#rivegauche expressionniste

#sitespecific sent venir, à grands coups de plan communication, sa saturation imminente pour le très gros évènement de l’année prochaine, à savoir, les festival Normandie Impressionniste. En effet, du 3 au 6 avril 2020, va se dérouler, sous nos yeux « ahuris » un tapis rouge culturel renommé La Normandie et ses focalisations extrêmes

C’est, donc, non sans humour, quoi que, que le projet se propose d’amener une autre matérialité à la mastodonte. Une humilité, des petites formes, des séquences aux scènettes, aux lectures…Bref nous lançons un avis de recherche pour intérêts communs.

Le lancement de son idée est parti le 4 juillet 2019, depuis la page Facebook du @territoiresocial (Site Specific), il se présentait comme suit:

Site specific lance un appel à participations pour son projet  » #rivegauche expressionniste » :
➤ Vous êtes résidents, curieux, amoureux, porteurs de projets, artistes, cultureux de la #rivegauche rouennaise (Rouen & Agglomération).
➤ Vous aimez l’alternative
➤ Vous aimeriez vivre autre chose que le festival Normandie Impressionniste du 3 avril au 6 septembre 2020.
➤ Vous avez conscience que 2020 c‘est demain ou bientôt…
➤ Essayons, ensemble, de penser, concevoir une programmation d’actions sociétales, environnementales, culturelles et artistiques sur cette période.
#rivegauche expressionniste serait cette matière première à partir de laquelle nous pourrions inventer, fabriquer, expérimenter...
Un rendez-vous sera fixé en septembre pour en discuter! Vous pouvez d’ores et déjà nous dire ce que vous en pensez, intérargir…#culture #Rouen #2020 #alternative #expressionnisme

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Septembre, le lancement de l’appel

Ce mois est un mois chargé en RDV, après l’ Atelier specific # 2 du 1er septembre à 11h qui abordait « l’Arbre en ville » à Petit-Quevilly, le 7 septembre au Jardin des Plantes pour questionner « la place dans l’espace public de la femme rive gauche » et le 28 avec le RDV à la Roseraie de Grand-Quevilly…

L’idée avait été d’organiser un RDV chez nos amis Luciens de la Friche éponyme le 14/09 mais nous sommes restés sans confirmation de leur part. Il n’empêche qu’il se peut que vous ayez pu voir passer cette image…

 

1ère affiche avec une date restée en suspens…

Cette initiative c’est aussi une porte qui souhaite s’ouvrir très grande aux artistes, porteurs de projets soucieux des cultures populaires, des diversités, en nombre, en genre!

L’impressionnisme est cette hyper focalisation qui devient à la longue ennuyeuse. Nous avons conscience que, pour des artistes, ce « label » peut être l’occasion d’être programmés, d’être rémunérés dans le cadre de commandes, de créations…Toutefois, tout un pan artistique se trouve avalé, étouffé par ce recentrage, doublement dangereux car cet évènement dure du 3 avril au 6 septembre, soit 5 mois…

Pendant ce temps #rivegauche expressionniste serait cette proposition, cet ailleurs, autrement, une façon de contester cette convergence, cette concentration pour permettre un peu d’air et davantage de pluralisme.

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Affiche actualisée du projet

L’humilité serait au centre de cette ouverture. #rivegauche expressionniste deviendrait un outil pluriel aux capacités démultipliées car le vivier d’artistes qui réside rive gauche est impressionnant, les publics, par leur diversité, le sont tout autant.

Expressionnisme

Ce nom se rapproche des émotions, cette tendance artistique, ce courant, mouvement culturel, nous renvoie à une certaine vision du monde, à notre subjectivité. Il est vivant, se place par rapport au cadre, au formel.

Expressionnisme serait le contraire d’impressionnisme. « Un mouvement inverse, de l’intérieur vers l’extérieur : c’est le sujet qu’imprime sa marque sur l’objet. « Source

La rive gauche ayant été interrogée sur sa capacité à être un objet, un sujet, trouverait, ici, un écho juste, respectueux. Nous vous invitons à lire: Si la rive gauche était une femme

Cette démarche est en résonance avec les valeurs défendues par #sitespecific dont le Slow mouvement fait partie.

Un retour :

  1. à des rapports tranquillisés,
  2. à l’activation de ressources extra-local,
  3. à la valorisation de nos espaces, de nos lieux

De plus, la rive gauche, très longtemps sous estimée et donc réduite à une invisibilité, est sous évaluée également en tant que potentiel attractif. Ce territoire est à la fois producteur, créateur et diffuseur. Sa valorisation passera par un important travail de terrain, de reconnexion, de diffusion d’images en passant par la mise en place ou le relai d’initiatives locales. Cependant, dès aujourd’hui, la rive gauche peut se targuer de devenir une source d’inspiration.

 

L’expérimentation

#rivegauche expressionniste  pourrait apparaître comme une question de bord, de côté. La rive droite serait-elle, de son côté, impressionniste ?  Pas nécessairement car poser la question du bord semble, de prime abord, binaire. Dans le même temps, Normandie Impressionniste s’adresse à qui ? Et l’impressionnisme est valorisé pour quelles raisons ? Relisons Philippe Dagen dans cet article Du journal Le Monde du 1er octobre 2012

N’oublions pas que l’Impressionnisme est la recette miracle pour beaucoup de structures et d’institutions car ce mouvement génère une forte fréquentation. #sitespecific se présente comme un opposant à cette analyse. L’étude d’une programmation culturelle ne peut se réduire à la prise en compte des chiffres. C’est là une erreur préjudiciable que trop de collectivités commettent.

 

L’impressionnisme, cette machine à cash-flow

 

« Limpressionnisme est devenu le plus populaire de tous les épisodes de l’histoire de la peinture. Tant et si bien qu’actuellement, un lieu d’exposition qui veut s’assurer des entrées, donc des recettes, a une solution évidente : une exposition impressionniste. » Philippe Dagen Source

Le populaire ce n’est pas le « comme tout le monde », #sitespecific observe cette massification en détails. De plus, les institutions culturelles ont toujours ce fameux temps de retard, ce pourquoi l’émergence, à Rouen, peine à trouver des circuits de diffusion.

 

Rappelons-nous Duchamp

« En 1977, neuf ans après sa mort, Duchamp était donc encore une nouveauté pour les institutions culturelles françaises – mais pour elles seules. Elles l’ont fétichisé avec une ardeur proportionnelle au dédain dont elles l’avaient accablé et à la mauvaise conscience que ce ratage majeur suscitait. De ce moment jusqu’à une date récente, ces institutions ont eu pour doctrine officielle un « duchampisme » qui était tout à la fois tardif, simpliste et tyrannique.

