Atelier « l’Arbre en ville »

Le dimanche 1er septembre 2019 s’est déroulé notre deuxième atelier ‘Specific consacré à la place de l’arbre en ville.Évènement FB

Arbre en ville 1 septembre

Un RDV fixé et lancé depuis la page Facebook de Site Specific dès la fin juin. Cette rencontre étape en deux volets se voulait être une porte ouverte sur une réflexion collective quant à la considération du végétal par nos collectivités, la prise en compte de sa nécessité et les suggestions proposées par nous à partir de la place octroyée à l’arbre et autres végétaux au sein d’une commune spécifique de la rive gauche, à savoir Petit-Quevilly.

Un point de RDV symbolique de la commune

La station de métro au même titre que l’avenue Jean Jaurès sont des lieux très identifiés par les quevillais. L’horizontalité de l’avenue est gage de toutes les interprétations et cristallise de très nombreux reproches. On l’accuse de scinder la ville en bandes, cas de figure aggravé avec l’arrivée du métro, de n’être qu’un axe de circulation sans charme. Elle est associée à une image terne voire laide devenue monochrome depuis l’abattage des arbres survenu cet été.

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Un des arbres coupés sur l’avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly (juin 2019)

Par ailleurs, la volonté du projet #sitespecific tient en la mise en accès, de ses propositions d’échanges, la plus simple et la plus proche pour les habitants qui soit, ce pourquoi cet atelier avait pour point de départ, une station de notre métro quotidienne de la ligne Georges Braque, Jean Jaurès.

De plus, nous avons étudié, précédemment, nos transports en commun à l’aune de la notion de mobilité inclusive, vous pouvez consulter cette recherche, de manière synthétique, depuis cet article La sociologie de nos transports en commun

La parcours de cet atelier a été pensé en deux temps physiques: le temps 1 commence en partant de cet arrêt de métro, enchaîne avec son environnement direct puis se dirige vers le square Marcel Paul. Faire ensuite une pause, prévue, à l’origine, pour présenter la démarche d’une des porteuse de projets des jardins partagés de Petit-Quevilly et aussi pour offrir des graines de plantes et autres boutures. Le temps 2 correspond au trajet depuis le square, en passant par la Chapelle St Julien, vers le Parc des Chartreux.

  • La représentante du projet de jardin partagé ne s’est pas présentée. Au téléphone, nous avons échangé et compris que le projet était dans l’attente d’un RDV avec la mairie mais qu’un terrain avait été trouvé, restait à voir les conditions d’une convention et la pérennité du projet encore au stade interrogatif.

TEMPS 1

  1.  Questionner ces récents abatages, les arbres et leurs pieds situés devant et tout à côté du bâtiment de la Foudre (Seine Innopolis)
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Point de départ de l’atelier ‘Specific # 2 – Crédits photo Cécile Lenormant

En faisant état photographiquement de cette situation, nous percevons quelques modifications. Nous prenons la pleine mesure du ressenti de la disparition de ces arbres lorsque des personnes utilisent les mots « dégoût », « peine », « incompréhension » et « colère » pour en parler.

 

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Photo prise en juin 2019

En faisant le tour de ce petit espace du quartier, nous observons les travaux devant le bâtiment Seine Innopolis.

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Photo prise ce 1er septembre 2019

Sans savoir ni avoir d’explications à lire, nous pouvons noter des écarts quant à ces deux séquences photographiques que deux mois séparent.

Nous nous engageons sur le côté, des bancs et des pieds d’arbre non fleuris ou enherbés finalisent le décor. Nous pouvons déplorer le peu de poubelles également et l’absence de vie de la place telle qu’elle est depuis longtemps déjà. Ces aménagements récents et ceux en cours, nous l’espérons vivement, tiendront compte de la nécessité d’une centralité qui fait tant défaut à cette commune!

Nous nous plaisons à imaginer des tables et autres espaces colorés pour se restaurer, prendre l’air, se poser, une petite fontaine et de quoi accueillir la biodiversité ordinaire.

Rappelons-nous que Petit-Quevilly, certes, il y a très longtemps, pouvait s’enorgueillir d’une très grande mare.

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Petit-Quevilly, sa mare et son église St Pierre

Nous poursuivons notre rêverie diurne, en envisageant pourquoi pas, la gestion de cette presque petite place confiée aux citoyens nombreux à vouloir s’engager les mains dans la terre!

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Pieds d’arbre avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly

Le mobilier urbain (côté gauche) non propice à une envie réelle de se poser du fait de son manque de confort apporte sa touche de froid à l’ambiance. En outre, en nous penchant sur cet aménagement, nous questionnons également le genre dans l’espace public, nous savons que cette avenue connait une sur-représentation masculine, comparable pourquoi pas à la rue St Sever quoi que…Nous nous demandons, à ce titre, pourquoi la commune n’organise -t’elle pas une réunion dédiée aux femmes et à leurs attentes au regard de cet espace public ? Comment créer les conditions d’une appropriation féminine est une question indispensable pour la rive gauche!

Ici, tout est minéral, peu de vert, beaucoup de pierres en revanche! Une impression de force, de virilité due, en partie, à l’absence de couleurs, de fleurs, et de dossiers, tout simplement, pour ces bancs! Attention, également, à l’ilot de chaleur urbain! Pour rappel, nous vous convions à lire notre article Territoire extra-local & Environnement

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Le mobilier urbain de Seine Innopolis, Avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly

Nous prenons la direction, de la bibliothèque François Truffaut, en faisant attention à cette vue d’ensemble de l’avenue Jean Jaurès depuis ses travaux, ses démolitions et ses abattages qui engendrent lumière, poussières et gênes…

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Les arbres reprennent des couleurs! avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly

En nous approchant de ces pieds d’arbre, nous relevons la présence de bouteilles en plastique, canettes, et beaucoup de mégots trainent…Une marche nettoyage est prévue pour ce quartier courant novembre! Pour autant, nous sommes quelques unes à nous être munies de gants afin de ramasser, du mieux que nous le pouvons, ces détritus laissés là, dans l’attente, fort longue, qu’ils se désagrègent.

Petit point pour ces éléments qui jalonnent nos rues, parcs et jardins: la temporalité n’est pas du tout la même.

Screenshot_2019-08-09 Temps de dégradation des produits courants

Alors, nous voilà, plongées, dans la rue François Mitterrand, nous longeons ces espaces vides, très peu exploités comme celui qui se plante devant la bibliothèque et le théâtre de la Foudre (CDN Normandie Rouen). A l’instar de place des Emmurés (Rouen St Sever), nous nous demandons pourquoi ces espaces publics ne sont pas davantage valorisés, animés, occupés par pourquoi pas une terrasse, du mobilier éphémère, un food truck ? Cette partie serait idéale pour réfléchir à une co-construction en termes de programmation culturelle, entre les deux structures. Elle pourrait, en effet, créer un pont pour les publics. Cette petite place est idéale pour y installer un ilot de convivialité!

Nous montons, le long de ces jardinets et maisonnées charmantes et au milieu de cette mixité sociale qui se fait face mais est-elle réussie ? Comment les habitants des immeubles et ceux des maisons se perçoivent-ils? Est-ce qu’ils se parlent alors même qu’ils se croisent ? Un petit focus sur cette rue a été fait lors des articles La voie du mieux # 1 et La voie du mieux # 2

Le square Marcel Paul

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Le square et ses quelques rares fleurs, Petit-Quevilly

Ce jardin est régulièrement pris d’assaut par les enfants car s’y trouvent des jeux, des personnes viennent s’y asseoir, manger, discuter mais l’absence, encore une fois de tables ne leur permet pas de venir se restaurer ou jouer à des jeux de sociétés par exemple. Il est impératif pour un territoire local, à l’échelle d’un quartier mais aussi d’une commune, de comprendre que les conditions de confort sont essentielles, que les lieux doivent être pluriels et permissifs! A noter que les poubelles, sur cette partie de la commune, ne proposent pas le tri, comme nous l’avions déjà évoqué, elles sont certes belles mais…

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Assortie mais hors sujet, poubelle du square Marcel Paul, Petit-Quevilly

C’est alors que munies de nos gants, nous partons à l’assaut de bouteilles en plastique, canettes, boite de tabac en métal, emballages…Nous sommes venues avec notre sécateur pour montrer que les gestes de soin ne sont pas accomplis sur ce jardin. Les petits carrés sont en souffrance par manque d’eau et de taille des fleurs séchées. Nous les coupons et les laissons au sol afin de laisser la nature faire sa suite. En ville, la nature a besoin de nous, de nos gestes, elles ne peut se suffire à elle-même dans des espaces aussi restreints que ces bacs. Nous indiquons que ces plantes sont, pour la plupart, toutes porteuses de graines que nous pourrons très prochainement ramasser.

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Couper, tailler, prendre soin d’une façon citoyenne

Nous croisons sur notre route, une dame, habitante de la commune qui s’avèrera être une source historique inépuisable! Elle était occupée à cueillir des noisettes.

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Les habitants et leur attachement à la commune de Petit-Quevilly

Nous poursuivons nos explications, explorations et autres remarques quant aux espèces que nous avons sous les yeux. La végétation parfois explose, sature et envahit voire étouffe les quelques rosiers.

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Les bacs du Square Marcel Paul

Nous indiquons également que ce square pourrait parfaitement accueillir une fête des voisins ou une animation tant l’espace est découpé en axes de circulation cohérents: une artère principale et des allées parallèles, tout cela loin de la route, des voitures et donc du danger et du bruit!

