérêts, d’où la nécessité de coordonnateur, de facilitateur à même de sortir du cloisonnement disciplinaire pour faire entrer dans le bal, l’émergence.

Les parages du pôle pourrait être ce médiateur, cet agent de liaison.

➵ Un territoire qui se tourne, de façon unilatérale, vers ces points de mire touristique sans activer ses ressources dormantes se fragilise, s’affaiblit telle une terre qui ne diversifie pas.

Logo panneau rond vert parages du pole

logo « les parages du pôle », IPL, juillet 2020

« Les parages du pôle »  abordera certains des facteurs aggravants en termes notamment de politique de valorisation notamment à l’aune de la lutte contre la lacune, l’oubli de ce qui permettrait, j’en suis convaincue, d’être une courroie de transmission entre des habitants, des publics diversifiés.

Diversification 

Comment, alors que l’on ignore sciemment ces gravures ouvertes, peut-on espérer élargir, diversifier les publics de ces patrimoines/ matrimoines ? Comment pouvons-nous parler d’accessibilité alors que des choix stratégiques sont faits au nom de l’image, du nom, du renom, avec tous les phénomènes de redites et d’exclusions qui vont avec ?

╍Les droits culturels révoquent certaines politiques de l’accès, il est, par ailleurs, impératif d’interroger les choix, les axes en incluant, dans la prise de décision, les habitants- citoyens qui sont également des experts, des militants, des curieux…

◤A ce jour, les territoires, analysés par l’association, ne sont pas encore définis en raison d’ un déménagement prochain. Néanmoins, à ce jour, le chantier de celle-ci plante son décor à partir de ces questionnements territoriaux, locaux sur la notion de valeur, de centralité afin d’inviter à reconsidérer la légitimité et la question de sa représentation. Quel réalisme, quelle perspective, un diorama, un trompe l’œil ? Comment restituer un « sujet » avec la plus grande vérité et égalité possibles

▔Qui bénéficie, qui est sous estimé, pourquoi l’acratopège, le sans qualités particulières, le vernaculaire peine à être inséré au cœur des programmations… Qui les enferme dans ce désintérêt mais surtout ce jugement, les exclut alors qu’ils sont, aussi, preuve de notre partage commun du sensible, éléments de notre interdépendance et fruit de nos histoires ?

▔Comment penser des actions de réflexion sur cette notion de ressource partagée, comment inclure pour tenter d’inverser ces postures/idées reçues d’espace illégitime, de relégation, de périphérie parce que, par systématisme, le majeur s’opposerait au mineur ?

D’ailleurs, l’absence de fierté, le complexe d’infériorité, l’humilité que peut donner à comprendre, à voir, à entendre un territoire est une source d’empêchement à son éveil, à son émancipation. Ne pas créer les conditions de cette prise de conscience est un  gaspillage de ressources voire de domination de celles-ci.

. J’entends régulièrement, l’expression « Fonctionner en réseau« ,  ceci requiert des lieux, acteurs, territoires avec une volonté de sortir de l’entre-soi, de s’affranchir, sans hiérarchie appuyée, et non d’avoir une locomotive et ses suiveurs, ou encore une concurrence accrue entre organisations en quête de visibilité.

Sortir de cette idée de locale, régionale, nationale, de cette hiérarchie urbaine de commune, métropole, quitter les logiques de pivot, de ligne directrice…Un territoire possède ses propres ressources, il est, en ce sens, unique. Enfin, donner du pouvoir aux mêmes ne permet pas de créer, entre autres, les conditions pour accueillir la diversité ni pour faire « apparaitre »une distinction.

▪Toujours se tourner vers la création de conditions, être plus inclusif… Se poser en observateur, acteur pour proposer des alternatives à l’hyperfocalisation culturelle, à la méconnaissance des ressources activables d’un territoire, aux définitions de « qualité » et d' »intérêt », avancer dans une logique contributive aux intérêts des populations- habitants, au développement durable

Vous avez, peut-être, déjà pu lire, au fil des articles de #sitespecific, comment, sur cette rive gauche rouennaise, des choses ont été tentées, testées, reçues, alors, vous imaginez, qui sait, comment cette histoire va, je l’espère, se poursuivre.

⌑Pour l’instant, pas de création d’espace numérique dédié, après, tout peut arriver… Merci de m’avoir suivi jusqu’ici.

Bien à vous,

Isabelle Pompe, dans les parages, dernière mise à jour, le 28 octobre 2020.

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Créathon Social Cup Rouen 2019

Cette année, nous avons voulu faire l’expérience du créathon organisé par la Social Cup. Au regard des items: « publics », « cibles », « image voulue/Image réelle/ Image diffusée (degré de cohérence), « projets », « lien social », « lieu », « accueil », « ressources », nous nous sommes placés tels des observateurs. Notre angle de vue ? Celui du « participant ». Voici nos retours.

Créathon social Cup Rouen

Cet évènement a eu lieu le 16 novembre 2019, au Kaléidoscope de Petit-Quevilly.

Lien FB event

Les parties qui vont suivre sont extraites du site internet de la Social Cup:

« Qu’est-ce qu’un Créathon makesense ?

Un créathon makesense, c’est une journée intense d’innovation collective pour faire émerger un projet à impact, développer son propre projet ou contribuer à un projet existant. Des animateurs vous guident tout au long de la journée tandis que des coachs et experts vous accompagnent pour vous aider à avancer.
Pour assurer une cohérence, l’événement dans son ensemble sera zéro déchets !

Qui peut y participer ?