En son nom, la mort de la peinture a été déclarée, bien que les prises de position de Duchamp à ce sujet aient été infiniment plus nuancées et quelquefois contradictoires. En son nom, à titre posthume, on a exclu, on a interdit, on a ignoré. » Philippe Dagen – extrait de : monographie Robert Combas – Éditions Schnoeck, 2005 Source

———

#rivegauche expressionniste est un concept, qui, par définition, réfute la doctrine de Normandie Impressionniste. Cette idée c’est un contraire en termes de valeur, de moyen, de forme et de volonté. Ce ne sont pas les touristes ni les capitaux extérieurs qui seront les 1ers concernés par #rivegauche expressionniste, ce sont les habitants, les résidents, citoyens d’un territoire local. Cette initiative tient en une volonté militante, encore faut-il fédérer, tenter, risquer et expérimenter…

 

Un peu de passé pour comprendre

« La Première guerre mondiale a soulevé la nécessité impérieuse de conjuguer l’expérimentation dans l’art comme un engagement politique très marqué : l’expressionnisme prend les traits d’une violente dénonciation politique et décide de représenter les vices de la société contemporaine, dénonçant son échec […]. Les principes expressionnistes ont profondément influencé non seulement les arts visuels, mais aussi la danse, la musique (Schönberg), le théâtre (Brecht), le cinéma (Lang), l’architecture (Taut), la sculpture (Barlach) et la littérature (Scheler). » Source

 

Aujourd’hui, les querelles

Entre ancien et moderne, entre impressionnisme et création contemporaine, entre figuratif, réalisme et abstraction, concept….Les querelles d’opposition n’ont cessé et ce sont même radicalisées. Les valeurs de l’ancien monde incarné par les images de la rive droite rouennaise par exemple trouvent grâce sans difficulté. L‘impressionnisme va dans le sens de ces valeurs et de cette esthétisation mais aussi dans le sens de cette vision de la France.

« Nostalgiques du bon vieux temps, ils n’ont jamais accepté le passage d’une France rurale et idyllique à une France moderne et industrielle. » Source

 

La rive gauche, c’est la France moderne et industrielle, c’est celle qu’on refuse.

 

« Ils refusent donc la modernité artistique que représentent les œuvres du XXe siècle. Ils n’aiment ni le cubisme, rupture esthétique qui se fait l’écho du bouleversement de la société, de la guerre et de l’industrialisation, ni le pop art à la Warhol, qui témoigne de l’avènement de la société de consommation. »Source  »

« «Nul», «hermétique», «ennuyeux»… Entre le public et la création contemporaine, le divorce est consommé. Philippe Dagen insiste en évoquant la «haine» que lui vouent les Français. « Le goût hexagonal «privilégie l’impressionnisme, ses précurseurs et ses héritiers», écrit-il. La fréquentation des expositions est révélatrice: nos concitoyens se pressent aux rétrospectives Renoir, Cézanne et autres Van Gogh, mais se défilent dès qu’il s’agit des contemporains. »Source

Ces polémiques vont au-delà de l’art, c’est la culture et la société qui sont, en réalité, concernées. Réinterrogeons notre rapport au goût et composons à partir de cette modernité et cette France industrielle incarnée par la rive gauche.

#sitespecific se tournera vers les lieux, les espaces publics, les acteurs sensibilisés dans le but de valoriser, dynamiser cette rive gauche trop éloignée, jugée et tenue à l’écart.

 

Isabelle Pompe pour #sitespecific le 11 septembre 2019.

 

 

 

 

 

 

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Le partage du sensible

Au début était Jacques Rancière.

J’ai découvert cet auteur avec le « Spectateur émancipé », puis « Le partage du sensible ». Je vous invite à faire sa connaissance ou à le réentendre avec un portrait qui date de décembre dernier diffusé sur France Culture pour Profession philosophe ou encore à lire cet article de septembre 2004

A la lecture de la production de ce chercheur comme il aime à se définir, je me suis demandée si je n’avais pas fait, là, une rencontre déterminante dans ma vie de militante.

 

« C’est par le train, par la gare, que j’ai rejoint la ville de Rouen,

 

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Gare Rouen rive droite, 2015, IPL

 

Au regard de mon exode social comme j’ai, aussi, aimé le nommer, je me suis sondée quant à la perception que l’on pouvait avoir de moi en tant que nouvelle arrivante et comme « quitteuse » de Paris. En outre, je me suis placée comme témoin de cet écho entre ce territoire d’adoption et ma propre vie. Au début, je me suis sentie mal ici. Seule, tellement seule et rapidement face à ma chute. J’ai perdu connaissance pour reprendre, ensuite, mes esprits et parvenir à me tranquilliser. Ce que c’est rude comme expérience émotionnelle un territoire mal traité mais comme c’est formateur.

 

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Rouen, Quai rive gauche en 2014, IPL

 

N’étais -je pas moi-même cet abandon, cet endroit laissé pour compte à l’instar de cette rive gauche rouennaise? N’étais-je celle dont on ne veut pas avec cette inscription redoutable car durable dans le chômage ? N’étais-je pas, enfin, cette précaire à qui on n’ouvre pas la porte, celle qui ne vaut rien, là, parce qu’elle ne serait pas d’ici ? Celle à qui on reproche son Paris d’origine, celle que l’on juge…Oui, j’ai expérimenté, ici, à Rouen, l’exclusion. Ma différence de parcours, de choix de vie et l’activation de certaines de mes ressources m’ont mise sur la touche. Tenue à l’écart des cercles, des cultureux, des « artistes »….Je suis autodidacte dans différentes domaines, je ne cherche pas de légitimation. Je n’avais rien à prouver mais tout à partager car j’étais dans la soif de découvrir, d’être rassurée sur cette destination morcelée.

 

Nous nous sommes vues et revues cette rive et moi, je me suis attachée à elle lorsque j’ai commencé à partager son sensible.

 

Je me suis rappelée, en 2012, lorsque j’avais opté pour terre d’adoption, après Paris, la ville de Rennes. Sans y repenser, en 2014, j’ai choisi Rouen alors que je venais de vivre de grands bouleversements personnels et professionnels. Un « R » en commun certes mais quel écho plus juste que ce délire nostalgique voire mélancolique qui règne à Rouen. Deux années de distance entre ces deux choix où tout a basculé finalement. Celle qui aurait pu m’accueillir et celle qui m’a recueillie.

Elle n’est pas endormie cette ville, elle est politisée à outrance, faite d’opposition franche, de dureté, elle est clivante. Elle fait référence à un endroit où le frontal ne cesse de sévir.

 

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La chute de Rennes, IPL, 2018

 

Elle est aussi ce vaste champ exploratoire où s’irritent, avec une vive impétuosité voire provocation,  les notions de gout, de beau, d’ erreur et de rien. Elle est cet espace qui s’étire mais qu’on ne saurait voir. Elle est cette ville qui tranche, qui coupe, qui scinde et où tout se croise. Elle ne colle à rien qui soit crédible, plausible, elle est cette sédimentation inouïe, de celle qu’on ne laisse pas devenir, de celle qu’on enferme, qu’on enlise dans un imaginaire patrimonial usé jusqu’à la couenne.

Elle est celle qui possède plusieurs récits mais dont un seul serait autorisé par les volontés politiques extra locales. Elle est tenue en laisse par des élites ignorantes, des maîtres ignorants comme dirait Jacques Rancière.

Des hommes et des femmes qui l’emmurent dans des espaces circonscrits, qui prennent de haut ses conflits, ses errements, ses disgrâces. Elle est cette terre où le bon souvenir est ancien, religieux le plus souvent, elle est cette grande à qui on a brisé les jambes de peur qu’elle ne s’échappe, qu’elle ne prenne de libertés. Elle est minorée, boudée, là, dans sa province, dans sa région, dans la plus illustre méconnaissance, dans le plus grand mépris, parfois. Elle ne se résume pas, elle ne se veut pas compartimentée, elle se sait affaiblie sans ses deux rives qui fondent son monde premier. Elle ne souhaite pas se démunir, se départir. Elle tient à son « dépareillage » mais réfute tout catégorisme. Sans sa mixité, elle n’aurait aucun pouvoir.