Les fruitiers sont à la peine, nous remarquons même que des branches ont été cassées, rongées, sans doute par un animal domestique tel un chien…

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Les fruitiers du square Marcel Paul, Petit-Quevilly

Nous sommes venues avec nos provisions de boutures telles que le Chèvrefeuille, un régal pour les oiseaux, nous les distribuons, au même titre que nos graines de Nigelle, SouciLa nigelle // Souci: une fleur généreuse

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Les graines dans leur boite Specific ‘

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Boutures et Ancolie

Une chose nous arrête dans nos réflexions, et nous sommes partagées dans nos ressentis et interprétations. Depuis la question esthétique, pourquoi pas ? Cet arbre est en effet sculpté en siège mais symboliquement, cela nous renvoie à une image de domination de nos ressources naturelles qui trouve un écho terrible dans ces rapports souvent trop utilitaires, par conséquent, réducteurs.

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Qui sculpte quoi ? Qui ? En quoi l’arbre serait un siège ?

C’est la tête dans les arbres et leurs bienfaits que nous continuons notre petit périple de ce dimanche matin sous un soleil agréable et une luminosité tamisée.

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L’arbre en ville, un acteur majeur

TEMPS 2

Nous parvenons à rejoindre la Chapelle St Julien, en faisant encore les mêmes constats, beaucoup d’espaces pas suffisamment fleuris ou enherbés ne permettent pas à la commune d’être une hôtesse d’accueil irréprochable pour la biodiversité ordinaire. Nous savons que, paradoxalement, elle fleurit abondamment des espaces disons visibles  stratégiques mais qu’elle délaisse pas seulement des petits recoins mais des rues résidentielles. Lors de cette traversée des rues, nous déplorons le nombre de poubelles qui explosent en dehors des bacs dédiés, la récurrence de l’absence de tri, l’odeur qui s’en dégage, ce qui ne vient en aucun cas valoriser ces territoires sociaux. Nous savons que les poubelles enterrées ne sont pas une solution si leur rôle est de diminuer le nombre de passages du ramassage. Nous avions déjà pu remarquer que le nombre de bacs était rarement suffisant au regard du nombre d’habitants concernés à la différence hallucinante du nombre de bacs alloué à Seine Innopolis par exemple. Les rues sociales ne sont pas des poubelles, les espaces de partages publics comme les trottoirs, les menus coin de verdure n’ont pas à être des ramassis d’ordures en tout genre encore moins des cendriers à ciel ouvert!

Parc des Chartreux

Avant même de pénétrer au Parc des Chartreux, nous poursuivons nos actions de sensibilisation quant à la flore généreuse présente sur ce quartier. Notre échange interpelle les quelques usagers/habitués du Parc.

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Des graines en nombre offertes par la flore présente, Petit-Quevilly

Les seules fleurs que nous croiserons sont celles-ci. Sachant que la fleur apporte sa touche de féminité, de poésie au lieu, aux espaces…

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Des fleurs très présentes sur la commune, depuis la rue Albert Einstein jusqu’ici!

Le Parc des Chartreux est d’emblée une masse assez dense et verte, étonnamment visitée, ce dimanche, par quatre joggeuses. Pas de fleurs à l’intérieur, pas de table, des bancs le long de l’allée principale et un parcours.

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Parcours dans sa phase finale

Nous réalisons que les bancs sont scellés sur des dalles de béton. Pour ce qui est de l’allée principale, nous remarquons que si nous suivons les endroits sans herbe, nous nous rendons directement à l’extérieur (là, où se trouve une piste et un terrain habité, ce jour, par une population masculine). Nous tournons afin de rester au sein du parc et regrettons que les espaces soient séparés par du grillage, ce qui ne facilite pas une circulation plus libre des publics et qui ghettoïsent les pratiquent au point que celles-ci soient, en ce jour de dimanche, totalement genrées!

Lors de cette excursion, nous ramassons quelques papiers plastiques et emballages, notons que l’éclairage laisse clairement à désirer et que la nature, sans soin ni taille, s’est emparée d’une bonne partie des allées au point que celles-ci soient impraticables!

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L’éclairage perdu du Parc des Chartreux

Ce à quoi, nous ne pouvons nous empêcher de penser c’est qu’en est-il le soir ? Et à l’arrivée de l’hiver pour ces joggeuses ça donne quoi ? Est-ce sécure comme espace ?

Et de cette végétation… Certes, il subsiste des bienfaits pour le sol à laisser les troncs par terre toutefois, les allées réduites, les espaces ainsi non entretenus désignent étonnamment les traces d’un passé où existaient des emplacements pour accueillir des cartels, plaques, indications, informations…

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Végétation & laisser-aller

Nous nous demandons si également dans cette forêt en ville, est-il prudent d’y venir avec ses enfants ou ses animaux ? En effet les herbes folles et hautes font régner l’opacité. Ce qui se dégage de cet espace déshumanisé laisse circonspect. Nous pensons à la maladie de Lyme, par exemple, transmise par la tique. Il faut savoir qu’en France, la majorité des contaminations survient d’avril à septembre.

  • La bactérie responsable est un spirochète, c’est-à-dire une bactérie de forme hélicoïdale, qui répond au doux nom de Borrelia burgdorferi.Les activités conduisant à des contacts avec les tiques représentent le principal facteur de risque de survenue de la maladie : travaux agricoles, promenades en forêt.

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Nous sommes assez surprises de l’état dans lequel se trouve ce parc au demeurant charmant qui donne une impression très nette d’avoir été abandonné par la ville. Nous avions abordé cette notion de ressenti quant à la gestion des espaces dans Hortus Politicus

Avec ce défaut d’informations quant à une volonté réelle de la commune de « laisser aller la végétation à son niveau le plus sauvage », nous ne savons pas si nous sommes face à un désengagement financier faute de jardinier ou face à une autre posture politique. Une politique environnementale repose sur une politique communicationnelle efficiente. Nous avons tous besoin d’informations et de pédagogie pour comprendre. De ce fait, vous mesurer l’intérêt qui était le nôtre de tester ce parc avec nos participantes et d’y tenir un RDV sur la thématique de la place de la femme dans l’espace public rive gauche (le 19/10 à 14h- Évènement FB)

Puis, non loin de la fin de cet atelier, nous nous approchons d’une scénette mémorable parce qu’interpellante.

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Morts d’avoir trop combattu , Parc des Chartreux

Trois versions de l’arbre mort ou presque, se donnent en spectacle, trois morceaux de bravoure se résument en un tronc, une branche et une espèce en piètre état de brunissement…

C’est là, que nous nous penchons pour ramasser des orties, à nos pieds, vives et dans l’ attente…

  • Les vertus de l’ortie sont nombreuses : elle est un très bon diurétique, elle agit contre les douleurs de l’arthrite et des rhumatismes et soulage en cas d’inflammation bénigne de la prostate. Source
  • L’ortie et ses bienfaits
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Séquence Orties

Nous repartons, il est 13H, soit deux heures de bonne humeur, de constats, actions et préconisations qui ne nous laissent pas sans idées et espoirs. Les logiques environnementales trouvent facilement un écho dans le verdissement de nos rues, quartiers, dans nos envies de toucher, de soigner une flore et végétation dont nous ne pouvons nous passer.

Nous vous disons à bientôt pour un autre RDV sur la thématique faune et flore. Avant cela, afin de revenir sur le manifeste de #sitespecific, le prochain article sera dédié à notre dernière action du 7 septembre au Jardin des Plantes de Rouen, à savoir notre 1ère rencontre ‘Specific sur les femmes et la rive gauche!

Toutes les questions sont imbriquées les unes aux autres, qu’elles soient environnementales ou sociétales car ces changements et améliorations vont de pair. Et oui, nous sommes interdépendants depuis nos espaces de partages jusqu’à nos petits quotidiens!

Crédits photos : Cécile Lenormant, IPL.

Isabelle Pompe pour #sitespecific

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rallye ‘Specific # 1, l’épisode pilote

Le Rallye’ Specific # 1 s’est déroulé sous une chaleur extrême pour la Normandie. Les participantes se sont, malgré cela, emparées de l’objet rallye avec leur appareil photo et téléphone. De ce circuit réaménagé en raison du soleil, nous avons conçu une narration en images de la rive gauche rouennaise. Une forme d’épisode pilote qui trouverait ses suites très prochainement.

NB/ Toutes les images des participantes ne sont pas encore traitées, patience…

Vous pouvez vous rafraichir la mémoire, ici, avec notre article précédent: S’émanciper de son invisibilité

A chacune de nos rencontres, nous invitons nos libres échangeurs à s’approprier les paroles, lieux, décors et autres de la manière qui sera la leur. L’image, restant une constante, fera figure d’archives relayées, déposées, consultables à tout moment depuis les espaces numériques du projet:

Page Facebook: @territoiresocial, compte Instagram: @photographyspecific et, ici, directement.

1ère séquence photographique

La tour Tougard

Elle est située à Rouen rive gauche, Bd d’Orléans. Nous avons essayer de saisir son territoire d’inscription car cette architecture dominante de la rive gauche rouennaise se plante en plein cœur d’un quartier, celui de la place Joffre. Puis vinrent les questions: Est-ce une vue de face ? De côté? Comment s’observe t-elle ? Comment se lit-elle ?

Les 1ères impressions ne tardent pas à s’exprimer: que fait-elle là ? Seule, effectivement, elle apparait à la fois perdue, déconnectée et étonnamment liée à son espace vital premier: son quartier. De loin, elle ne promet pas grand chose hormis la surprise, elle requiert l’approche. Être au plus près pour mieux oser s’en saisir.