Le créathon est ouvert à tou.te.s gratuitement sans pré-requis. Les parcours adaptés s’adressent à ces 3 profils :

  • Les porteurs de projets ayant déjà un projet défini. En début de journée, vous pourrez rassembler des participants dans votre équipe et suivre nos méthodologies et ateliers Design Thinking pour faire un bond en avant dans votre projet.
  • Les futur.e.s entrepreneur.e.s souhaitant faire émerger un projet concret. Vous avez une thématique qui vous tient à cœur, un début d’idée pour répondre à un défi social ou environnemental ? Les ateliers de ce parcours vous permettront de consolider votre idée en équipe et poser des bases solides pour votre projet.
  • Les curieux.ses. Vous souhaitez contribuer aux projets ou thématiques proposés ? Vous mettre dans la peau d’un entrepreneur le temps d’une journée ? Vous pourrez passer à l’action en rejoignant les porteurs de projet du parcours 1 ou les porteurs d’idée/thématique du parcours 2. Environ 50% des participants sont habituellement des contributeurs. »

Le lieu imagé et réel

La social Cup de Rouen ne se déroulait pas physiquement à Rouen mais à Petit-Quevilly. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas cette commune, elle  relève de l’agglomération rouennaise, se trouve sur la rive gauche de la Seine. En effet, située au sud de Rouen, c’est une partie prenante de la Métropole Rouen Normandie. Et c’est, dès la prise de connaissance de l’évènement, que le problème d’identification s’est posé. Quelle est l’image voulue ? Quelle est la réalité ? Et quels degrés de cohérence ?

Avec ce post et cette insistance sur l’image choisie, nous avons voulu marquer que, d’une part, Rouen ne peut se définir par son unique patrimoine matériel touristique, Rouen, c’est la Seine et ce sont deux rives, d’autre part, avec les réformes territoriales (loi NOTRe -Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République) et lorsque des événements ont un caractère national, qui parle encore de « ville » ? Rouen est une métropole dotée de 71 communes et détentrices de ressources humaines quantifiables à hauteur de 500 000 habitants…Donc Rouen ce n’est pas la cathédrale même si nous mesurons encore la encore difficile identification de ce territoire. Rouen c’est où ? Rouen c’est « quoi » ? C’est vrai…De plus, nous pouvons voir s’inscrire dans le logo, la ville du Havre juste en dessous…La seine comme point commun et uniquement aurait été un choix judicieux à plusieurs titres. Par respect pour ces villes aux patrimoines matériels préservés, affectés ou totalement détruits par la seconde guerre mondiale et aussi par considération distinctive. Une ville comme Le Havre, détruite à 82% par la seconde guerre mondiale, offre un visage spécifique, qui plus est profondément ancré dans la contemporanéité. La typologie de cette ville, ses quartiers, son aire urbaine ne peut la ramener en « deçà » de Rouen. Un logo c’est symbolique et cela dit beaucoup de choses!

Dans un 2ème temps, aurait-il été judicieux de proposer une image du lieu réel et non du lieu supposé? Le kaléidoscope est un tiers lieu référencé en Normandie qui fut accompagné par l’ADRESS Normandie (par ailleurs partenaire de l’évènement). Quel degré de cohérence avec le logo dans ce cas ? Petit-Quevilly ce n’est pas Rouen…  Mais c’est le cas au regard de la métropole Rouen Normandie. Petit-Quevilly ce n’est pas Le Havre…Là, c’est certain…

Toutefois, nous suggérons, dans ce climat de concurrence exacerbée entre les territoires de participer à une identification globale mais précise en indiquant « Seine maritime » ou « Axe Seine » afin d’éviter l’effet fourre-tout de noms de villes associées, cela ne dit rien et cela ne tient pas compte des territoires eux-mêmes… A l’échelle locale, Rouen ne sera jamais Le Havre et inversement…A l’échelle nationale, il serait, toutefois, bon de prendre en compte qu’un territoire possède des spécificités qui lui sont propres, elles sont, de ce fait, ni exportables, ni duplicables…

  • Puis dans la communication via FB, une suggestion photographique du lieu réel aurait été la bienvenue avec un plan d’accès faisant apparaitre les arrêts de transports en commun par exemple.

Plan d’accès comportant des éléments matériels pour se repérer, ici sans arrêts de transports ligne 6 et teor ligne 4.

Entrée du Kaléidoscope// Petit-Quevilly, crédits photo: Cécile Lenormant

Publics/Cibles

Les cibles étaient donc les porteurs d’idées/ Projets et les curieux réceptifs, connaisseurs…Qu’en était-il en termes d’âge, de déplacement (commune de provenance) ?

La problématique de l’âge est parvenue, très tôt, à faire son entrée. Le logo soulignait « jeune » dans son corps de texte. Dans cette société et ce contexte la jeunesse requise ou attendue reste subjective toutefois nous demeurions très curieux de l’âge des participants et de celui des porteurs d’idées/projets. Nous nous sommes donc permis, lors de notre entrée à l’accueil du lieu, de demander aux personnes présentes ce que signifiait pour elles l’adjectif « jeune ». Il s’agit, en effet, d’une coupe de France des jeunes entrepreneurs sociaux. A l’issue des différentes sessions, un vote est organisé pour désigner qui remportera cette coupe, pour concourir et espérer l’emporter, il faut avoir moins de 30 ans. Donc, la désignation « jeune » était bien à entendre au regard de l’âge et non du degré de maturité du projet.

Logo Social Cup Rouen

Le ressenti immédiat c’est l’inaccès dommageable à ceux qui veulent se reconvertir et qui peuvent être de jeunes porteurs de projet. Et c’est là aussi une stigmatisation des générations qui vient de s’installer à nos côtés, alors que nous défendons le partage générationnel et que nous sommes porteurs de volontés équitables qui souhaitent mettre un terme à cette forme d’exclusion afin, non plus, de cibler « âge » ou encore « diplôme » mais bien « activation de ressources ».  Cette disqualification ne va pas dans le sens de l’équité et de l‘éthique qui ne sont pas , selon nous, des variables à réajuster surtout lorsque le « modèle de réflexion » défendu est en lien direct avec l’économie sociale et solidaire.