 

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La Seine et ses histoires sociologiques de rives, IPL, 2014

 

Sa Seine et cette fausse narration qui va avec. Je ne veux pas croire à ce refus du partage, à cet affront du 76000 et du 76100 (Rouen rive gauche). Je ne veux pas alimenter ces oppositions: ces touristes versus ces habitants, cette rive versus cette autre, cette sociologie versus cette autre, je veux apaiser cette relation. Je pense que l’issue de ce face à face finit par ternir la ville, lui empêche tout déploiement digne, la contrecarre dans son ampleur et son charme.

Rouen, ce ne sont pas les quatre rues de cet hyper centre historique comme nous le présente l’ office malheureux du tourisme. Le problème c’est que cette posture politique est adoubée par les faiseurs d’images fans de sur-esthétisation, les story tellers game over… C’est-à-dire ceux qui ne voient pas qu’ils participent à une annulation, à l’effacement du pouvoir qu’à l’habitant sur sa ville. Une ville est faite pour être habitée plus que pour qu’être visitée, croisée.

Rouen, ce sont des histoires. Rouen ne peut être retenue et amenuisée au point de se ridiculiser à force de contorsions autour de « Jeanne » par exemple. Ce n’est pas, non plus, l’impressionnisme qui doit régir une programmation culturelle annuelle. Sclérosée est la ville, brimée, sa rive gauche réfute ce système parce qu’elle est cultures et diversités. Elle est l’ extinction de ce modèle uniformisant.

 

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Quartier St Sever, 2014, IPL,

 

Elle est cette déroute à la bienséance car elle embrouille la beauté, interpelle, cloue, sidère, place dans un embarras, dérange. Sa pauvreté bouleverse, ses rues bousculent, ses gens démolissent tous les préceptes que l’on pensait avoir sur le « déjà vu ». Elle  appelle la notion de vide. Elle chamboule le spectateur, m’a laissé seule et coite à maintes reprises. Cette rive c’est la gifle, elle nous déconcerte, nous perd, nous désoriente car tout paraît loin, tout semble sans fin et ce ne sont pas ses images qui pourraient nous aider à poursuivre, elles manquent cruellement à l’appel. Quelles sont les illustrations ? Quels sont les clichés? Et qui pour nous faire découvrir cette rive, qui pour s’y risquer ?

L’humilité, comme je l’ai déjà évoqué, celle de la mémoire ouvrière, celle du passé historique, celle des classes moyennes et/ou populaires, il faut croire en sa vertu pour parvenir à elle. Selon moi, l’humilité est gage d’innovation, elle est l’antithèse du gigantisme, le modèle contraire, le croquis inversé, le chromo authentique. La rive gauche, par son patrimoine de l’humilité, c’est le refus de la hiérarchie. Ce en quoi, elle est passionnante et intelligente.  »

 

Isabelle Pompe, 12 mai 2019.

 

 

 

La région Normandie, quand l’ascendance culturelle donne un monologue patrimonial

Ici, se donne à lire, des éléments ayant trait au patrimoine. En effet, la région Normandie s’exprime en faveur de ce dernier. Mais c’est quoi le patrimoine? Pouvons-nous dire qu’il existe une multitude de patrimoines ? Ce patrimoine est-il choisi, peut-on alors parler d’une autre forme? Le patrimoine est -il en proie à des logiques dominatrices ?  Souriez, vous êtes filmés…

L’approche qui va suivre s’est construite à partir de Territoire créatif, pour une politique de la culture et du patrimoine en Normandie

Nous nous arrêterons sur quelques détails pour développer cette tentative de raisonnement. Le patrimoine dont il est question se doit d’être « délimité » selon le code du patrimoine et non en référence à un mot trop usité au point de perdre de vue le pluralisme et les diversités qu’il définit. Vous pouvez aussi consulter l’article La perception du territoire

 

Le patrimoine

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Apparaît un premier problème: les définitions sont nombreuses pour le mot « patrimoine ». En fait, il est à comprendre selon un code français.

Le code dans sa version consolidée du 25 mars 2019

Le code du patrimoine est un code français regroupant des dispositions de droit français concernant le patrimoine et certains services culturels. Les pouvoirs publics ont choisi de restreindre ce code au droit du patrimoine, plutôt que de créer un code de la culture, dans la mesure où le droit du patrimoine s’est considérablement enrichi et complexifié en quelques années. Il s’agit d’une codification à droit constant, c’est-à-dire que ce code est formé à partir de textes déjà existants : il ne s’agit donc que d’une classification.

Le code du patrimoine est divisé en sept livres thématiques (livres II à VI) et transversaux (livres I et VII) :

Dans quelle catégorie est inscrit le patrimoine immatériel? Et qu’en est-il de la mémoire ?

Selon la région, il s’agit, ici, du patrimoine culturel

C’est donc de ce dernier dont il est question au regard d’une préservation et valorisation. Le patrimoine culturel se définit comme l’ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique certaine, et qui appartiennent soit à une entité privée (personne, entreprise, association, etc.), soit à une entité publique (commune, département, région, pays, etc.) ; cet ensemble de biens culturels est généralement préservé, restauré, sauvegardé et montré au public, soit de façon exceptionnelle (comme les Journées européennes du patrimoine qui ont lieu un week-end au mois de septembre), soit de façon régulière (château, musée, église, etc.), gratuitement ou au contraire moyennant un droit d’entrée et de visite payant.

  • Le patrimoine dit « matériel » est surtout constitué des paysages construits, de l’architecture et de l’urbanisme, des sites archéologiques et géologiques, de certains aménagements de l’espace agricole ou forestier, d’objets d’art et mobilier, du patrimoine industriel (outils, instruments, machines, bâti, etc.).
  • Le patrimoine immatériel peut revêtir différentes formes : chants, coutumes, danses, traditions gastronomiques, jeux, mythes, contes et légendes, petits métiers, témoignages, captation de techniques et de savoir-faire, documents écrits et d’archives (dont audiovisuelles), etc.

Le patrimoine fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures, ainsi qu’à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain. On dépasse donc largement la simple propriété personnelle (droit d’user « et d’abuser » selon le droit romain). Il relève du bien public et du bien commun.

Qui fait autorité sur ce qui relève du bien public et du bien commun?

C’est quoi préserver et valoriser ?

Le Larousse dit :

  • Protéger quelqu’un, quelque chose, le mettre à l’abri d’un mal éventuel : Ce manteau vous préservera du froid.
  • Empêcher l’altération, la perte de quelque chose : La loi préserve les intérêts des propriétaires.

Et c’est là encore que surgit une vulgarisation problématique. la patrimoine culturel ne se protège pas mais se conserve au sens de maintenir, garder quelque chose dans un certain état, ne pas perdre, ne pas se dessaisir, prendre soin.

Valoriser ?

  • Donner, faire prendre de la valeur à quelque chose : Une nouvelle gare valorise les terrains avoisinants.
  • Donner une importance accrue à quelque chose, le mettre en valeur : Son succès l’a valorisé aux yeux de ses amis.Définition Larousse

Vous l’aurez peut-être un peu compris, conserver quoi et valoriser pour qui ?

La région précise de quoi il s’agit assez tôt. Le patrimoine sera matériel au regard de ses lieux. La cible ? Les touristes pour l’attractivité et l’image. La fierté locale, vecteur de singularité et de distinction ? Pour marquer un passage. De ce fait, nous pouvons regretter que ce patrimoine ainsi tronqué soit la stratégie d’hyper focalisation de la politique régionale en termes de valorisation.

ça fait combien 1 euro par habitants ?

La Normandie réunifiée compte 3 328 364 habitants, et se situe au 9e rang des 13 nouvelles Régions métropolitaines.Source Donc, cela fait environ 3 millions d’euros. Et si l’argent ce n’était pas le moyen le plus parlant pour sensibiliser la population? Et si au lieu de cette démarche, on impliquait les gens de manière novatrice ?