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Entrée de jeu, Tour Tougard, Rouen rive gauche, Cécile Lenormant, juin 2019

Puis, nous ambitionnons de l’accoster pour sa connaissance. L’avantage qui nous est offert par cet édifice tient en le fait que nous pouvons tourner autour. Devant nous, ce sont les faces d’un dè.

C’est dans cette ambiance que nous la rencontrons, elle est cette surface imprenable qui ne rentre pas dans nos objectifs, qui ne tient pas entière. Il nous nous hasarder, retenter notre chance, reculer, la toucher. Elle est cette sauvage architecturale qui nous met au défi car elle ne se domestique pas. Allons-nous toutes produire la même image ?

 

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Se tenir aux pieds, Tour Tougard, Rouen rive gauche,  juin 2019, IPL

 

Amorcer les pieds, se mettre à terre, se pencher, s’installer à genoux, entreprendre, ambitionner et chercher à charmer. Cette tour exigeante ose nous demander de la souplesse, des jeux, d’être ingénieuses. Difficile par ce soleil de plomb de prendre le temps de nous risquer. Les passants nous regardent à peine, les résidents ne nous voient presque pas. Nous pouvons nous dire que c’est tant mieux. Nous restons dans nos expérimentations mais la belle se fait épreuve.

 

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Épreuve de force, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Optons pour la capture des détails. Ces derniers pourraient amener cette abstraction. Elle est ce concept, cette idée. Ces balcons lui donnent un relief étrange, de plus, ces hauteurs et ces carrés ne sont pas tous similaires. Elle est allégorie. Par sa présence sur ce territoire social voire précaire, elle représente ce signe, cette représentation indirecte de la rive gauche comme figure puissante de l’histoire rouennaise d’après-guerre. Elle envoute au point de devenir une tour témoin, une tour phare.

 

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Abstraction capturée, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

Nous réalisons la présence de caméras, nous nous aventurons vers ses portes d’accès et nous restons fascinées par ces boutons qui passent de 001 puis de 101 à 109, 201 à 211, 301 à 311, 401 à 410, 501 à 510, 601 à 610, 701 à 710, 801 à 807, 901 à 910, 1000, 1100, 1200, 1300, 1400 jusqu’à 1503 soit 15 étages non répartis de manière strictement égale. Ces chiffes nous procurent un vrai tournis.

 

1503, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Poursuivons cette expédition photographique avec la conquête historique de ces autres témoignages. La tour Tougard est encerclée par nos prises de vue, pour autant, elle ne cède pas. Nous patientons à ses pieds, nous testons. Nos tentatives de cadrage oscillent entre l’inutilisable et l’intérêt relatif.  Elle est cette impraticable photographique.

 

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1er plan, Tour Tougard, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

Et c’est là que nous nous réalisons la difficulté qui est la nôtre. C’est alors que prises de revanche, nous décadrons, à tout va, nous nous penchons, prenons sans crier gare, improvisons, jouant la carte de la spontanéité totale à pleine volée. Enfin, nous lui tournons le dos. Nous mettons plein cadre sur ce qu’elle voit chaque jour à sa base, autour d’elle. Sur ce côté de quadrilatère, se trouve un passage où nous nous sommes essayées.

Autour, une église, un immeuble, les choses sont étranges, pointues, des fenêtres, sans lien apparent, s’assemblent.

 

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Fenêtres sur cour, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

La promesse d’un passage

Le ciel est si bleu, la lumière est si forte que de rester sous ce soleil nous fait penser à un assaut. Nous sommes assaillies, assiégées par ces extrêmes météorologiques et architecturaux. Sous nos yeux, ce plan. Cette ouverture marquée par un espace temps révolu nous invite à soigner nos propositions. Avons-nous devant nous, une séquence digne des années 50 ? Un cadrage qui laisse le champ libre aux couleurs, à la porte, aux volets et aux arbres.

 

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Cadre social visité, Rouen rive gauche, juin 2019, Cécile Lenormant

 

De l’autre côté c’est quoi ? Où nous conduisent ces escaliers ? Vers le quai Cavelier de La Salle. (René-Robert Cavelier de La Salle est né à Rouen, le 21 novembre 1643 et mort assassiné le 19 mars 1687 près de Navasota, au sud-ouest de la colonie française de Louisiane, dans l’actuel État américain du Texas.)

Présence humaine ou abstraction volontaire, s’en remettre aux formes pures sans visage, sans arrondi, sans compromis. Le cadrage est en face, coupé à raz. Sec et inhabité, ce carré écranique est coupé de tout comme placé sur antiope.

 

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Cadre & Antiope, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Tout à côté, en file indienne, se succèdent des garages, des habitats étranges, des couleurs singulières. Le béton et les éléments en bois rendent accessible un voyage. Des visions d’un passé se suivent comme une immersion atterrante en territoire précaire.

 

Bord de rive gauche, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Les jaunes, les ocres, les moutardes ne cessent de se répondre. A quoi servent ces garages ? Ces portes ont-elles encore une utilité. Sommes-nous sur un territoire usagé dans le sens où « dont on fait encore usage » ?

 

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Jaune, bois et béton, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Le chien jaune nous laisse à sa relecture, nous quittons Maigret, pour retrouver des espaces utilisés d’une façon plus contemporaine. « Être humain signifie essentiellement qu’on ne recherche pas la perfection » écrivait Orwell. Alors que nous pensons fiévreusement que l’humilité est gage d’innovation, nous nous penchons un instant vers cette émission de France culture « accepter ses imperfections pour sublimer son humanité » 3 minutes de philosophie pour redevenir humain

 

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La rive gauche s’humanise, Rouen rive gauche, juin 2019, IPL

 

Nous reprendrons les images de ce rallye et la 2ème séquence photographique dans leurs suites pour un prochain article intitulé De la présence humaine.

D’autres éléments ont été photographiés tels que: Les quais hauts, les aménagements (trémie),  le bâtiment du département de la Seine Maritime, la cité administrative Saint-Sever, la Tour des Archives et autres rencontres…

Isabelle Pompe pour #sitespecific le 3 juillet 2019.

 

 

 

 

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L’image voulue

S’installer quelque part apporte des précisions sur nous-mêmes. « Je suis liée à l’endroit où je réside, je suis dépendante de ce territoire par rapport à ses services, à ses transports et à son image. Ma vie personnelle et professionnelle commencent voire recommencent avec cet endroit. Son image sert-elle la mienne?  Et cette rive gauche est-elle à notre image ?

Nous nous sommes déjà penchés sur cette notion d’image voulue en analysant, au fil de nos articles, les stratégies territoriales de certaines communes de la rive gauche et de la Métropole Rouen Normandie qui les assemblent. Les objectifs semblent clairs, les futurs résidents sont vivement souhaités et attendus car notre territoire assiste à la fuite des ses habitants. Pourquoi ? Un défaut d’attractivité a été pointé, un bassin d’emplois peu diversifié également, la faute à la pétrochimie ? Une trop forte proximité avec Paris est, souvent, un argument repris.

 

J’ai travaillé et ai résidé à Paris pendant près de 15 ans. Durant ce temps, je ne connaissais pas Rouen et il ne me serait pas venu à l’esprit de m’éloigner, de faire autant de distances, j’ai privilégié la ville elle-même quitte à sacrifier mon espace de vie: petit mais sur place.

 

Il demeure pressant, aujourd’hui, de sortir d’une oligarchie qui a causé un repli dangereux pour ce territoire. Cet espace de référence peine à être visible ? Cela vous étonne ? Peut-être était-ce un souhait politique premier que de rester dans cet entre-soi local, sans se dire qu’un jour ou l’autre les populations, l’espace lui-même seraient en difficulté.Ce processus inopérant s’est montré très efficace paradoxalement. Plus on se tient éloigné des citoyens, moins on accède au partage. Plus on ne tient pas compte des attentes, des besoins, plus on crée les conditions de l’exclusion dans tous les sens du terme. Exclure c’est être exclu à son tour un jour ou l’autre.

Dynamiser, galvaniser sont des actions qui prennent appui, tout d’abord, sur la considération d’une parole sans se substituer à elle. A laisser faire, laisser courir, nous ne sommes plus en capacité de retenir. Alors, qui est resté ? Ceux qui n’avaient pas le choix ? Sincèrement ?

Screenshot_2019-06-17 Dans la compétition des métropoles, Rouen peut-elle s'imposer (1)

Comment passer d’un endroit dont peu parlent, d’un recoin à une ouverture aux quatre vents ? Comment l’espace de relégation devient-il « la » destination choisie ?  Il y a de très grands pas à faire mais les changements de postures peuvent avoir un impact considérable. Repenser son comportement politique pour décloisonner, sortir de ce postulat de seul décideur. Insuffler, permettre, créer des espaces où les regards viendraient d’horizons diversifiés.

 

Entendre c’est déjà respecter.

 

Mais encore faut-il se saisir de ces bouleversements sociétaux pour penser cette situation comme une opportunité et ouvrir une interrogation sur les qualités de ce territoire, les manières d’y vivre c’est-à-dire comprendre, enquêter et analyser les raisons de sa désaffection.

Puis, écouter ceux qui résident, ceux qui produisent des ressources. Les habitants ont un vécu fidèle avec la rive gauche et leurs raisons ne sont pas qu’économiques. Entendre ce que disent ces personnes auraient du prendre forme antérieurement, ce sont eux qui font l’histoire de cet espace. De plus, déterminer l’attractivité fait appel à ce que le territoire propose comme possibles, que permet-il ? Que met-il à disposition?