Il nous a été signalé lors de la présentation que des efforts dans la prise en compte de cette notion « d’âge » allait intervenir.

  • Pour rappel, l’économie sociale ou économie sociale et solidaire (ESS) désigne la branche de l’économie regroupant les organisations privées (entreprises, coopératives, associations, mutuelles ou fondations) qui cherchent à concilier activité économique et équité sociale.

Projets 

Ce terme « désigne ce que l’on a l’intention de faire, les moyens jugés nécessaires à la mise en œuvre de cette idée, ou un travail préparatoire. » Des disparités très grandes ont surgi entre la définition du mot projet et entre les données: entrepreneuriat, stade, pallier, connaissance du marché, terrain, cible…De là, nait le brouillard et les imprécisions sont galvanisées.

Comment à partir d’une réflexion trop vaste, d’un défaut de problématique et parfois d’une réelle méconnaissance, peut-on mettre en concertation des ressources humaines ? Comment activer les « bonnes » ? En quoi pouvons-nous apporter un soutien ou permettre un approfondissement, un argumentaire plus construit alors même que nous naviguons à vue dans un flou plus que frustrant? Ce à quoi sont venus se greffer des indésirables comme la défense d’intérêt personnel, la non prise en compte des différents points de vue. De plus, nous possédons tous une vision romantique, subjective, rêvée de ce que peut-être, pourrait-être, ou, est un projet, donc…Avec ces visions personnelles,  des valeurs non précisées, un mode projet non maîtrisé, un cruel gaspillage d’énergies a émergé.

Alors comment ne pas, en quelques heures, se fatiguer…Cet exercice d’écoute et d’aide dans la conception, demandé aux participants venus prêter main forte, requiert une concentration et des facultés qui ne sont pas innées, telle que la patience, la qualité d’écoute et une certaine idée du consensus.

  • Nous avons entendu lors de la présentation que la bienveillance et la tolérance étaient escomptées cependant, qui ne sait pas que dans des groupes, certains prennent le lead et ne sont pas en mesure de supporter l’exercice critique…
  • La réponse de la Social Cup pour, peut-être, ne pas alimenter pareille situation, tenait en la présence de deux mentors* (nous reviendrons sur cela plus en aval) et d’experts/Guides.

Lieu & Accueil

Beaucoup de difficultés à identifier le lieu ont été pointées. En effet, étant mal référencé dans Google map, un grand nombre de personnes se sont perdues ou ont passé du temps à chercher…Un exercice testeur de motivation qui aurait pu installer une impression désagréable voire une pression supplémentaire. Le kaléidoscope possède deux adresses physiques dont une pour son entrée principale rue Ursin Scheid. Cette rue ne possède pas de commerces, les arrêts de teor ligne 4 et du bus ligne 6 « Chartreux  » auraient pu bénéficier d’une signalétique ou de la présence physique d’un « guide », « parrain »/Marraine d’autant que deux participantes étaient en provenance de Petit-Quevilly. Encore fallait-il le savoir…Ce n’est visiblement pas le mode de fonctionnement de cette initiative.

Ceci a mis en exergue, très tôt, le défaut de communication inter groupe, nous ne pouvions voir qui s’étaient inscrits et nous n’avons pas été conviés à nous exprimer depuis le post de l’évènement Facebook. Pas de co-construction entre porteurs et participants, en amont, ce qui amène à une situation, en aval, contraire au management projet où chacun peut se placer au niveau de l’autre.

  • De plus, la prise en charge par la social cup distille une structuration hiérarchisée. Dépendants du manque d’information quant au lieu, assistés dans notre attitude, nous serons chapeautés. De surcroît une mise en place de règles gestuelles imposées aux publics a parfait le ressenti. Pas de « team building » (littéralement lâcher prise) à l’oeuvre puisque la méthode est un modèle à recopier, à respecter, sans pouvoir l’interroger et donc se l’approprier. Avec cette volonté d’exporter, sans prise en compte de la diversité des publics présents, nous cherchons encore où se trouve la requête de cohésion. Ceci engendrera, par la suite, le sentiment d’être empêchés dans nos autonomies et contraints dans nos ressources.

La provenance est en cela intéressante. Deux personnes sont quevillaises, les autres sont rouennais, havrais, parisiens, une personne est en provenance de St Etienne-Du-Rouvray, une autre d’ Évreux, ce qui souligne une capacité de rayonnement intéressante au regard de la Social cup et une bonne idée de date de session qui a pu, pour certains, fonctionner comme un repli calendaire en raison des périodes d’examens pour les étudiants présents par exemple.

  • Préconisation: Il aurait été nécessaire de fixer un pt de RDV repérable et rassembleur à l’extérieur.

Lien social

« La notion de lien social signifie en sociologie l’ensemble des appartenances, des affiliations, des relations qui unissent les gens ou les groupes sociaux entre eux. Le lien social représente la force qui lie entre eux les membres d’une communauté sociale, d’une association, d’un milieu social ».

Ici, de quel corpus s’agissait-il ? Et par quel (s) lien (s) étions-nous unis ? Trop peu d’informations ont circulé sur les porteurs de projets eux-mêmes donnant l’impression très nette de les découvrir, en même temps, que les animateurs de la Social Cup…

Ce manque de visibilité voire de connaissance des idées/projets proposés a souligné un caractère inégal et de trop grandes disparités. Ceci s’est accru avec la présence des partenaires de la social cup, à savoir le matin, un directeur financier de La Banque Postale et du directeur de l’Adress Normandie (Agence pour le développement régional des entreprises sociales en Normandie). Leur rôle s’est modifié au gré de leur évaluation des projets, entre renfort des forces vives, souffleur d’idées ou de lignes directrices…Qui étaient-ils ? Les éléments de réponse relèvent de pures suggestions.