  •  La Région Bretagne innove à nouveau avec son inventaire du patrimoine : mise à disposition de tous de son extraordinaire photothèque et lancement d’un nouvel appel à projets incitant les Bretons à enrichir et valoriser de leurs photos ces fonds iconographiques. Cette démarche collaborative, initiée en Bretagne, suscite un vif intérêt de la part des autres régions de France.Source

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Nous pouvons, là encore, déplorer que ces lieux soient dotés d’une sur-enchère afin d’être redynamisés. En pratiquant un postulat de départ qui affirme que ces lieux ne se suffisent pas à eux-mêmes, c’est d’emblée reconnaître que nous ne sommes pas « en confiance » avec ce patrimoine. Et quelle manière de les faire découvrir? Par l’art contemporain. L’art divise c’est indéniable mais l’art contemporain, même s’il attire un public plus jeune, n’est pas tout à fait intégré comme une source pacificatrice entre « publics » et « art ». Loin de faire liaison, il est régulièrement connoté, associé à un marché en proie à la déraison des prix et des cotes. L’institutionnalisation avance à grand pas notamment avec le street art et invite régulièrement à se positionner: « pour » ou « contre ». L’art contemporain « est-il » un pouvoir politique ? Par ce choix, la Région s’exprime en hiérarchisant les disciplines. « Art contemporain » n’est pas « création contemporaine » dans sa capacité à intégrer tous les champs disciplinaires, à décloisonner. « Art contemporain », dans l’inconscient collectif, ce sont les arts dits « plastiques ».

En quoi l’art contemporain ne relève pas du patrimoine ?

Il appartient au patrimoine matériel en tant qu’objets d’arts et au patrimoine immatériel en tant que « concept » et/ou « performance ». La région Normandie fait, en réalité, correspondre le patrimoine avec lui-même.

En quoi, peut-il redynamiser les lieux patrimoniaux ?   

Parce qu’il est jeunesse?  Pourtant contemporain ne signifie pas contemporanéité. Parce qu’il est plus avant-gardiste?  Quels critères et quelles valeurs sont convoqués ici ? Une opposition? L’idée frontale du vieux et du jeune ? Faire se rencontrer l’ancien et le moderne? En quoi cela valorise quoi que ce soit ? Un marketing est à l’œuvre, vous l’aurez saisi, mais quelle est son efficacité ? N’est-ce pas une tentative relevant « du vu et revu » ?

Réfléchissons un instant: le dialogue est recherché mais si le seul critère retenu c’est la notion temporelle, nous sommes face à une énième vulgarisation qui donne comme coup de pub/coup de projecteur du bruit pour peut-être pas grand chose… Après, travailler sous la contrainte est un axe de travail souvent recherché par les auteurs/artistes. Et si ces échanges avaient de l’allure, alors pourquoi pas ?

Rural Vs art contemporain

Comment sera reçu cette approche au regard des spécificités du monde choisi pour intervenir? Le rural recevra une leçon moderne. Un regard extérieur porté sur son patrimoine…Attention, les yeux, ici, l’assimilation est en chemin. Le monde rural, souvent critiqué, déprécié, se voit être adoubé d’un intérêt régional. Selon une stratégie communicationnelle, le dit -territoire est assiégè. Construire avec la population, si cela est produit ainsi, pourquoi pas. Mais s’il s’agit de prouver que ce qui les « définit » est ainsi mieux loti – valorisé- ainsi alors gare à la résistance aux changements et aux critiques. Si, un seul instant, on cessait toute activité sur fonds de condescendance…De même avec ce système d’opposition hiérarchique forcément entre vieux monde et nouveau monde….Cette valorisation pourrait être perçue comme un déguisement d’intérêt pire, un affront.

La région affiche une posture politique erronée

La région Normandie, via sa politique culturelle, souhaite se montrer davantage « pour tous », c’est-à-dire ne pas exclure, ne pas niveler. Toutefois, elle va commettre une erreur dans la définition qu’elle va donner aux droits culturels. Elle va confondre la « démocratisation de l’accès à la culture » et la « démocratie culturelle »!

Rappel historique et définition

« Depuis la création du Ministère de la Culture à la fin des années 1950, la politique culturelle française -initiée par André Malraux– a été fondée sur trois piliers : soutenir la création, préserver le patrimoine, démocratiser la culture. La finalité de ce dernier volet était simple : donner à tou.te.s un accès à la culture –et plus tardivement à son sens, à son esthétique, à son histoire–, en mettant l’accent sur la valeur civilisatrice et éducative des arts. Mais cet axe induisait également, dans sa conception, la définition et la mise en application d’une politique publique par un seul type d’acteur – la puissance publique – suivant une logique verticale descendante ainsi qu’un choix a priori des œuvres culturelles qu’il fallait connaître et aimer.

Le mérite de cette politique est d’avoir posé les fondations d’un grand programme d’action publique, d’y avoir insufflé une forte ambition de progrès social pour notre pays et d’avoir permis une vraie dynamique de création artistique. Cependant, force est de constater que cette politique a produit des résultats mitigés en matière d’accès de tous à la culture.Au fil des décennies, cette vision et cette méthode ont été remises en question. Idéologiquement, la critique de la « démocratisation culturelle » a porté sur son parti pris élitiste d’homogénéisation « du haut vers le bas » et sur la minoration voire la négation d’une culture plurielle. (Source)

D’un certain point de vue, la politique de la région Normandie peut se retrouver dans cette dernière définition en appliquant -certes d’une façon contradictoire- la logique verticale descendante. En effet, c’est la région- espace de référence puissant- qui porte un intérêt sur des espaces de références soumis: le monde rural, et c’est l’art contemporain qui se penche sur des lieux de patrimoine pour les valoriser. Sauf que, dans cette grande confusion, la région va nous proposer un regard et une considération disons « incompatibles ».

Démocratisation culturelle Vs Démocratie culturelle

Vous l’aurez retenu, la démocratisation de l’accès à la culture c’était avant. Mais voici ce que la région souhaite appliquer comme principe///

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  •    Elle souhaitait évoquer la démocratie culturelle et non la « démocratisation culturelle » (qui en soit n’existe pas mais est le fruit de la contraction de termes qui jusque là s’opposent farouchement), c’est-à-dire la prise en compte d’un bouleversement sociétal pluriel car:

« D’autres évolutions d’ordre politique, sociétal, économique et technologique sont venues s’ajouter avec le temps : le pouvoir, les connaissances et l’influence ont été disséminés entre des acteurs multiples et hétérogènes (la société civile a pris une place inédite, la mondialisation s’est accélérée, l’État s’est décentralisé) ; incorporée dans la consommation de masse, la culture est devenue un bien marchand ; la capacité d’action et le budget de l’État alloué à la culture se sont amoindris alors que, dans le même temps, le concours financier des collectivités territoriales s’est accru et que de nouvelles sources de financement (mécénat, sponsoring, financement participatif) ont émergé ; les structures culturelles publiques se sont parfois « rigidifiées » ; les pratiques culturelles et les publics se sont diversifiés et enrichis ; la participation du public à la création et à la diffusion des œuvres s’est démultipliée avec l’avènement du numérique ; les droits culturels ont été reconnus au plan international ; enfin, la démocratie participative a connu un regain d’intérêt avec l’apparition de structures de co-construction politique. »Source

Poursuivons notre consultation de document avec la suite de la phrase:

 

« C’est tenir compte des publics traditionnellement éloignés (que ce soient pour des raisons...