Ne pas prêter l’oreille revient à renvoyer aux visages de ces vies de résidents qu’elles sont sans importance et que la population suivante sera, de facto, plus intéressante. Cliver en restant sourd semble être un geste politique qui n’a pas encore tout saisi aux transformations sociétales auxquelles nous assistons.

Il faut composer avec et non pour les gens.

 

Cependant, l’impression, que laisse ce renouvellement urbain rive gauche, s’approche de la bousculade, de la gestion de crise. En effet, pour satisfaire les nouveaux arrivants, c’est-à-dire pour satisfaire une projection objectivable en termes de logements, des travaux, des immeubles sont en cours de réalisation. En plus de scléroser un peu plus le paysage, de créer ex-nihilo ou de détruire, ils ont accru des gênes (bruits, poussières, propreté des chantiers…) et une pollution de l’air. Prenez le temps de consulter le rapport d’étude publié par Atmo Normandie . De  surcroît ne l’oublions pas, les citoyens sont de plus en plus exigeants quant à leur qualité de vie, alors, avec la pollution de l’air résultante de la présence de la Sud III à Petit-Quevilly, par exemple, les choses se compliquent…Le diagramme ci-dessous révèle que le seuil limite est largement dépassé!

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Capture d’écran sens de lecture modifié page 20 du rapport publié par Atmo Normandie

Aujourd’hui, les sol se parent d’immeubles, la place faite au béton ne cesse de croître, les arbres tombent, les quartiers changent et c’est la radicalité qui l’emporte. Ce n’est pas en mettant des gifles à un quartier que les choses deviennent séduisantes. En quoi cela participe à donner un sens commun à une action politique, d’ailleurs, en quoi une décision locale a quelque chose de commun avec les populations ? Ici, rien ne va plus.

 

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Nature morte, Petit-Quevilly & Rouen avenue de Caen, rive gauche, IPL, juin 2019

 

#sitespecific se fait l’écho de ces constats alarmants, de ce désordre urbain qui galvanise les souffrances de ce territoire social: les cadres de vie sont enlaidis, sauvagement abimés, les espaces sont lacérés par des bandes de rues, d’avenues, de routes…Que faire ? Changer notre attitude.

 

Nous ne faisons pas usage de la ville qui nous voit vivre, nous sommes ses habitants. Personne ne viendra sur un territoire sinistré car le « tout béton » c’est la fin, la mort assurée.

 

#sitespecific existe factuellement depuis désormais quatre mois mais depuis de mon arrivée, ici, je réfléchis à comment valoriser, comment mieux traiter cette rive et ses habitants, comment ? En restant vigilante, en étant une observatrice concernée et aguerrie de la vie de mes quartiers, de ma commune et de celles qui l’environnent.

 

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Drama, Avenue Jean Jaurès, Petit-Quevilly, Rive gauche, juin 2019, IPL

 

Ce Projet est le fruit de constatations et de remarques, de prises de pouls. Il est l’enchainement naturel d’un travail de recherche entrepris pour la rédaction d’un mémoire universitaire. Ce dernier est la digression d’un autre mémoire engagé en 2016 qui concernait la rue comme patrimoine mémoriel. Ces requêtes sont un écho à des recherches impulsées depuis des années car tout lieu de vie se suffit à lui-même pour initier une investigation exigeante.

La rive gauche se voit dotée d’un patrimoine matériel et architectural exceptionnel, le seul qui soit le plus régulièrement mis en valeur c’est l’Atrium, ancien pôle régional des savoirs. Figure luxueuse, il trône sur ce boulevard de l’Europe et crée un angle avec la rue St Julien. Il est cette arrière base majestueuse certes mais où est la diversité ? Où sont les autres patrimoines ?

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De la sophistication, rive gauche quartier st clément, Rouen, IPL, 2019

 

#sitespecific est indépendant, fruit de constats. Ses rencontres prennent des formes variées pour permettre un échange simple, offrir des possibilités, donner de la voix à une rive qu’on entend guère. Ce projet possède des valeurs. Elles résultent toutes d’un état d’esprit fair-play qui ne cherche pas le combat, n’évolue pas dans des sphères politiciennes. Il n’a pas d’image à soigner, de blason à redorer. L’image qu’il souhaite donner c’est celle de la restitution.

Que la modernité de la rive gauche soit vue, que sa capacité à vivre en dehors des clous soit comprise, qu’elle soit reçue comme un territoire vivant ni astreint au résidentiel ni à l’éloignement. C’est un espace qui, à force d’être mis dans l’oubli, se révèle être en mesure d’ être indépendant.

Les approches du projet parfois surprennent car il croit en la pertinence du terrain, en la proximité parce que cette rive, c’est elle qui l’a reçu, qui l’a invité hier à rester.

 

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Avenue Jean Jaurès une période sombre, Petit-Quevilly, rive gauche, juin 2019, IPL

 

 

Parler de ce qu’on connait non pas sur le papier, ni par le biais de recherche mais de ce qu’on pratique au quotidien, c’est cela, une parole citoyenne. Le projet n’investigue pas comme le ferait un porte parole, il produit à partir d’un construit. De ces endroits où il s’inscrit, il suit des traces, prend des chemins réflexifs mais il ne souhaite pas créer d’ascendance. Et curieusement c’est cela qui déroute. Comment être fédérateur ?

 

IL n’y a pas de solution miracle, mais il semble évident que nous portons des paroles oubliées. Que des espaces permissifs à ces échanges n’existent guère ou alors à nous de nous les (ré)approprier. Ce projet c’est tout d’abord une façon de reposer la question d’une visibilité non autorisée.

 

Les prochaines rencontres se produiront dans des lieux publics. Privilégiant les espaces verts parce que proche, gratuit, ouvert à tous. #sitespecific confirme que les prises de paroles se doivent d’être simplifiées en termes d’accès. Pas de locaux fermés, pas de bar/Café où il faut consommer, organisons-nous à partir de ces endroits, cadres que nous croisons au quotidien. Essentialiser nos entrevues en les leur donnant ce caractère courant s’avère décisif.

Par le passé, cette rive et ses remparts rouennais, comme nous aimons à les appeler, faisaient l’objet de carte postale.

 

Je ne sais pas si vous mesurez la fierté architecturale qui se dégage de cette vue prise depuis la tour de la sécurité sociale (Architecte Tougard). Cette merveille rouennaise d’où est offerte cette vue a fait l’objet d’un temps d’étude architectural lors du 1er rallye ‘Specific (29 juin 2019).

Le 1er article concernant le rallye vient de sortir: S’émanciper de son invisibilité

Isabelle Pompe pour #sitespecific, 02 juillet 2019.

Si la rive gauche était une femme

Aujourd’hui, 1er juillet 2019, c’est le lancement d’une 2 ème campagne de sensibilisation , après T’étais où, là ? Rive gauche, voici « Si la rive gauche était une femme » . Les #rivegauche et #sitespecific restent, vous pouvez leur ajouter #femmerivegauche.

La rive gauche nous apparait de plus en plus comme une femme au sens où elle est soumise à des critères esthétiques qui ne lui permettent pas, entre autres, d’être visible. A cela s’ajoute, le fait qu’elle semble, encore, être considérée comme un objet et non comme un sujet à part entière. De par les travaux d’aménagement, le renouvellement urbain et ses aberrations, nous pouvons affirmer que la stratégie de certaines collectivités de cet espace de référence reposent sur des logiques autoritaires où le pouvoir est centralisé. C’est en cela que l’objet est domestiqué.

 

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Rouen Rive Gauche Feat #sitespecific

 

Sous le coup de dominations diverses, la rive gauche semble ne pas être la candidate idéale car elle ne répondrait pas aux canons de la beauté imposés. Cet endroit dispose de formidables propositions, la tour Tougard, par exemple, est une merveille architecturale de 1955. La rive gauche est cette modernité brutaliste et controversée qui montre une autre vision historique de Rouen. Une autre vision de cette ville est possible mais les ressources exceptionnelles qu’elle représente ne sont pas activées.

 

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Tour Tougard Feat #sitespecific

 

Poursuivons avec les stéréotypes attendus. La rive gauche, par son pluralisme, ses paysages et ses visages est la parfaite disruptive. Elle défie tous jugements de valeur, souvenez-vous. Elle est cette femme indépendante.

 

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Rue de Trianon Feat #sitespecific

 

Elle incarne la fin d’un monde car les modèles dominants ne sont pas parvenus à faire d’elle ce qu’ils souhaitaient. Elle est ce refus ostensible et catégorique. Nous pourrions croire qu’elle a plié, qu’elle est « démodée », elle se moque de tout cela, bien trop occupée à briser les préceptes. Elle est cette friche, ne l’oubliez pas. Elle est cette matérialité devenue objet de convoitise, d’études et de projets.

 

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Roseraie de Grand-Quevilly Feat #sitespecific

 

La rive gauche est ce grand territoire aux passés, en partie, ouvriers qui a vu la domination s’exercer sur ses sols. Certes producteurs d’une économie et porteurs d’un développement, aujourd’hui, comme tout revers de médaille, ce passé et ce présent industriels semblent être les oubliés. La mémoire et les récits de vie de ses habitants peinent à franchir les seuils des portes familiales. Nous ne voyons pas, n’entendons pas.  Les visages sont effacés, les souvenirs non commémorés, les liens ne se tissent pas. Les gens vivent sans que leur attachement ne soit respecté, valorisé.