  • « Être acteur pour un monde meilleur et trouver des solutions à la pollution, au chômage, à l’exclusion sociale, à la dépendance, au handicap… Voilà ce que promeut La Social Cup, un programme d’émergence de projets co-créé par KissKissBankBank, Makesense et La Banque Postale, en partenariat avec GRDF. « source

Les contradictions

Des contradictions ont été relevées ci-dessus d’un point de vue communicationnel, même si telle n’était pas leur intention, la rétention d’informations ou le simple fait de ne pas disposer de l’information en amont peut créer une opposition de principe entre le vœu pieux de l’intelligence collective et le ressenti dominé.

Par définition le management transversal, c’est faire travailler plusieurs services ensemble sur un même projet, mais sans aucun pouvoir hiérarchique entre eux. Ces entités travaillent, ensemble, dans l’optique d’atteindre un but commun. Voilà ce à quoi nous pouvions espérer nous attendre dans le cadre de ce créathon. Comme nous l’avons spécifié dans le paragraphe « lieu et accueil » et dans celui du « projet », la présence de ces deux guides, mentors comme ils se sont nommés ensuite, n’est pas allée dans la « bonne » direction.

  • Les publics de ce type d’opération peuvent avoir besoin d’un peu plus de champ libre afin de s’épanouir, leur créativité pouvant se trouver bridée par cette voix extérieure, certes volontiers pacificatrice ou utile pour se recentrer parfois mais le terme « mentor » ne va pas dans le sens de l’appui ou du « care » selon nous. Pour autant au regard de la définition du mot mentor (conseiller expérimenté, attentif et sage auquel on fait entièrement confiance), le ressenti qui fut le nôtre nous convia à y voir davantage l’élément factuel de notre incapacité à travailler ensemble. Une attestation par la preuve vivante de notre immaturité comportementale supposée. Pas faux cela dit. Nous ne nous connaissions pas, il est vrai mais ceci est la conséquence d’un scénario. Dans son organisation et son fonctionnement, ce créathon a crée les conditions d’un échange pouvant être placé en « difficulté », dépendant et trop nécessiteux d’un cadre.

Pour finir, le rejet du vocabulaire anglais nous a semblé contreproductif et vient asseoir une posture contradictoire. Qui n’a pas assimilé les termes business plan, business model? Qui, en d’autres termes, n’a pas encore été marqué par les différentes définitions du marketing? (Cette discipline émerge dès les années 30 aux États-Unis et prend en vigueur, en France, dès la fin du XXème siècle). Nous avons intégrés, pour la majeure partie d’entre nous, ces dénominations, appellations, dans nos unités de travail, équipes, services…

Ressources

Les ressources humaines

Dès le face à face, nous ressentons peu de considération des ressources existantes. Aucune question ne sera posée quant au domaine d’expertise ou de connaissance des participants. Une méthode de communication inter groupe qui a pu montrer toutes ces limites  et un manque de dialogue, hormis celui autorisé, n’a pas permis aux situations d’être constructives, pérennes voire mutualisatrices.

Une sous exploitation malheureuse a, d’entrée de jeu, instaurer un manque d’efficience qu’il conviendra de combler. Compenser cette erreur ajoutera une pression supplémentaire pour les participants et porteurs. Une charge de travail et un défaut de compréhension des enjeux seront soulignés dans le détail du retour d’expérience.

La ressource temps

Le Power point est l’ennemi des réunions et les redites font partie des phénomènes de constantes répétitions qui usent les auditeurs. Beaucoup de retard, avant cela, a été pris en raison de la présentation des porteurs de projets/idées aux futurs mentors. Une ressource temps précieuse affaiblie par la projection du PP.

Suite à la prise de connaissance des projets par les animateurs de la Social Cup, l’idée était, ensuite, de les classer en deux catégories. Nous avons démarré notre session de prise de connaissance mutuelle à 11H30. Pressées par le temps, les choses sont vites et mal faites et ne nous permettent pas de savoir vers qui ou vers quoi nous allons aller…La solidarité voire l’empathie seront les seules données qui apporteront leur solution aux problèmes. Nous iront là où il n’y a pas grand monde.

La ressource lieu

Après s’être perdus, les publics auraient, peut-être, eu envie de se sentir accueillis, rassurés. Sauf que cette entrée dans les lieux s’est faite sans chaleur. Pas de mot de bienvenue. Ce n’était pas prêt, nous devions, donc, attendre dans un hall qui allait commencer à se faire trop petit. Nous avons, alors, voulu faire tomber les silences de chacun, détendre un peu l’atmosphère, en faisant un peu connaissance. Nous nous sommes vus pointer (présentiel). Puis, nous prenons ce grand couloir et nous dirigeons vers la salle principale du RDC.

couloir du kaléidoscope

La salle possède comme une « arrière-cuisine » par laquelle nous entrons en premier et constatons la générosité des viennoiseries bio du coin (Boulangerie Osmont), du café, des jus divers…Nous restons debout. Nous remarquons cependant que des chaises nous attendent et que nous allons, ainsi, recevoir, les informations. Effet salle de classe ? Il est vrai qu’un petit côté scolaire se précise. Observons un instant où se place cette jeune femme. Sur le côté, comme bon nombre d’entre nous.Comme si ce carré massifié de chaises vides suffisait à ce qu’on se tienne à l’écart…Nous allons prendre le temps de venir nous asseoir…

Salle de « réception », le Kaléidoscope

Nous serons, tour à tour, assis, debout, réalisant des gestes proche d’une chorégraphie, nous nous parlons (trop) peu. Une speed dating version projet et debout…Tout pour nous mettre à l’aise et aller dans le sens du jugement hâtif…Nous nous méfions beaucoup des premières impressions mais là, nous n’avions pas le choix.