 

Déjà, comment peut-on oser dire publics traditionnellement…D’accord, nous sommes en train de lire un document sur le patrimoine mais « tradition« …Et puis, indiquer qu’en plus de l’être de manière « traditionnelle »

  • 28 synonymes

    accoutumé, bien-pensant, classique, consacré, conventionnel, coutumier, de convention, fondé, habituel, héréditaire, hiératique, intouchable, invétéré, légendaire, normal, officiel, ordinaire, orthodoxe, patriarcal, proverbial, rituel, routinier, sacramentel, sacro-saint, transmis, typique, usité, usuel

    1 antonyme

    moderne

MERCI à Crisco Uni Caen

La région mélange toutes les raisons et les installe sur un pied d’égalité…Donc que vous soyez « éloignés » de façon héréditaire, sociale ou parce que vous souffrez d’un handicap ou êtes malade, c’est la même chose « traditionnellement »…

Êtes-vous d’accord avec cela ?

J’espère que vous pouvez montrer et/ou avez pu signifier à la région Normandie que le déterminisme ne faisait pas sa loi dans votre vie même si on jette sur vous un discrédit disons habituel…

Déterminisme ?

  • Théorie philosophique selon laquelle les phénomènes naturels et les faits humains sont causés par leurs antécédents.
  • Enchaînement de cause à effet entre deux ou plusieurs phénomènes.

Poursuivons, viennent ensuite les publics dits « empêchés » et leur capacité à recevoir…Une autre belle leçon de ce qui est « à assimiler » comme « la culture qui se pratique et se vit en général »….Comment faire creuset commun en respectant le pluralisme et les diversités relatives au droits culturels et prononcer le mot « général » ?

Est-ce à entendre au sens de collectif, de partagé, de générique, d’habituel ? Mais qu’en est-il du local, du particulier, du singulier, de l’émergent ? 

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Les droits culturels ne sont pas un champ nouveau, ils furent évoqués dès les années 1970 avec l’idée de pluralisme culturel. Le colloque d’Arc -et- Senan marque, à ce titre, un tournant.

Nous sommes en 2019, ce programme de projet culturel de la région Normandie (2017- 21) nous souligne que cette notion de droits culturels est récente et c’est encore là que nous mesurons la notion de temporalité étonnante entre une perception politique et un fait sociétal politique également: 40 ans.

Puis, ce projet conditionne tout cela « à l’évaluation » alors qu’un peu de benchmarking aurait suffi. Si cela fait 40 ans que cette situation a été identifiée, d’autres régions ou espaces de référence ont du déjà expérimenter la chose. A quand une politique qui repose sur l’échange de bonnes pratiques ?

Enfin, l’éducation se fait priorité notamment au regard du décrochage scolaire. J’avais déjà abordé cette situation notamment en Seine Maritime et son taux de diplômés de enseignement supérieur en dessus du seuil national dans Perception du territoire

  • Au niveau national, nous pouvons remarquer que pour les 25/49 ans, la part globale du supérieur (court + long) correspond à 40, 3 % et que la part qui correspond à l’ensemble (de 25 à 65 ans et plus) est de 25, 9 %. La part de ceux qui ne possèdent pas de diplôme, brevet, CAP/BEP et Bac est de 64,7%.

La part des titulaires (dans l’ensemble) d’un diplôme de l’enseignement supérieur âgé de 15 ans et plus est de 23% sans distinction (court ou long). Celle des « sans diplôme, CAP/BEP et titulaire du BAC » est de 77%.( Chiffre Insee)

Il serait temps donc….Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit, non, dans le projet de la région, ce sont des conditions de rencontre entre œuvre et « publics éloignés » soit parce qu’ils habitent en zone rural soit parce qu’ils sont éloignés -comme nous l’avons déjà dit- de l’offre….

Retenez que les conditions de votre éloignement sont:

La zone géographique d’habitation mais pas la banlieue ni la ZUS (zone urbaine sensible) encore moins le quartier prioritaire, non la ruralité c’est mieux parce que selon la région c’est pire comme éloignement…Ensuite, votre santé, votre handicap, votre argent (votre pauvreté quoi que ce ne soit pas précisé- comme si être précaire c’était pareil qu’être sans emploi et pareil que relever des classes populaires ou classes moyennes…Énorme erreur que de placer les habitants sous cette lumière cela revient à contraindre l’exploration « sociale » aux seules conditions de revenues.

Donc dans le panier de l’éloignement, c’est le tri qui est à questionner et à rejeter de manière catégorique….J’espère que des directeurs de structures- d’organisation et autres porteurs de projet ont conspué cet affront! Et surtout, ces fameux publics!

Pour finir, l’obsession de l’institutionnel avec la culture des labels.

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La carte de la région (recentrée sur Rouen en ce qui nous concerne) laisse planer quelques doutes et, dans le même temps, confirme une volonté politique de placement de labels. Rouen en rouge et deux autres communes rive gauche en écho! Sotteville et St Étienne!

Sotteville c’est le FRAC Rouen Normandie, L’Atelier 231 et le Trianon Transatlantique, St Étienne c’est le Rive Gauche. Il y a toutefois une petite précision, d’une part la culture et son offre ne commencent ni ne s’arrêtent aux labels afin de prouver exigence et dynamisme cependant cette volonté est gage d’attractivité… Ces labels – ces titres homologués- sont utiles car ils font parler de « nous ». Nous qui ? Et qu’engendrent les labels ? Une guerre de subvention entre structures et surtout une hiérarchisation. Comment fonctionner comme des parties prenantes alors que la région désigne, non sans fierté, ses structures porteuses? Comment mesurer la singularité culturelle d’un territoire et avec quels outils d’évaluation? Comparer qui à qui ? En quoi un label prône la décloisonnement disciplinaire cher à la démocratie culturelle ?

D’autre part, à quels publics s’adressent ces labels ? Pensez-vous que le CDN Normandie Rouen installé au Petit-Quevilly touche la population extra locale de son territoire d’inscription ? Et d’où proviennent les publics de l’Atelier 231 et du Frac Normandie Rouen? De Rouen bien sûr et très souvent, de Rouen rive droite.

Une affaire à suivre….

Isabelle Pompe, 5 mai 2019

 

 

 

Territoire social & art # 2

Pour faire suite à notre article précédent: Territoire social & art # 1, nous allons questionner différentes notions.

 

PREVIOUSLY

Screenshot_2019-03-21 Rubis mécénat – fund for cultural and social art projects

Nous avons abordé le mécénat d’entreprise tel que Rubis Mécénat cultural Found. Mécénat porté par le groupe Rubis dont l’un des sites se trouve être exploité au Grand-Quevilly (2305 BD Stalingrad).

Le sujet qui nous intéresse est la commande passée par ce mécène à un artiste de renommée internationale, à savoir le photographe belge Geert Goiris. Cette même commande a fait l’objet d’un partenariat unique avec le FRAC (Fonds régional d’Art Contemporain) Normandie Rouen installé à Sotteville lès Rouen. Cette initiative a pris la forme suivante:

  • Une exposition au Frac Normandie Rouen (du 09-12- 2017 au 14 -01-2018)
  • Deux installations d’envergure dans le Port de Rouen
  • Une parution chez Roma Publications.

Ce qui a attiré notre curiosité c’est la manière dont était relatée cette collaboration. Pour cela, nous avons retenu trois articles parus dans: Paris Art, L’œil de la Photographie et Réponses Photo.