 

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Parc des Chartreux de Petit-Quevilly Feat #sitespecific

 

Cette rive si souvent jugée, ignorée parce qu’elle n’est pas synonyme d’attractivité, ne serait pas en mesure d’attirer. De quel modèle s’agit-il ? De quelle perception du territoire ? De quelles images ? De celles dont il faudrait qu’elle s’émancipe pour parvenir à être, à exister pleinement sans que ses populations ne soient réduites à de simples usagers, sans que ses paysages ne soient stigmatisés, sans que ses résidents ne soient ignorés.

 

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Jardin des Plantes de Rouen Rive Gauche Feat #sitespecific

 

Ces images proposent un regard miroir entre la rive gauche et la place de la femme dans les mondes de la culture et de l’art. Elles ont pour volonté de sensibiliser aux questions de la représentation. Ce que dit ce territoire « invisible » trouve un écho puissant avec ce que dit ce rapport, datant de 2018, sur les inégalités du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes 

Toutes ces conceptions ont été réalisées à partir des photographies d’ IPL.

Isabelle Pompe pour #sitespecific

 

S’émanciper de son invisibilité

#sitespecific est encore, à ce jour, porté par une femme. Ses propositions de rencontre précisent une féminisation de ses publics. En effet, lors du dernier évènement, à savoir le Rallye’ Specific’ #1, certains éléments, notamment statistiques, sont venus corréler ces impressions.

Petit retour en arrière quant à la fréquentation au regard des cibles touchées par la Terrasse’ Specific # 2 sachant toutefois que cette manifestation était co-organisée avec La Friche Lucien. Nous pouvons néanmoins constater que les femmes sont les premières à interagir.

Screenshot_2019-06-10 Terrasse ' Specific

 

Pour la Terrasse ‘Specific # 1, le public qui fit le déplacement fut féminin à 100%, pour la 2ème, le public fut composé de femme à hauteur de 80%. Les publics étaient tous rouennais. De ce fait la « rive gauche  » n’était pas représentée à sa juste valeur territoriale. Vous pouvez consulter l’article consacré aux retours de Terrasse’ Specific # 2

Puis, avec le rallye, certes nous avons du essuyer une météo peu encourageante du fait des 35° exceptionnels venus s’abattre sur Rouen, mais le public touché comme celui qui fit le déplacement restait féminin.

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Nous pouvons observer que la tranche d’âge est sensiblement différente pour les deux évènements, passant respectivement de 18-24 ans à 25-34 ans.

La photographie est-elle une pratique qui attire des publics plus âgés ? Ou était-ce le titre: « Un rallye-photo pour émanciper la rive gauche » ? Ou encore la localisation, Rouen rive gauche et son architecture ? Pas suffisamment joueuse, divertissante, disruptive pour séduire un public plus jeune ? Toujours est-il qu’il serait peut-être bon de se demander pourquoi les hommes ne sont pas sensibles à ces temps d’échange.

Nous pouvons tout d’abord nous enquérir de ce qu’il en est de la place des femmes dans la culture, en tant qu’artiste/Auteure/Porteuse de projet/Directrice de structure…

 

En photographie

 

Les pratiques culturelles des français ont été enquêtées par le DEPS (Le Département des études de la prospective et des statistiques) du Ministère de la Culture et par notamment  Olivier Donnat. Nous vous recommandons de prendre connaissance de la Synthèse de celle menée en 2008 qui concernait les pratiques culturelles et le numérique et de l’analyse de l’évolution pour la période 1973- 2008 Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales

Ceci nous a premièrement amené à réfléchir aux pratiques amateurs, en effet, le rallye se destine à cette typologie de publics, dans le sens où aucune expertise, savoir-faire ni matériels n’étaient exigés. De plus, aujourd’hui la photographie est fortement marquée par le numérique, à partir de l’objet lui-même, sa production et sa diffusion.

La photographie arrive en tête des pratiques amateurs. 70% des personnes enquêtées ont fait des photos en 2008 avec, pour 60% d’entre elles, des appareils photos numériques. Imaginons aujourd’hui…Les publics sont donc importants, ce qui nous amène à désigner cette pratique comme étant populaire.

« Le digital a cassé les barrières à l’entrée du monde de la photo de qualité. En se rapprochant des standards professionnels, les appareils grand public ou les smartphones soulagent le photographe de nombreux problèmes techniques. Chacun peut devenir photographe !  » selon Bjoern Hirschbe ( marketing IBM) Source

  • Le matériel et les réseaux sociaux ont changé la donne

« Avec le développement d’Internet et des réseaux sociaux, qui sont des univers très visuels, le nombre de photos en circulation n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, le meilleur appareil est celui que l’on a sur soi, souvent son Smartphone qui possède un software photographique supérieur à la qualité de l’objectif. Si le matériel est trop lourd, il reste souvent à la maison… « Bjoern Hirschbe ( marketing IBM) Source

  • La féminisation
  • Changement ou permanence dans les pratiques culturelles ?

Malgré ce constat, les éléments produits par le DEPS permettent de mettre en évidence que c’est bien la « continuité qui l’emporte sur le changement« . Si vous n’êtes que peu sensibles à la photographie comme « forme d’expression » et comme pratique, peut-être cela signifie que vous ne vous sentirez donc pas concernés par des propositions émanant de ce medium.

  • Individualisme contemporain

Le rallye est la constitution d’un groupe élaboré à partir de personnes qui se connaissent, ou peu voire pas.

Situer pour permettre une analyse qui tient compte des paramètres territoriaux, tant par l’inégalité de représentation que par celle de l’offre, est effectivement une précision à prendre en compte. La rive gauche rouennaise incarne ce constat. De plus, l’offre culturelle est-elle en connexion avec sa population extra locale que cela soit dans la diversification de ses publics ou encore dans le déplacement de ces derniers ? Comment construit-on une programmation cultuelle sur un territoire social ? Ces questions, le projet #sitespecific se les ai posées.

La photographie est un axe premier afin d’apposer les images de cette rive comme des éléments singuliers: la rive gauche en tant qu’espace de référence existe, en voici la preuve. Ce territoire possède des visages que vous ne lui connaissez pas.

 

La rive gauche se doit de s’ émanciper de son invisibilité.  

 

Une rive est un nom féminin. S’émanciper c’est aussi une façon de ne plus être absente, de sortir des canons de la beauté imposés par la rive droite. Une manière de signifier les différences comme autant de sources dignes, de se libérer d’une soumission, d’un regard qui pourraient préfigurer celui des hommes. Oui, les femmes sont stéréotypées, soumises à des normes de beauté au même titre que le sont nos rives.

  • Arrêtons-nous un instant sur cette notion d’image afin de poursuivre cette réflexion miroir. Faisons un bref aller et retour vers les femmes et cette question de la représentation (image) dans l’audiovisuel français:

 

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Capture d’écran Source

 

Pensez-vous concrètement que ces représentations soient respectueuses des diversités ? La réponse est non.Voyez-vous, dans cette analyse, un point commun entre les femmes et les deux rives qui nous occupent ?

Les populations de la rive gauche sont l’opposé de ce modèle d’images dans le sens où la rive gauche est un territoire pluriel, diversifié, pauvre en majorité. La couleur de peau, la jeunesse, la minceur et la blondeur ne sont pas sans rappeler les marqueurs sociaux proches des caractéristiques dits « bourgeois » et/Ou « dominants » qui seraient davantage présents rive droite et qui surtout symbolisent une définition sectaire, raciste de ce qui doit être beau, vu et donc, de ce qui doit être rendu visible. Vous ne voyez toujours pas de lien entre nos deux rives ? La belle et la…

Les femmes et leur enfermement dans des rôles sociaux limités pourraient être comparées à ce que subit la rive gauche en termes de considération à savoir le fait d’être davantage un objet qu’un sujet. Les deux rives ne reçoivent pas les mêmes égards, les mêmes traitements. Ces rapprochements nous ont convié à nous demander si la banalisation de la violence faite aux femmes ne pouvaient pas trouver un écho dans la banalisation de la violence faite aux territoires sociaux en particulier.

Les principes d’exclusion à caractère sociaux, ethniques pourraient être abordés, lors de notre rencontre prévue en septembre/octobre de cette année, sous cet angle: Et si la rive gauche était une femme? 

Alors voilà, comment et à partir de quoi s’est ancré ce medium photographique: pour parer à ce délire d’images proposées en masse par les photographes locaux et autres institutions. Des photographies non soucieuses de respecter les diversités d’un territoire au point de les annuler, de les laisser chavirer dans une invisibilité opaque. Contrer cette suprématie via les espaces numériques et, ce, grâce au digital pour innover, par l’image, et ne jamais cesser de penser « en regard », voici les postulats du projet #sitespecific.

  • Le rallye en tant que forme

Se divertir, se promener, découvrir, discuter, s’autoriser un temps, véritable ballade urbaine, un rallye -photo c’est aussi l’occasion de reprendre le temps de regarder.

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Les silhouettes rive gauche, par Cécile Lenormant

 

Les participantes, qui ont bravé la canicule, se sont prêtées au jeu de la redécouverte architecturale de cette rive. Elles connaissaient, par ailleurs, ce territoire mais pas ces propositions de cadres, de bâtiments. Le rallye se déroulait comme un circuit qui, en raison des conditions météo, a été réadapté. Le sujet ? L’architecture du XX et XXI ème siècle, le titre ? Un rallye-photo pour émanciper la rive gauche.