Retour sur une expérience de participante

« J’ai pu subir une demande d’investissement personnel assez lourd d’autant que le défaut de maturité de certains porteurs de projets en management transversal et le manque de concrétude de certaines de leurs idées ne m’ont, parfois, pas permis d’éviter des relations interpersonnelles difficiles. Quelques heures auront suffit à avoir raison de moi. Cette expérience fut une succession de contraintes et d’entraves, un exercice trop limité. Ce qui ne m’a pas donné nécessairement envie de réitérer l’expérience. Le lieu et la démarche ont pu créer une proximité forcée entre les personnes. L’impression finale est celle d’avoir exercé un rôle bien mineur, une contribution en deçà. Ce qui ne valorise pas à titre personnel et laisse une sensation amère d’être, peut-être, passée à côté de quelque chose. Les promesses et les ressentis, en direct, laissent parfois trop de place à l’écart, à la fuite en avant vers un manque d’efficience frustrant et inhibant. Je terminerai par le fait qu’au milieu de ces publics, devait certainement se trouver une idée plus pertinente qu’une autre mais c’est par pure solidarité que j’ai rejoint un groupe car faute de présence, il n’aurait pu être questionné comme nous avons commencé à le faire. Je suis sortie à 13h, un autre travail de recherche m’attendait et c’est la tête pleine à en avoir mal que je me suis plongée dans mon 2ème temps d’investigation. Aujourd’hui encore, je sais que je n’ai pas apprécié ces instants maladroitement mis en communs, en outre, je regrette de voir se confirmer le manque d’appropriation par les quevillais de ce tiers-lieu qu’est le Kaléidoscope. »

 

Isabelle Pompe pour #sitespecific le 3 décembre 2019.

La visibilité & Les représentations

#sitespecific reste un projet à visée sociologique, un outil pluriel qui se concentre sur des interrogations sociétales et environnementales. La question des représentations et celle des pratiques sont intrinsèquement liées à la genèse du projet.

Visibilité sociale

Comment le projet est-il perçu ? Par qui ? Et qui le porte ? Implicitement la question de la la visibilité, puis de légitimité font leur apparition. La visibilité sociale est essentielle à la reconnaissance des groupes sociaux. Une idée que #sitespecific souhaitait aborder, ne se présentant pas comme une association, par conséquent pas comme un groupe mais davantage comme une démarche citoyenne solitaire. Un parti pris qui regroupe intérêt personnel et intérêt général.

La rive gauche rouennaise, patrimoine de l’humilité, IPL, 2019

Il a donc été nécessaire de penser une programmation et le relai d’initiatives, comme nous l’avons déjà indiqué, qui puissent nous amener vers des axes de recherches diversifiés. Les cultures, les questions de société, l’environnement, l’économie sociale et solidaire… Vivre ici, dans ces quartier et communes, comment, autour de quoi, face à quoi, et quelles réalisations, ambitions, perspectives ? Quelle (s) représentation (s)  de nos territoires avons-nous ?

Les représentations

La valorisation de la rive gauche tient, il est vrai, en une volonté de reconnaissance, d’interrogation et de meilleure identification, la valoriser pour qu’on la voit, qu’on la respecte mais aussi participer à la ré-interrogation de la notion de valeur. (Nous reviendrons sur cette notion ultérieurement).

Nous pouvons reprendre les propos de Roger Chartier dans son ouvrage « Le monde comme représentation » (2006) en effet, il intègre de fait dans sa définition des représentations en regroupant sous ce terme « les pratiques » car elles visent à faire reconnaître une identité sociale, à exhiber une manière propre d’être au monde, à signifier symboliquement un statut et un rang. « source

Cet espace de référence qu’est la rive gauche rouennaise peut souffrir d’une image erronée, biaisée politiquement, socialement, historiquement…Une hiérarchisation territoriale malheureuse s’est mise en place, réduisant parfois ces territoires sociaux à des clivages entre les classes moyennes et populaires, à une vision binaire et appauvrie de terres industrialisées.

Sans le massifier, nous parlerons pourtant d’un territoire, complexifié par ses disparités mais aussi complexé par ses propres origines, par son humilité et par ce qu’il croit être un manque d’atouts. Là où nous y voyons des ressources, d’autres y voient un manque cruel d’intérêt, une terre d’ennui voire dortoir alors que, pour nous, l’existant est une mine d’or.

  • Une des raisons à cela se fonde sur la notion de valeur, celle accordée aux ressources existantes mais non valorisées, non activées voire non ré-activées.

Est-ce que cette croyance est partagée entre les pouvoirs politiques locaux et les habitants?

La domination

« Par la visibilité le pouvoir s’assure de son effet », soulignait Deleuze.

Le statut de la rive gauche révèle de multiples crispations. Son rang, dans la dynamique métropolitaine, repose tant sur une complexité de perceptions et d’engagement que sur des paradoxes. Le modèle dominant ne peut s’imposer à tous, chaque territoire ayant ses spécificités, ses forces vives, ses valeurs et ses richesses. Des acteurs sont prioritaires et d’autres sont à la traine mais les enjeux des communes/Quartiers ne sont pas nécessairement des leviers métropolitains.

Toutefois, la domination de la commune de Sotteville les Rouen ne fait quasiment aucun doute sur les communes retenues par le projet #sitespecific (Petit-Quevilly, Grand-Quevilly, Petit-Couronne, Grand-Couronne, St Étienne du Rouvray, Oissel), au même titre que St Sever n’occupe pas la même place que Grammont, île Lacroix et que le quartier St Clément/Jardin des Plantes fait figure de dominant pour les quartiers de Rouen rive gauche. Cette domination nous amène à davantage nous arrêter sur les territoires dits dominés. N’omettons pas néanmoins de souligner que la domination peut être appuyée, aidée par la hiérarchie urbaine car ces territoires ont des valeurs communes à la métropole par exemple. C’est là où le commun devient problématique, de quel commun s’agit-il ?