Vous pouvez y avoir accès depuis Territoire social & art # 1

Dans un premier temps, des mots, expressions ont retenu notre attention:

Paysage industriel contemporain/ Environnement industriel/ Monde/ Présence fantastique/Paysage romantique/ Style cinématographique

Temps de latence/ Pétrole (semble) inoffensif/

Gestes/ Place du corps

Rôle majeur/

Puis, nous avons extrait ceux -ci : « Documenter, portée à la vue, sites méconnus, cachés des regards ainsi que la préposition « malgré » et la locution adverbiale « au contraire » dans les phrases « sites méconnus malgré leur rôle majeur » (article 1) et « Au contraire le sujet est dans les temps de latence… (dernière phrase de l’article 3) »

Et enfin les annotations suivantes pour désigner l’artiste au regard de ses expositions et du format de ses œuvres: XXL, monumentale, expositions poids lourds.

 

Temps II

Restituons le contexte géographique de cette proposition artistique. En effet, sur notre territoire social est implanté Rubis Terminal.

De qui s’agit-il? Et quelle est, brièvement, son histoire ?

Screenshot_2019-03-22  Gilets jaunes le dépôt pétrolier près de Rouen a été débloqué par la police.png

Localisation du site Rubis Terminal au Grand-Quevilly

RUBIS TERMINAL

« Rubis Terminal est le leader européen indépendant dans le stockage de produits pétroliers, chimiques, agroalimentaires et des engrais.

Rubis Terminal est une filiale du groupe RUBIS, un des leaders européens indépendants spécialisé dans la distribution de produits pétroliers (carburants, GPL…) et le stockage de produits liquides (pétrole, produits chimiques, produits agroalimentaires, engrais).


Créé en 1877, Rubis Terminal, anciennement Compagnie Parisienne des Asphaltes (CPA), dispose en 1992 d’un million de mètres cubes de stockage à Rouen et Dunkerque, dont la localisation en façade maritime et les connexions aux principaux pipelines français offrent un enjeu stratégique majeur dans la chaîne logistique des hydrocarbures et produits chimiques en France.

 

RUBIS TERMINAL & Rouen

2016 Mise en service de capacités supplémentaires à Rotterdam (35 400 m3), Anvers (45 000 m3) et Rouen (75 000 m3)


2017  Construction de réservoirs double enveloppe béton à Rouen 2 X 9 500 m3, mise en service de 30 000 m3 à Anvers


2018  Mise en service de 22 000 m3 en engrais à Rouen. » Source

 

L’Art est engagé pour la construction d’une image

Pour cette commande artistique, l’artiste Geert Goiris a eu carte blanche pour traiter du sujet: Le groupe Rubis et son activité (ses sites industriels).

Les œuvres de Geert Goiris pour Peak Oil associent différentes images, idées et perceptions. La formulation « dans un style cinématographique » souligne l’esthétisation d’un décor et le soin apporté aux plans, cadrages, traitement des couleurs (contrastes) ou du noir et blanc. L’image est « belle », porteuse de références cinématographiques et convoque nos imaginaires.

Cette proposition artistique pourrait sembler poétique. Ces photographies emmènent avec elles une dramaturgie sous tension.

Ces images pourraient réconcilier les univers industriels et littéraires, romantiques et fantastiques.

L’imaginaire du caché trouve ici toute sa puissance – ce que nous ne savons pas, ce que nous ne voyons pas/ par choix ou par nécessité.

Cet accès à l’immontré transforme notre appréhension du réel. De surcroît les scènes photographiques, telles qu’elles sont relatées par Geert Goiris, sont autant d’éléments factuels qui viennent documenter et nourrir dimension irréelle.

Cette documentation faite par un artiste participe à l’anoblissement des activités du Groupe Rubis dont les sites industriels sont désignés « paysage industriel contemporain ».

« Contemporain » est un adjectif qui nous conduit tout droit vers l’art contemporain même si sa définition induit  » de la même époque, de la même période ».

Le « Paysage » raconte une vue d’ensemble, une étendue spatiale naturelle ou non, mais l’effet produit dans l’appellation « paysage industriel » est autre. Nous pensons à un tableau, celui-ci serait renforcé par la désignation complète: « paysage industriel contemporain ». Ces usines voient leur image muter, nous glissons des sites industriels vers des territoires artistiques.

Ce paysage, cet environnement, cette présence…Un vocabulaire valorisant pour créer un passage des sites industriels vers le patrimoine industriel.

Avec Peak Oil, il n’est en rien restitué à l’aune de sa dangerosité, de son impact, de son rôle sur les écosystèmes…Il est romancé et sa subjectivité interpelle car elle vient narrer une histoire hors du temps où la présence humaine est très rare.

L’art se met au service d’une image. Quelle superbe démonstration d’un processus de valorisation que cette commande!

La notion temporelle fait, assurément, une entrée fracassante car pour certains clichés nous sommes incapables de situer la période, l’époque.

De plus, l’abstraction endort ce paysage, ce qui engendre un caractère lointain quasi inoffensif à ce dernier.

La question du rôle est posée. Le nôtre? Dans cette scène d’abandon, quelle est la part de responsabilité de l’homme? Qu’avons-nous engendré, produit comme décor?

Quel degrés d’altération s’est exercé sur les biotopes/écosystèmes documentés par cette image?

Ce sont aussi les formats et l’utilisation de support type Wallpaper en version XXL qui renforcent cette impression. Les gros plans/ plans serrés accentuent l’impression d’un paysage si vaste qu’il est impossible à restituer. Comment lui apporter de la concrétude ?

Pas de panorama, au sens photographique du terme, pour traduire ces sites industriels mais une surface géographique immense qui tient aux détails.

L’œil est captif de ces espaces circonscrits toutefois invisibles jusqu’alors.

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Exposition Peak Oil de Geert Goiris au FRAC Source

Le terme « Monde » renvoie à plusieurs définitions: Un tout, un ensemble de choses, ensemble de tout ce qui existe, à l’environnement des êtres humains, à un milieu ou un groupe social défini par des caractéristiques… Il est aussi une expression qui peut accroître, intensifier la portée de ces images en accordant une importance majeure à ce qu’elles désignent. Elles forment un monde, à elles seules.

Ce qui vient créer le trouble c’est aussi la capacité narrative de Peak Oil à nous montrer les séquences, les détails comme partie prenante de ce « tout ».

Geert Goiris est reconnu pour la tailles de ses formats comme nous l’avons vu qui agissent comme une démonstration de force. Par ailleurs, son nom est associé à des expositions prestigieuses au regard de leur scénographie et des lieux qui les ont accueillies. Sa reconnaissance internationale accroit le phénomène d’attraction, en effet, pour un groupe comme Rubis, c’est l’assurance de quelque chose d’unique, de grandiose au rayonnement implicite.

« Se faire tirer le portrait » par un artiste comme celui-ci c’est aussi susciter un intérêt, une adhésion et renforcer un sentiment d’attachement voire de fierté. Souvenons-nous.  Nous avions évoqué la notion de fierté ouvrière, précisément au Grand-Quevilly.

Lorsque je fis l’expérience de cette visite (du 09 décembre 2017 au 14 janvier 2018) au FRAC Normandie Rouen, je fus très surprise de la diversité des publics et du nombre de personnes ayant fait le déplacement. Il est vrai que la période de monstration était très courte (à peine un mois).

Les retours que j’obtins, lors de la rédaction de mon mémoire universitaire (la programmation artistiques à l’aune des nouveaux espaces de référence, Rouen, ville – Métropole), auprès de Julie Debeer (chargée des publics de la structure) pour cette exposition furent plutôt surprenant. Elle ne s’étonnait pas du succès. Selon elle, les gens venaient voir ce qu’ils connaissaient. Ce qui me sembla être une (ré)activation de ressources spécifiques pour un territoire ne paraissait pas être perçu ici.