 

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Dans ton dos, Tour Tougard, Joëlle Petit

 

L’architecture pouvait être comprise comme paysages architecturaux, scènes, le visage comme paysage, les gens comme structures architecturales…Comment photographier un building ? Comment montrer les jeux d’échelle, comment jouer avec la lumière, comment restituer, donner la parole, créer les conditions du passage du visible à l’invisible ?

 

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Remettre les pendules à l’heure, Tour Tougard, IPL

 

La tour Tougard faisait partie du circuit, 1ère dame de béton visitée, elle n’en demeure pas moins incontournable à Rouen. Fruit d’une architecture moderne, voire brutaliste, elle est le 1er Gratte ciel rouennais. Érigée en 1955 elle est une des « filles » de l’architecte Tougard. Plusieurs vies lui ont été consacrées, tour de la sécurité sociale puis tour des l’école des Douanes, elle accueille aujourd’hui une résidence étudiants.

Rendre visible est-ce rendre grâce ?  Et cette architecture en question sur quel territoire s’inscrit-elle ?  Comment apporter de la féminité à cette architecture à dominance phallique ? Qu’es-ce que la verticalité, l’horizontalité ?

 

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S’émanciper c’est décadrer, par Cécile Lenormant

 

Apporter à cette émancipation, une réflexion sur la notion de personnage, de place, est apparue importante. N’oublions pas que le territoire d’inscription de cette architecture avant d’être administratif est surtout social. Beaucoup de pauvreté, de bâtiments n’offrant pas les qualités qu’exigeraient une certaine dignité.

 

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Cadre social visité, Cécile Lenormant

 

A suivre, un article consacré aux images produites ainsi qu’aux explications et autres tentatives photographiques de ce rallye ‘Specific dans son 1er tome!

Isabelle Pompe pour #sitespecific

 

 

 

L’Armada, XXL Versus humilité ?

#sitespecific s’offre des postes d’observation locaux d’où il peut écouter, regarder, analyser, en résumé, prêter attention à ce qui se fait, se raconte et comment. Le samedi 15 juin 2019, il est allé accorder son temps et son esprit critique à une manifestation dont il entend parler depuis qu’il est arrivé à Rouen rive gauche, en 2014, à savoir l’Armada dans 7ème édition.

A l’aune de quoi peut-on définir cette « Armada de Rouen » ? Un grand rassemblement, une manifestation, un évènement, oui mais est-elle culturelle? Touristique? Populaire ? Les trois ? Est-ce une foire? En espagnol, Armada signifie « marine de guerre ».

A partir de quoi peut-on désigner, « spécifier » ? Des partenaires, des publics, des invités (les bateaux, les locataires d’espaces), des espaces (privés/publics- marchands/ mixtes), de l’occupation du territoire (où et comment)? Et peut-on préciser de quel type ? Et à quoi cela sert-il ? En fait, ce samedi 15 juin fera office de prélèvement. Qui, quoi, où et comment sont donc intégrés à ce fragment dont voici les détails.

Avant de davantage nous prononcer, sachez que nous avons opté, majoritairement, pour un traitement noir et blanc des photos prises ce jour là, plus en phase avec la météo et plus proche du projet et son haro sur le gigantisme. #sitespecific est à taille humaine, à hauteur « d’hommes », tranquillisons donc nos rapports avec l’humilité.

 

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Des hauts diversifiés, Armada 2019, IPL

Un bruit qui court

Avant d’avoir les images, avant même de connaître l’existence des chantiers navals de Normandie (de 1894 à 1986) installés à Grand-Quevilly, nous avons pu distinguer qu’il se tramait ici, une page maritime « majeure ». Assurément, l’Armada semble avoir coiffé au poteau toutes les odyssées flottantes du coin. Nous distinguerons les modes opératoires communicationnels et promotionnels de l’outil protéiforme qu’est l’Armada plus en aval de l’article.

L’année 2019 est l’expression de sa 7ème édition. Cette dernière prend une vie effective le 6 juin 2019 et s’arrêtera, en vrai, le 16 juin. Nous connaissons tous la relativité de la notion temporelle lorsqu’il s’agit de mettre tout le monde à l’unisson. L’évènement démarre sa vie fictive un an plus tôt minimum et prendra fin, qui sait quand ?

  • Armada renvoie à « grand nombre de personnes ou de choses ». L’Armada s’ancre à Rouen depuis Jean Lecanuet. Cette fête maritime telle qu’elle se définit ou encore ce grand rassemblement de voiliers voit le jour, la 1ère fois, en 1989 (bicentenaire de la révolution française).

 

Majeur trop majeur ?

L’Armada est un mètre étalon qui vient rythmer l’année 2019 rouennaise dans son intégralité. Une hyper focalisation intentionnelle qui signe le début et la fin de l’année avec elle. Que reste-t’il à l’année 2019 ? Que reste-t’il à Rouen comme énergies, projets et possibilités ?

L’évènement majeur est par définition « dangereux » dans le sens où comme pour toute mastodonte, le monde, les enjeux, les regards…Se portent tous au même endroit et sur la même période. Il uniformise, en conséquence, les actions et programmations, écrase, empêche et hiérarchise. Lui est majeur, le reste est mineur par définition voire ordinaire de toute façon. Majeur c’est l’imaginaire de l’exceptionnel, le fantasme du Grand, le miroir déformant capital et premier. L’évènement maître donne le La, figure le primordial, incarne le principal. Nous sommes, vous l’aurez compris, loin d’une mémoire collective, l’essentiel vient annuler le pluriel, le Un vient chasser le commun. Pourtant l’Armada c’est aussi un fort succès populaire, les gens sont venus en très grand nombre. Toutefois, ce n’est pas à l’aune de ceci que nous étudierons l’approche des publics.

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Le Majeur insulaire, Armada 2019, IPL

  • Lui, c’est un lieu également, là où les gens se déplacent, irriguent, un point de convergence, un point de mire où l’on se plait à se voir plus grand que nous ne sommes ou plus importants. Ces grandes manifestations sont source de liesse, de fierté. Nous lisions hier, Frédéric Sanchez (Président de la Métropole), s’exprimer en ces termes: « Pour l’Armada 2019, on met le paquet ». Source

La Métropole Rouen Normandie, premier partenaire financier de l’Armada, souhaite s’engager pleinement dans l’évènement. Objectif : faire rayonner notre territoire en France et à l’étranger. Nous avons pu mesurer un problème identifié dont souffre la ville de Rouen et son agglomération, elle n’est pas connue, mal connue. Peu de gens situent la ville, elle est parfois confondue avec le Havre. Depuis ce point de départ très « technique », il faut tenter d’imaginer le chemin à parcourir pour « rayonner ». Verbe que vous pouvez associer, selon votre état du moment, à briller, étinceler, flamboyer…

#sitespecific ne provoque personne mais l’objectif paraît tellement « démesuré »..Et puis luire pourquoi faire ? Pour se répandre, s’étendre, non c’est pour attirer les capitaux extérieurs, les investisseurs car l’image de Rouen n’est visiblement pas la « bonne ». Elle n’irradie pas de toute part. « La compétition entre les territoires se fait lors des évènements de ce type. Les touristes de l’Armada seront peut-être demain nos visiteurs, nos habitants et nos investisseurs. » Ce qu’il serait bon de redire c’est que sur ce territoire élargi qu’est la Normandie, la concurrence fait partie intégrante du décor: une pièce, trois villes pour un seul personnage principal. Qui sera sacrifiée sur l’autel ?

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Capture d’écran- Source

La Métropole Rouen Normandie est intéressante au regard de son incarnation de leader territorial. Elle existe, rappelez-vous les lois des récentes réformes territoriales, pour simplifier le paysage, mutualiser, renforcer les territoires…Pour nous, ici, elle est aurait pu être une aubaine, Rouen et son agglo enfin pacifiée aurait resplendi, rassembler pour se renforcer, mutualiser pour mieux valoriser, communiquer, cela semblait si réjouissant sur le papier. Sauf que les incidences profondes majoritairement politiciennes sont ressenties même par la population. La Métropole ne nous éclaire pas mais nous disperse. Elle s’est servi des 71 communes qui la constitue pour s’arroger la stature de Métropole mais nous sommes très loin du compte au regard de son fameux rayonnement et de son dimensionnement européen. Cet espace de référence n’est que le rassemblement de 500 000 citoyens habitants par le truchement d’un récit fictif.

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Capture d’écran Source

Si ce n’était que cela, le fait d’être connecté ne nous sortira pas de l’enlisement dans lequel nous sommes si de profondes modifications de posture identitaire, de la part de ceux qui incarnent ce projet métropolitain, ne sont pas impulsées. Ce territoire souffrira longtemps de ses ressources en dormance, de ses initiatives avortées voire peu soutenues. Les habitants sont la raison d’existence de cette métropole, pourquoi ne seraient-ils pas sa raison d’être ? Construisez avec les citoyens habitants présents et non pour ceux que vous souhaitez accueillir demain, repensez avec nous, écoutez ce que le territoire humain vous dit, entendez le.

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A Perdre de vue l’humain, Armada 2019, IPL

Les raisons de l’existence et l’accueil de cette édition 2019, soit six ans après la dernière, tiennent aussi au fait que des chantiers ont vu le jour. L’Armada c’est aussi une horloge, un phénomène de pression tant les enjeux et attentes sont immenses.