Pourquoi certains territoires sont dominants ?

Selon #sitespecific, les éléments retenus sont les suivants:

  • Par leur capacité à attirer (pour nous habitants: par leur capacité à se mouvoir, à proposer, à permettre l’autonomie, l’émancipation citoyenne…)
  • Par leur notoriété (image perçue, voulue, territoire identifié, détenteur de patrimoine immatériel)
  • Par leur patrimoine matériel
  • Par leur qualité de vie (cadre de vie, offre culturelle, services, typologie d’habitats, animation, commerces…)
  • Par la perception des habitants eux-mêmes (fierté, attachement, fidélité)
  • Par la reconnaissance et la valorisation de ses actions locales

Certains points sont mis en exergue et choisis comme ligne d’une politique territoriale, c’est souvent le cas du patrimoine matériel, pour son caractère exceptionnel, rare et donc source de distinction car non reproductible.La notoriété a posé ses jalons et agit comme leviers pour bon nombre de territoire ayant pour valeur: le pouvoir.

« Pour faire en sorte que les membres du groupe l’acceptent, le pouvoir doit être traité comme une valeur. Les valeurs de pouvoir peuvent aussi découler des aspirations individuelles au contrôle et à la domination (Korman, 1974) ». source

En reconsidérant les populations comme des vecteurs (déplacements) uniques démultipliés à même de modéliser des ressources, le territoire s’appuie sur son acquis disponible (les habitants) et sur les expériences en cours, en devenir induites par la production de ses habitants/citoyens.

 

Un territoire possède ses spécificités matérielles, immatérielles et symboliques.

 

La typologie de ses habitants fait partie des axes de recherches de #site specific. Prenons quelques exemples, sachant que la part d’artistes sur la commune de Sotteville semble* plus importante que pour les communes de la rive gauche (même si cette remarque nécessite d’être interrogée avec précisions) . Ces derniers participent aux renouveaux des attentes, à la notion de ville créative et peuvent engendrer des gentrifications. La question des derniers arrivés est, en ce sens, très importante également (qui vient, pourquoi, quelles populations ?) quelles seront donc les ressources nouvelles dont disposera le territoire (s’il est en mesure de créer les conditions d’accueil et d’émancipation de ces dernières) ?

Il en est de même pour la domination d’un projet de quartier sur l’autre. Ces situations se produisent parce que les initiatives citoyennes sont le résultat d incarnations. L’octroi de pouvoirs n’est pas sans conséquence, l’empowerment en fait partie. Ce pourquoi, les valeurs de #sitespecific repose sur un systématisme: les initiatives font partie de processus, elles doivent être interrogées et réinterrogées pour ne pas omettre le principal: l’intérêt général, ce qui est pour le « bien public » (Un bien public pur est un bien non rival et non excluable).

La question des enjeux, pour tous projets, est en cela essentielle pour comprendre que le territoire est si spécifique qu’aucun quartier ne se ressemble ni même aucune rue, à tel point que la notion de quartier elle -même est extrêmement complexe à définir.

➸Que vient faire Site specific dans cette signification symbolique ?

  • Observer, analyser, rencontrer pour mieux mesurer les évolutions et degrés de ces significations.
  • Interroger les modalités de perception
  • Évaluer au niveau extra local les traductions des évolutions, mutations et ruptures
  • Prendre en compte l’invisibilité (actions, discours, phénomènes)
  • Accepter la  notion de différence au regard des territoires étudiés et ce qui les constituent socialement
  • Travailler sur la notion de centralité

Un exemple: Petit-Quevilly par le prisme de ses habitants: questionner la mobilisation des résidents de la commune, quels freins, quels dynamismes, quelles attentes, quelles mixités, quelles perceptions et quels degrés d’implication collective et comment se porte l’individualisme? Comment les quartiers se définissant-ils et à partir de quoi ? …

Les notions spécifiques, la ruine comme valeur, IPL, 2019

La distinction

« Il y a donc une visibilité sociale, implicite mais nettement perceptible par le regard sociologique, à laquelle s’ajoute l’ensemble des stratégies de distinction.source »

Bourdieu nous indiquait, déjà, que la visibilité, le vu, dans « La Distinction, critique sociale du jugement » (1979)  est une réalité sociologique indéniable:

« La représentation que les individus et les groupes livrent inévitablement à travers leurs pratiques et leurs propriétés fait partie intégrante de leur réalité sociale. Une classe est définie par son être perçu autant que par son être, par sa consommation – qui n’a pas besoin d’être ostentatoire pour être symbolique – autant que par sa position dans les rapports de production (même s’il est vrai que celle-ci commande celle-là) ».

Invisibilité

« l’invisibilité permet de rappeler qu’une part des actions et des pensées est conçue et exécutée à l’abri du regard de l’autorité. »source Les phénomènes apparaissent en dehors des discours, écrits normatifs et autres traités politiques.

Que viennent livrer les groupes sociaux (associations et autres), les individus (habitants, porteurs de projet…) comme représentations ? Quelles sont leurs pratiques ?  Actions et pensées et quel degré d’invisibilité ?

#sitespecific ne limite pas le devenir d’une proposition à sa fréquentation. La massification tend à rendre invisible les spécificités et à dissimuler des actions locales. Le nombre ne fait pas la force, de plus, l’unité réduit considérablement la marge, la bigarrure et empêche la diversification.