Ce territoire social possède une très longue et riche histoire ouvrière dont peu de structures s’emparent et dont on préfère taire voire minorer l’existence.  Ce qui contraint une commune à avoir un récit autorisé, parfois hors-sol (non inscrit)La présence des ces usines sont inscrites dans l’esprit, les souvenirs, la parole et les parcours de ces habitants, de ce fait, ne pas y faire référence, efface la spécificité de cette ressource.

Par cette commande, le groupe Rubis s’est offert la (ré)activation des ressources spécifiques (les habitants, ouvriers ou non, attachés, curieux de leur environnement industriel) de ce territoire social.

Une manière stratégique de produire et de réactiver de l’attachement. Ce groupe industriel n’a pas à être inquiéter à ce propos au vu du succès remporté par cette exposition, de plus, elle est parvenue à faire se déplacer des personnes qui n’étaient jamais allées au FRAC.

Que dire, hormis s’interroger encore et encore sur l’attachement paradoxal des habitants de ce territoire, questionner les notions d’éthique et de responsabilité, présupposées par les « malgré » et « au contraire » de nos trois articles étudiés.

 

Isabelle Pompe, Mars 2019.

 

 

 

Territoire social & art # 1

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Peak Oil Geert Goiris

Cet article a été conçu en deux temps. Vous découvrez, ci-dessous, la 1ère partie.

Nous avons introduit le Territoire social & culture au travers l’approche du Petit-Quevilly et de l’histoire de ses salles de spectacles. Cette commune, à l’aune de sa politique et donc de sa politique culturelle, propose une histoire culturelle constitutive de sa mémoire collective.

La raison d’être de ces salles – leurs devenirs, leurs disparitions- s’étend sur plus d’un siècle. Elle concerne les souvenirs de plusieurs générations d’habitants. Ces salles ont connu un essor en écho au dynamisme économique. Souvenons-nous que cette commune est fortement marquée par son industrie chimique depuis plus de deux siècles (1808 sonnait l’arrivée de Maletra).

Cette relation entre structure culturelle et territoire extra local soulève, aujourd’hui, beaucoup de questions notamment au regard de l’inscription de ces dernières sur ce même territoire et au vu de leurs publics. Nous y reviendrons par la suite.

Pour cet article, nous nous interrogerons sur le rapport qu’entretiennent les industries chimiques/pétrochimiques avec la culture.

Nous nous servirons uniquement des éléments textuels, iconographiques mis à disposition sur le site du Rubis mécénat cultural found pour commencer.Source

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Capture d’écran site internet du mécène

Le mécénat d’entreprise avec Rubis Mécénat cultural found

Qui est ce mécène?

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logo

Rubis Mécénat cultural fund, fonds de dotation créé par le groupe Rubis en 2011, a pour mission de promouvoir le développement artistique en France et à l’international dans les pays où le Groupe est implanté.

 

Culture et art

Une distinction est faite entre « art » et « culture » au sens où l’entend le cinéaste, Jean-Luc Godard, « La culture c’est la règle, alors que l’art c’est l’exception. La culture c’est la diffusion, et l’art la production. »Entretien J.L Godard

Mais aussi comme l’aborde le psychologue et docteur en anthropologie, Claude Wacjman, « l’art divise et la culture rassemble.

Il est dans l’intérêt, pour ce mécénat de parler de « cultural found » plutôt que « d’artistic found » pour les raisons rassembleuses invoquées, néanmoins, le sujet de notre article est une commande passée à un artiste. Certes, sa diffusion passe par une exposition mais c’est une requête à destination d’un artiste qui reste effectuée.

Que fait ce mécène?

Ses interventions se déclinent en cinq actions qui vont des projets sociaux culturels aux commandes artistiques en passant par les projets DIY, Les éditions, la série art (ist).

PROJETS SOCIAUX- CULTURELS : Depuis 2012, Rubis Mécénat développe des initiatives sociales et artistiques pérennes dans certains pays d’implantation du groupe Rubis,
afin de transmettre à une jeunesse fragilisée des compétences artistiques et des compétences de vie à travers la pratique des arts visuels. ( Trois projets concernent Madagascar, Afrique du sud et la Jamaïque, ils sont spécifiés ici Source

PROJETS DIY : Projets artistiques menés avec les collaborateurs au sein des filiales du groupe Rubis. (Christophe Bogula* Rubis Terminal 2013-2018 Source Le M.U.R Vitogaz France 2018 Source

*Christophe Bogula travaille comme mécanicien chez Rubis Strasbourg depuis 2006. Séduit par l’esthétique de l’architecture industrielle ancienne, Christophe photographie son environnement de travail et ses collègues depuis 1992. Son travail s’inspire de celui d’August Sander. [Photographe allemand (1876- 1964) qui réunit photographie documentaire & démarche artistique]

LES ÉDITIONS

Sont présentées, ci-dessous, des captures d’écran de ces éditions afin d’avoir une idée de la présentation et d’en apprécier la démarche qualitative de cette action.

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LA SÉRIE ART (IST)

Alexander Murphy – Capter le profil des artistes soutenus par Rubis Mécénat, aux univers et aux cultures différentes, voici le pari de la série ART(ist).

« En 5 minutes environ, l’on découvre le travail et l’univers de chaque artiste en leur donnant la parole sur la création artistique et son rôle dans la société actuelle.

À travers ce projet, Rubis Mécénat souhaite mettre en avant la diversité des artistes soutenus par le fonds culturel. »

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Une capture d’écran de l’onglet de la SÉRIE ART(ist)

Nous pouvons remarquer que l’artiste dont nous allons parlé dans cet article fut le 1er de la série.

 

COMMANDES ARTISTIQUES

Depuis sa création, Rubis Mécénat fait dialoguer art contemporain et lieux spécifiques en s’associant à des artistes émergents et en milieu de carrière.

Le fonds commande aux artistes des œuvres d’art, destinées à habiter des lieux atypiques et à être exposées et/ou dialoguer avec les sites industriels du groupe Rubis. Ces œuvres sensibles placent l’histoire du lieu en leur centre et s’en inspirent.

Pour chaque commande, Rubis Mécénat aide à la production des œuvres et accompagne l’artiste tout au long de sa recherche et du processus de création. Cet accompagnement passe aussi par un soutien de plus long terme, via l’achat d’œuvres et la réalisation de publications. Autre manière de valoriser le travail de l’artiste et de ceux qui l’entourent, une vidéo est réalisée sur les différentes étapes de la réalisation de l’œuvre.

Que ce soit lors de collaborations avec des lieux comme le Collège des Bernardins ou l’église Saint-Eustache, à Paris, ou sur les propres sites du Groupe, Rubis Mécénat laisse toujours carte blanche aux artistes invités.

Ces commandes impliquent les étudiants des Beaux-Arts de Paris (2013/2018), Benjamin Loyauté et son Expérience de l’ordinaire en 2018, Fanny Allié avec Silhouettes en 2012, Kalos-Sthénos (2018) et Les Voyageurs depuis 2015.

Geert Goiris avec Peak Oil (2017/2018), Kid Creol & Boogie l’Orée depuis 2017, Stéphane Thidet avec  Le solitaire ne 2017, Leonara Hamill avec Furtherance ( 2014/15) et enfin Cyprien Clément-Delmas avec A la croisée des regards en 2011 et On Site depuis 2012.