 

Chantiers et attractivité

Tous en même temps ou presque, sont par ailleurs de différentes natures et impactent naturellement une population diversifiée. « Des chantiers curatifs, d’accompagnement et d’attractivité » : parmi les chantiers en cours ou à venir, le président de l’agglo rouennaise fait la distinction entre trois types : ceux qui sont de l’ordre du curatif, et dont l’agenda s’impose (trémie et pont Boieldieu, côte de Canteleu) ; les chantiers d’accompagnement, engagés par d’autres collectivités au sein desquels la Métropole participe (parvis de la gare, accès sud au pont Flaubert) ; et enfin, ceux qui ont trait à l’attractivité du territoire (Cœur de Métropole, ligne de bus T4, éco-quartier Flaubert). Source

« Notre territoire est en pleine mutation pour cette 30ème Armada. Nous avons rénové le parvis de la gare, le centre-ville, les quais de Seine et dans quelques semaines nous allons inaugurer la nouvelle ligne de Téor T4  » Frédéric Sanchez Source.

Il ne s’agit pas de la 30 ème Armada, force est de constater, là encore, que les jeux de langage sont monnaie courante mais non, la 1ère Armada a eu lieu en 1989 et depuis se sont produites 5 Armada (94, 99, 2003, 08, 13). Il est bien question de la 7ème seulement et du 30ème anniversaire de la 1ère!

Les travaux, nous en avons mangé, bu, subi, nous n’en pouvions plus, voitures, piétons, vélos, usagers du métro, habitants de quartier, employés, touristes…Trop, c’était trop. Et lorsque nous nous sommes mis dans l’obligation de relire les propos du président de la Métropole, nous avions déjà compris que tout cela c’était pour ça mais la « mutation », les « rénovations », le « renouvellement urbain » nous sont apparus comme imposés. La faute à l’Armada ? « 3 millions d’euros de budget dont 1 million en subvention pour l’association », voici l’apport métropolitain comme 1er partenaire. Ceci reflète surtout un certain type de management, le pyramidal (le modèle d’organisation traditionnel), très loin de la gouvernance, des notions de parties prenantes et du transversal car la métropole s’incarne comme celle qui considère ses habitants comme des usagers et non comme des citoyens. Ce pourquoi, les travaux d’embellissement, les « améliorations », les destructions…Ont leurs raisons consternantes, parfois, d’être. l’Armada est XXL comme l’est le Panorama (décrié dès son arrivée sur les quais), au point de sourire, lorsque nous entendons Frédéric Sanchez parler de pragmatisme au regard des attentes des investisseurs qu’il a reçu lors de RDV au siège de la Métropole.

  • Pragmatisme ? Doctrine qui prend pour critère de vérité le fait de fonctionner réellement, de réussir pratiquement.
  • Attitude de quelqu’un qui s’adapte à toute situation, qui est orienté vers l’action pratique.

 

Créer des centralités fortes

« Devenue métropole en 2015, Rouen (Seine-Maritime) a une place à prendre au sein de la hiérarchie des autres grandes villes françaises. Mais a-t-elle su saisir sa chance ? Dans la compétition qui existe, de fait, entre les territoires, Rouen met-elle tous les atouts de son côté ? Peut-elle s’imposer comme une métropole incontournable ? Si les acteurs et observateurs de la Métropole Rouen Normandie semblent s’accorder sur le diagnostic, l’origine des symptômes et le traitement approprié suscitent pour leur part des divergences. » Source

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Capture d’écran- Source

« Rayonner » suggère une figure concentrique, centrale d’où se propagent les rayons en question. Alors, la création de ce « temple » a vu le jour techniquement, symboliquement, logiquement, tout à côté de la Métropole et de ses équipements culturels comme le 106 et le 107 (Centre d’art Contemporain).

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Tant qu’il y aura la Seine, Armada 2019, IPL

La Seine est, à elle seule, un instrument de mesure pour tenter d’y voir plus clair entre Rouen et son rapport au fleuve. Combien d’investissement ont été réalisés ? La date de concrétisation des travaux sur les quais ? 2015. En 2010, les propositions formulées avaient été rejetées au motif que les quais n’étaient pas un espace suffisamment concentrique donc attractif.

Screenshot_2019-06-17 Dans la compétition des métropoles, Rouen peut-elle s'imposer (2).png

  • l’Armada c’est la création d’une nouvelle centralité. Elle est la double erreur car elle fait suite au centre-ville historique de Rouen et son hyper focalisation qui ne permet plus de créer de distinction. Ce qui nous amènera ensuite à poser ce leitmotiv’ « Rouen, le centre du monde » visible partout, dans nos rues.
  • A cette illustration centrale placée « au cœur » de la Seine, nous avons ressenti la curieuse impression d’assister à un pèlerinage, rythmé, scindé en horaires et créateurs d’habitudes (feux d’artifice chaque soir). Dix jours et soirs ritualisés pouvant avoir les traits, la forme d’une messe, d’un cérémonial. Étions-nous tous conviés ?

 

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Tirer un trait, Armada 2019, IPL

Avant de nous diriger vers la problématique des publics touchés, venus et/ou ciblés par cette manifestation, pouvons-nous examiner la présence des bateaux plus en détail ? Certains ont retenu notre attention, il s’agit de onze bateaux « gris », militaires où était inscrit : « Affaires maritimes ». A la liesse quasi générale s’ajoutait la fierté militaire normande. Le Thémis (PM 41), patrouilleur hauturier de la Direction des affaires maritimes basé au port de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) accompagné par des bâtiments militaires anglais, canadien et hollandais notamment étaient donc présents. Sous pavillon Français, on comptera aussi le Pluvier, un autre patrouilleur également construit aux chantiers navals de Cherbourg mais basé à Brest, ainsi que le Jacques Houdart Fourmentin patrouilleur garde-côtes du service des douanes affecté au secteur Manche et mer du Nord.Source 

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Quand les affaires sont maritimes, Armada 2019, IPL

A centralité répond verticalité ?

Nous nous sommes rendus sur le site accompagnés par une personne étrangère au projet, ne résidant pas sur notre territoire, elle s’est jointe à nous pour cette expérience humaine afin de participer à ces espaces depuis ses perceptions, impressions, requêtes et remarques.

Dès notre arrivée sur les quais bas rive gauche, nous prenons la mesure que tous, nous allons dans la même direction, dans le même sens ou presque. Peu d’affichages voire pas d’affichage qui auraient pu nous renseigner sur le durée de l’attente estimée, sur les files elles-même. Nous levons la tête et apercevons une banderole métropolitaine mais rien de ce qui nous attend n’est actualisé. Nous allons tous nous cogner à ce mur humain de la file d’attente, à cet entonnoir sans que des files soient distinctement dessinées, aménagées pour parer de manière efficace à la gestion des flux. En chiffre, histoire de vous situer, l’Armada et sa dernière édition c’est :

Screenshot_2019-06-17 L’Armada 2019 en chiffres - Rouen Bouge.png

Vous le saisissez très certainement, les évènement touristiques, culturels sont trop traduits et analysés depuis leurs chiffres, d’ailleurs, l’attente se fait sentir pour celui de la fréquentation de l’Armada (annoncée 1/3 supérieure à son édition 2013…) Passons… Et la place de l’humain dans tous ces chiffres ? Sa satisfaction, son confort, ses impressions ? Qu’en fait-on ? Nous aurions beaucoup aimé qu’une équipe de chercheurs de l’université de Rouen se penchent sur cette « chose » Armada, cet XXL afin de réaliser un travail de terrain à partir d’enquêtes quantitatives (questionnaire) et qualitatives (entretiens)!

Nous, les publics

Avec notre travail in-situ de testeurs/spectateurs, nous pouvons d’ores et déjà avancer que les différentes scènes, plans qui étaient donnés à être vécus, à être vus, faisaient état de :

  1. Un manque d’information une fois sur les quais s’est fait sentir: nous attendions quoi et où devions-nous nous placer ? Créant ainsi un sentiment de compétition entre nous comme celui des caisses de supermarché avec « qui va plus vite? »
  2. Des personnes, sans tact aucun, doublent, s’agacent. Nous restons dans une file en nous interrogeant sur ce flux qui n’a aucun sens et qui est illégal dans sa façon de procéder due à un défaut de parité dans les services de sécurité. Une fouille au corps étant introduite dans le processus de tri au checkpoint sauf que seule une femme est en mesure de fouiller une femme.
  3. Enfin, une femme chargée de la sécurité précise que pour les femmes c’est par là, celles autour de nous regardent nous diriger dans le « bon sens » mais visiblement ne comprennent pas. Parlent-elles français ? Cette information ne sera pas traduite.
  4. Un sentiment particulier s’installe peu à peu, nous nous réjouissons d’avoir mangé en dehors car hormis les carrés VIP et autres terrasses labellisées « New-York » vides, les espaces populaires sont, eux, pris d’assaut au point que les gens mangent assis sur n’importe quoi.
  5. La place du vertical nous assiège dès le début, haut les yeux, lever la tête mais aucun banc ni autre installation n’est mis à la disposition des visiteurs afin de prendre le temps de regarder les scènes dans leur horizontalité cette fois, debout à attendre et debout encore et encore sera notre lot éprouvant jusqu’à notre sortie définitive.
  6. Nous sommes très nombreux, dans un balai incessant, les gens hagards, ahuris, perdus, épinglent des visages perplexes, fatigués. Le personnel des bateaux semblent dans le même état.
les gens sens

Les gens, Armada devant le 106, IPL

 