A l’échelle politique, faire converger peut conduire à une diffraction, la mutualisation altère un territoire local car aucun territoire ne se ressemble. Comme pour des ondes, lors de la rencontre avec un objet, l’unité serait cet obstacle au développement, la source d’ une modification voire d’une rupture dans leur diffusion. Ce pourquoi, la valorisation doit se produire à l’échelle humaine, au cœur de micro-territoires sans logique reproductible, sans avoir recours à la norme du système dominant.

#sitespecific poursuit son travail de terrain avec, notamment, une enquête qualitative (entretiens) afin d’interroger la problématique de la perception du fait urbain et des espaces verts.

Les postes d’observation qu’occupent le projet l’invite, régulièrement, à émettre des préconisations et lorsque des disjonctions sont trop flagrantes entre un projet de territoire et ses valeurs, ne serait-ce que dans l’absence de considération des habitants, des populations, #sitespecific rappelle systématiquement la vitale co-construction, ce, dès l’origine du processus projet.

#sitespecific voit, écoute et souligne la vigilance dans la considération des paroles citoyennes, les habitants sont précieux, c’est de cette rareté divisible, de cette transformation de ressources mésestimées, que les territoires pourront produire et galvaniser leur richesse humaine spécifique.

Valoriser c’est aussi prêter attention, accepter de s’arrêter dans ses réflexions. Partir à la rencontre pour se mettre en route vers des lieux étrangers, rares et intangibles.

 

Isabelle Pompe pour #sitespecific le 28 novembre 2019.

 

 

 

L’image voulue

S’installer quelque part apporte des précisions sur nous-mêmes. « Je suis liée à l’endroit où je réside, je suis dépendante de ce territoire par rapport à ses services, à ses transports et à son image. Ma vie personnelle et professionnelle commencent voire recommencent avec cet endroit. Son image sert-elle la mienne?  Et cette rive gauche est-elle à notre image ?

Nous nous sommes déjà penchés sur cette notion d’image voulue en analysant, au fil de nos articles, les stratégies territoriales de certaines communes de la rive gauche et de la Métropole Rouen Normandie qui les assemblent. Les objectifs semblent clairs, les futurs résidents sont vivement souhaités et attendus car notre territoire assiste à la fuite des ses habitants. Pourquoi ? Un défaut d’attractivité a été pointé, un bassin d’emplois peu diversifié également, la faute à la pétrochimie ? Une trop forte proximité avec Paris est, souvent, un argument repris.

 

J’ai travaillé et ai résidé à Paris pendant près de 15 ans. Durant ce temps, je ne connaissais pas Rouen et il ne me serait pas venu à l’esprit de m’éloigner, de faire autant de distances, j’ai privilégié la ville elle-même quitte à sacrifier mon espace de vie: petit mais sur place.

 

Il demeure pressant, aujourd’hui, de sortir d’une oligarchie qui a causé un repli dangereux pour ce territoire. Cet espace de référence peine à être visible ? Cela vous étonne ? Peut-être était-ce un souhait politique premier que de rester dans cet entre-soi local, sans se dire qu’un jour ou l’autre les populations, l’espace lui-même seraient en difficulté.Ce processus inopérant s’est montré très efficace paradoxalement. Plus on se tient éloigné des citoyens, moins on accède au partage. Plus on ne tient pas compte des attentes, des besoins, plus on crée les conditions de l’exclusion dans tous les sens du terme. Exclure c’est être exclu à son tour un jour ou l’autre.

Dynamiser, galvaniser sont des actions qui prennent appui, tout d’abord, sur la considération d’une parole sans se substituer à elle. A laisser faire, laisser courir, nous ne sommes plus en capacité de retenir. Alors, qui est resté ? Ceux qui n’avaient pas le choix ? Sincèrement ?

Screenshot_2019-06-17 Dans la compétition des métropoles, Rouen peut-elle s'imposer (1)

Comment passer d’un endroit dont peu parlent, d’un recoin à une ouverture aux quatre vents ? Comment l’espace de relégation devient-il « la » destination choisie ?  Il y a de très grands pas à faire mais les changements de postures peuvent avoir un impact considérable. Repenser son comportement politique pour décloisonner, sortir de ce postulat de seul décideur. Insuffler, permettre, créer des espaces où les regards viendraient d’horizons diversifiés.

 

Entendre c’est déjà respecter.

 

Mais encore faut-il se saisir de ces bouleversements sociétaux pour penser cette situation comme une opportunité et ouvrir une interrogation sur les qualités de ce territoire, les manières d’y vivre c’est-à-dire comprendre, enquêter et analyser les raisons de sa désaffection.

Puis, écouter ceux qui résident, ceux qui produisent des ressources. Les habitants ont un vécu fidèle avec la rive gauche et leurs raisons ne sont pas qu’économiques. Entendre ce que disent ces personnes auraient du prendre forme antérieurement, ce sont eux qui font l’histoire de cet espace. De plus, déterminer l’attractivité fait appel à ce que le territoire propose comme possibles, que permet-il ? Que met-il à disposition?

Ne pas prêter l’oreille revient à renvoyer aux visages de ces vies de résidents qu’elles sont sans importance et que la population suivante sera, de facto, plus intéressante. Cliver en restant sourd semble être un geste politique qui n’a pas encore tout saisi aux transformations sociétales auxquelles nous assistons.

Il faut composer avec et non pour les gens.

 

Cependant, l’impression, que laisse ce renouvellement urbain rive gauche, s’approche de la bousculade, de la gestion de crise. En effet, pour satisfaire les nouveaux arrivants, c’est-à-dire pour satisfaire une projection objectivable en termes de logements, des travaux, des immeubles sont en cours de réalisation. En plus de scléroser un peu plus le paysage, de créer ex-nihilo ou de détruire, ils ont accru des gênes (bruits, poussières, propreté des chantiers…) et une pollution de l’air. Prenez le temps de consulter le rapport d’étude publié par Atmo Normandie . De  surcroît ne l’oublions pas, les citoyens sont de plus en plus exigeants quant à leur qualité de vie, alors, avec la pollution de l’air résultante de la présence de la Sud III à Petit-Quevilly, par exemple, les choses se compliquent…Le diagramme ci-dessous révèle que le seuil limite est largement dépassé!