L’artiste Geert Goiris nous intéresse car son projet Peak Oil est le fruit d’une commande de Rubis Mécénat cultural found et d’un partenariat avec le FRAC Normandie Rouen. De plus, j’ai pu faire l’expérience de visite de cette exposition et m’entretenir avec Julie Debeer, la chargée des publics du Frac.

 

PEAK OIL de Geert Goiris

Geert Goiris

Geert Goiris est un photographe belge qui vit et travaille à Anvers, en Belgique.

Après des études à la LUCA School of Arts de Bruxelles (Belgique), à la FAMU Film and Television Academy de Prague (République Tchèque) ainsi qu’au Higher Institute for Fine Arts (HISK) à Anvers (Belgique), Geert Goiris se fait connaître à l’international dès 2004 notamment grâce à sa participation à la Biennale d’art contemporain Manifesta 5 de Saint-Sébastien (Espagne).

L’artiste est représenté par la galerie parisienne Art:Concept (France).

Le travail de Geert est régulièrement exposé dans les grandes institutions européennes telles que le Boijmans Van Beuningen Museum (Rotterdam, 2007), le Wiels Contemporary Art Center (2010), le Palais de Tokyo, (Paris, 2010), le Hamburger Kunsthalle de Hambourg (2011), le Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) (2012), le Chicago Museum of Contemporary Photography (Etats-Unis, 2015), ou encore le Centre Pompidou- Metz (2016).

En 2016, le Frac Normandie Rouen lui a consacré une exposition monographique intitulée « Fight or Flight ».

Peak Oil

L’artiste belge Geert Goiris s’est rendu tout au long de l’année 2017 sur 12 sites industriels de Rubis Terminal (filiale du groupe Rubis), couvrant l’ensemble des dépôts en Europe, afin de développer une série photographique, intitulée Peak Oil, sur le thème du paysage industriel contemporain.

Il a sillonné les zones portuaires et industrielles de Dunkerque, Rouen, Brest, Strasbourg, Village-Neuf, Saint-Priest, Villette-de-Vienne, Salaise-sur-Sanne, Bastia, Ajaccio, Rotterdam et Anvers.

En adoptant un style cinématographique et suggestif, Geert Goiris propose

« une narration ouverte qui oscille entre familiarité et aliénation, découverte et fabulation ».

Cette commande photographique, faite à un artiste de renommée internationale, est le fruit d’une collaboration inédite entre Rubis Mécénat et le Fonds régional d’art contemporain (Frac) Normandie Rouen.

Initiée par le Frac et Rubis Mécénat, elle donne lieu aujourd’hui à quatre projets :

  • Une exposition au Frac,
  • Deux installations d’envergure dans le Port de Rouen
  • Une parution chez Roma Publications.

Avant de nous attacher à la narration de l’exposition et à ses publics, nous allons questionner la portée, la résonance de cette commande. Quelle traductrice d’image de ces sites industriels est-elle? Comment est-elle rapportée? Quel peut être son rôle pour le groupe Rubis Terminal?

 

Une question d’IMAGES

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Geert Goiris, Peak Oil, 2017

Nous allons lire des critiques de cette expositions en retenant trois propositions publiées par Paris Art, Réponse Photo, L’œil de la photographie. L’idée est de percevoir l’image de ce mécène telle qu’elle est racontée par ces auteurs/ journalistes. Ils correspondent à des prescripteurs et participent à la construction de cette image souhaitée/Voulue par le groupe Rubis Terminal. Le mécénat c’est aussi un miroir, déformant diront certains, il n’en demeure pas moins qu’il véhicule, par sa stratégie marketing, une certaine idée de l’apparence. Il construit une forme d’ histoire parallèle à l’activité des industries du groupe Rubis Terminal.

La 1ère : Paris Art

Screenshot_2019-03-21 Peak Oil Geert Goiris, photos de sites industriels au Frac Normandie.png

Quatre séquences narratives retiennent mon attention:

Selon cet article, la série de photographies Peak Oil de Geert Goiris documente le paysage industriel contemporain.

Les images de Geert Goiris permettent de documenter et de porter à la vue de tous des sites rarement accessibles au public et même le plus souvent cachés des regards, des infrastructures complexes qui jouent pourtant un rôle crucial dans notre société dépendante en carburants et combustibles.

Ces clichés adoptent un style cinématographique et narratif qui vise à se détacher des modes traditionnels de représentation de l’industrie. Le photographe cherche à mettre en lumière la place qu’occupe le corps dans un environnement industriel et la façon dont un tel paysage, où règnent l’acier le béton et la lumière artificielle, influence les gestes de ceux qui y vivent.

Geert Goiris montre un monde où les navires, camions, moteurs, conteneurs, pipelines et wagons semblent dotés d’une présence fantastique.

La 2ème :L’œil de la photographie

Elle reprend en détails les éléments dont nous disposons, puis ajoute:

« Parmi les photographies exposées, dix seront offertes au Frac par Rubis Mécénat afin d’enrichir sa collection et plus particulièrement son fonds photographique dédié au territoire. »

Et termine par: « En 2018, la commande photographique Peak Oil est a nouveau mise à l’honneur à l’occasion de deux évènements d’importance : l’installation d’une image pérenne et monumentale, sous forme d’un wallpaper XXL, sur l’un des réservoirs de Rubis Terminal dans le Grand Port Maritime de Rouen et une nouvelle présentation de la série dans le cadre du festival PhotoSaintGermain, du 07 au 24 novembre 2018.

Enfin, la 3ème Réponses photo

Ce qui m’attire ce sont les expressions, le vocabulaire et le portrait qui est dressé de l’artiste:

Dans son article du 4 octobre 2018, Carine Dolec, reprend comme éléments de contextes la renommée internationale de Geert Goiris. Situe l’artiste comme « habitué des publications prestigieuses et des expositions poids lourds ».

« Geert Goiris a réalisé pour le groupe Rubis une commande taillée sur mesure: très gros plans, matières, cadrages secs et bien coupés et paysages romantiques, il montre ces « moments particuliers où le pétrole semble inoffensif.

Le sujet n’est pas les prouesses techniques de l’extraction du pétrole, ni les effets économiques, sociaux et/ou géopolitiques liés à son existence. Au contraire, le sujet est dans les temps de latence, ces moments où le pouvoir du pétrole est uniquement sous-jacent. »

 

COMPARAISONS

Les trois articles ont leur propre style, allant d’une critique romancée voire littéraire pour la 1ère, à un papier purement communicationnel qui reprend l’actualité de cette commande pour la seconde. La 3ème, quant à elle, s’interroge sur le notion de sujet et la manière opportune, dans ce cas, de le traiter.

Nous retiendrons les expressions, groupe de mots suivants:

Paysage industriel contemporain/ Environnement industriel/ Monde/ Présence fantastique/Paysage romantique/ Style cinématographique

Temps de latence/ Pétrole (semble) inoffensif/

Gestes/ Place du corps

Rôle majeur/

Ensuite, nous pouvons extraire ceux-ci : Documenter, portée à la vue, sites méconnus, cachés des regards ainsi que la préposition « malgré » et la locution adverbiale « au contraire » dans les phrases « sites méconnus malgré leur rôle majeur » (article 1) et « Au contraire le sujet est dans les temps de latence… (dernière phrase de l’article 3)

Nous prélèverons également, les annotations suivantes:

XXL, monumentale, expositions poids lourds.

 

Nous poursuivrons ces observations dans un temps 2, très prochainement.

 

Isabelle Pompe, Mars 2019.