Screenshot_2019-06-28 Evaluation de la qualité de l’air ambiant à proximité du trafic sur le territoire de la Métropole Rou[...](1).png

Capture d’écran sens de lecture modifié page 20 du rapport publié par Atmo Normandie

Aujourd’hui, les sol se parent d’immeubles, la place faite au béton ne cesse de croître, les arbres tombent, les quartiers changent et c’est la radicalité qui l’emporte. Ce n’est pas en mettant des gifles à un quartier que les choses deviennent séduisantes. En quoi cela participe à donner un sens commun à une action politique, d’ailleurs, en quoi une décision locale a quelque chose de commun avec les populations ? Ici, rien ne va plus.

 

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Nature morte, Petit-Quevilly & Rouen avenue de Caen, rive gauche, IPL, juin 2019

 

#sitespecific se fait l’écho de ces constats alarmants, de ce désordre urbain qui galvanise les souffrances de ce territoire social: les cadres de vie sont enlaidis, sauvagement abimés, les espaces sont lacérés par des bandes de rues, d’avenues, de routes…Que faire ? Changer notre attitude.

 

Nous ne faisons pas usage de la ville qui nous voit vivre, nous sommes ses habitants. Personne ne viendra sur un territoire sinistré car le « tout béton » c’est la fin, la mort assurée.

 

#sitespecific existe factuellement depuis désormais quatre mois mais depuis de mon arrivée, ici, je réfléchis à comment valoriser, comment mieux traiter cette rive et ses habitants, comment ? En restant vigilante, en étant une observatrice concernée et aguerrie de la vie de mes quartiers, de ma commune et de celles qui l’environnent.

 

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Drama, Avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly, Rive gauche, juin 2019, IPL

 

Ce Projet est le fruit de constatations et de remarques, de prises de pouls. Il est l’enchainement naturel d’un travail de recherche entrepris pour la rédaction d’un mémoire universitaire. Ce dernier est la digression d’un autre mémoire engagé en 2016 qui concernait la rue comme patrimoine mémoriel. Ces requêtes sont un écho à des recherches impulsées depuis des années car tout lieu de vie se suffit à lui-même pour initier une investigation exigeante.

La rive gauche se voit dotée d’un patrimoine matériel et architectural exceptionnel, le seul qui soit le plus régulièrement mis en valeur c’est l’Atrium, ancien pôle régional des savoirs. Figure luxueuse, il trône sur ce boulevard de l’Europe et crée un angle avec la rue St Julien. Il est cette arrière base majestueuse certes mais où est la diversité ? Où sont les autres patrimoines ?

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De la sophistication, rive gauche quartier st clément, Rouen, IPL, 2019

 

#sitespecific est indépendant, fruit de constats. Ses rencontres prennent des formes variées pour permettre un échange simple, offrir des possibilités, donner de la voix à une rive qu’on entend guère. Ce projet possède des valeurs. Elles résultent toutes d’un état d’esprit fair-play qui ne cherche pas le combat, n’évolue pas dans des sphères politiciennes. Il n’a pas d’image à soigner, de blason à redorer. L’image qu’il souhaite donner c’est celle de la restitution.

Que la modernité de la rive gauche soit vue, que sa capacité à vivre en dehors des clous soit comprise, qu’elle soit reçue comme un territoire vivant ni astreint au résidentiel ni à l’éloignement. C’est un espace qui, à force d’être mis dans l’oubli, se révèle être en mesure d’ être indépendant.

Les approches du projet parfois surprennent car il croit en la pertinence du terrain, en la proximité parce que cette rive, c’est elle qui l’a reçu, qui l’a invité hier à rester.

 

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Avenue Jean Jaurès une période sombre, Petit-Quevilly, rive gauche, juin 2019, IPL

 

 

Parler de ce qu’on connait non pas sur le papier, ni par le biais de recherche mais de ce qu’on pratique au quotidien, c’est cela, une parole citoyenne. Le projet n’investigue pas comme le ferait un porte parole, il produit à partir d’un construit. De ces endroits où il s’inscrit, il suit des traces, prend des chemins réflexifs mais il ne souhaite pas créer d’ascendance. Et curieusement c’est cela qui déroute. Comment être fédérateur ?

 

IL n’y a pas de solution miracle, mais il semble évident que nous portons des paroles oubliées. Que des espaces permissifs à ces échanges n’existent guère ou alors à nous de nous les (ré)approprier. Ce projet c’est tout d’abord une façon de reposer la question d’une visibilité non autorisée.

 

Les prochaines rencontres se produiront dans des lieux publics. Privilégiant les espaces verts parce que proche, gratuit, ouvert à tous. #sitespecific confirme que les prises de paroles se doivent d’être simplifiées en termes d’accès. Pas de locaux fermés, pas de bar/Café où il faut consommer, organisons-nous à partir de ces endroits, cadres que nous croisons au quotidien. Essentialiser nos entrevues en les leur donnant ce caractère courant s’avère décisif.

Par le passé, cette rive et ses remparts rouennais, comme nous aimons à les appeler, faisaient l’objet de carte postale.

 

Je ne sais pas si vous mesurez la fierté architecturale qui se dégage de cette vue prise depuis la tour de la sécurité sociale (Architecte Tougard). Cette merveille rouennaise d’où est offerte cette vue a fait l’objet d’un temps d’étude architectural lors du 1er rallye ‘Specific (29 juin 2019).

Le 1er article concernant le rallye vient de sortir: S’émanciper de son invisibilité

Isabelle Pompe pour #sitespecific, 02 juillet 2019.