  1. Nous passons devant une installation centrale (devant le 107 et le siège de la Métropole). Plutôt bien réussie ce mur pour coloriage à notre gauche par contre nous restons dubitatifs quant à l’offre de droite pour les enfants et adultes située sur la Seine.
  2. Le camping ne met pas en avant d’informations suffisamment claires pour que nous mesurions sa pertinence.
  3. Le 107 ne nous a pas donné envie de rentrer de manière spontanée. Deux raisons à cela: 1/ Trop de vitres qui engendrent un sentiment d’enfermement. 2/ Le nom d’une banque juste au dessus comme si des bureaux bancaires avaient atterri là.
  4. Nous sommes sur place sans plan, sans programme afin de tester les outils communicationnels mis à disposition sur site.
  5. Ils nous paraissent, pour la plupart, être rédigé en français. Mais il ne s’agissait pas d’un « rayonnement » à l’étranger tout à l’heure ?
  6.   Nous sommes au pied du pont Flaubert, n’ayant aucune visibilité sur ce qu’il y a ensuite, nous hésitons à poursuivre, nous constatons, le long, la présence de boutiques, et étonnamment, nous avons croisé un stand de la marque Tesla. Nous restons un temps circonspects: un évènement « populaire » et des carrés VIP, des terrasses couvertes pour des services de restauration coûteux, Tesla (la marque touche, en majeure partie, une clientèle aisée)… Mais quelles sont les cibles ? De surcroît, la place centrale allouée aux espaces pour se restaurer n’est pas en mesure d’accueillir la typologie des publics du samedi: très nombreux, familiales et soucieux de leurs budgets.
  7. La verticalité nous éprouve, alors nous décidons d’emprunter les marches du pont Flaubert, nous nous apercevons qu’un sens de circulation nous oblige à prendre tous le même escalier.
  8. Les ascenseurs, non adaptés de par leur taille, laissent attendre de nombreuses personnes avec des poussettes ou d’autres à mobilité réduite…Au point que certains portent leur poussette pour tenter l’ascension.
  9. Le pont et ses coursives peu larges mais opérationnelles facilitent notre cadence. Puis nous redescendons pour nous « amarrer » quai bas rive droite. Nous épinglons un stand de la marque Range Rover et ses tarifs salés: Le SUV Evoque coûte environ 40 000 €. Quel rapport ? Si seulement cette Armada avait pu être le moment pour aborder le transport fluvial comme alternative au transport routier…
  10. La vue saturée et la fatigue sont plus que présents et nous éprouvons la ferme envie de nous asseoir. Oui, mais où ?
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XXL versus humanité, Armada, IPL

En fait, après avoir tenter de rester concentrés, debout durant plus de deux heures, nous cherchons en vain à fuir, ne serait-ce qu’un instant ce flux. Oui, mais voilà que la pluie fait son entrée, alors, un lieu d’où s’échappe une petite forme musicale en live, nous tend ses bâches. Tous, nous y retrouvons… Nous sommes bientôt les uns sur les autres non pas pour profiter du concert mais bien pour se mettre à l’abri. De là, au milieu d’œuvres d’art installées tout près de comptoirs aux goodies, nous penchons une tête emplie de compassion pour cette architecture oubliée qu’est le Chai à vin, nous déplorons, une grande scène et le reste en plein air et ce qu’il reste du hangar 23.

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Le Chai, un site specific, Armada 2019, IPL

Poursuivons cet éreintant voyage de samedi pourtant au début de son après-midi, vient la question des toilettes. Il faudra compter sur 0, 50 centimes d’euro l’accès! Nous sommes agacés. Pour les gens, qu’est-ce qui est plus simple d’aller au toilettes et payer cette somme ou uriner contre les arbres ? Les visiteurs sont majoritairement composés de familles, de couples (amants/amis), les personnes seules ne sont pas en reste. Les tranches d’âge représentées sont larges (allant de la toute petite enfance – Poussette) aux retraités (3ème et 4ème âge).

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La typologie de publics de l’Armada présente le samedi 15 juin 2019, IPL

Nous découvrons ensuite les coursives, les gens qui mangent sur du béton, des moellons, c’est « wild », « roots » tout ce qu’on veut mais c’est surtout déplorable de voir des gens assis par terre dans un cadre aussi peu ragoutant. Pourquoi les arrières des quais rive droites n’ont pas été (davantage) aménagés ? Cela nous parait invraisemblable d’assister à des scènes aussi peu respectueuses des visiteurs. Est-ce au motif de la gratuité ? Faites payer les spectateurs 2 € mais offrez-leur de la dignité dans vos services.

Le personnel n’est pas en reste niveau traitement, nous croisons des jeunes gens en train de dévorer un sandwich par terre, à l’abri, toujours et encore, les gens sont assis sur des trottoirs, des barres pour vélo, se prennent en photo et cela nous touche qu’ils ne soient pas plus « aimés que cela. » Et c’est avec la considération de ces annotations que nous nous rendons compte que cette manifestation XXL est bien loin de satisfaire ses publics et ne peut porter le nom d' »évènement fédérateur » voire populaire.

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L’Armada et ses coursives tristes, juin 2019, IPL

Nous prolongeons encore notre visite. Sans le faire exprès, les moments pénibles reprennent le dessus, le flux certes mais la sortie, au pied du pont Flaubert, est la seule issue qui fait office d’échappatoire. Avant de nous y rendre, nous passons devant les bateaux militaires, restons conscients que plus rien n’est grave, quoi que et puis, nous croisons des marins, seuls ou en groupe qui affichent une profonde désespérance. Ils en ont marre. Comme nous les comprenons. Toutefois, nous partons, à la recherche de ces visages afin de mesurer l’écart en distance qui leur est nécessaire pour décompresser du site. Ils sont publics, comme nous.

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Les marins sur le départ, Armada 2019, IPL

De là, où nous sortons, nous mesurons le peu de place accordé aux vélos, pas de parkings présents. la traversée en direction de Docks 76 s’opère, nous restons persuadés que nous trouverons de quoi nous asseoir et boire un café avec une vue un peu dégagée. Erreur, la queue aux toilettes est longue et ils sont payants également, de plus le moindre espace libre à l’intérieur du centre est pris d’assaut par nos marins et notre personnel de l’Armada (à en juger par leur badge). Mais, là où nous nous arrêtons dans nos réflexions c’est sur la présence des marins, au pied de l’affichette: « Rouen, centre du monde ». Ils sont en poste, semble-t-il ? Euh…Les pauvres. Alors que nous parvenons à nous poser, nous faisons l’expérience d’un centre bondé par des gens venus s’asseoir. Les offres de petite restauration ne désemplissent pas. Heureusement que les DOCKS 76 sont là pour pallier cette demande insatisfaite par l’Armada elle-même. Il est 15H30. Nous nous sommes plus ou moins remis et nous repartons visiter cette fois le quartier afin de voir jusqu’où les publics de l’Armada s’étirent. Nous croisons quelques marins venus manger seuls, isolés, au milieu des bas d’immeubles. Nous continuons et les parkings (qui ne nous avaient pas concerné jusque là) font leur apparition: 3,50 €/ l’heure. Les visiteurs improvisent naturellement leur stationnement sur les contre allées, l’herbe…Nous partons en direction de la préfecture, nous détendre encore un peu et profiter des rayons de soleil et de la vue dégagée qui nous sera promise. Bien sûr avant d’arriver à bon port nous n’avons cessé de croiser les verticalités des mats pour chaque rue parallèle, un spectacle, en soi, joli.

Vue depuis la prefecture, Armada IPL.jpg

Depuis la préfecture, le Dôme du tonnerre, H20 et un bateau, Armada, IPL

Vous le voyez bien à droite, la grande architecture arrondie, le dôme du tonnerre comme nous aimons le surnommer non sans ironie, et bien il est une des raisons invoquées pour ne pas accueillir un autre bateau. Par manque de place sur les quais, la faute au Panorama XXL, l’Aquarius ne fut pas autorisé à accoster…

L’Armada, les coulisses

  • L’aquarius

Un bateau a sauvé l’honneur de l’Europe en recueillant plus de 30 000 naufragés, c’est l’Aquarius. Affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l’association SOS méditerranée, le bateau est ensuite immobilisé pour des raisons administratives et judiciaires.  Source

« L’Armada, manifestation populaire et fête maritime réunissant des citoyens du monde entier se doit d’accueillir l’Aquarius afin de lui rendre l’hommage qu’il mérite, un hommage humaniste et fraternel.« Source

Faute de pavillon c’est la fin d’activité du bateau, alors des associations, au nombre de 27, se lancent dans le projet solidaire et généreux de proposer l’ accueil de ce dernier pour l’Armada.

  • Un extrait du Communiqué de presse du 24 avril 2019:

« Des représentants du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU ont annoncé mardi 23 avril 2019 le naufrage d’un chalutier dimanche dernier au large de la Libye faisant 800 morts. Ce chiffre macabre ne cesse d’augmenter, malheureusement dans l’indifférence de nos gouvernants. »Source

En marge des quais bondés de l’Armada de Rouen, ils sont une petite dizaine d’associations humanitaires (Amnesty International, ATD Quart Monde, Emmaüs, Médecin du Monde, …) à se rassembler, vendredi 14 juin, pour interroger l’organisation de l’événement : où est l’Aquarius ?

« Cela aurait été avec plaisir mais nous n’avons plus de place. Cela fait 5 ans que l’on place les bateaux invités à l’Armada. Cette demande arrive trop tard. Nous avons du aussi refuser le multicoque de François Gabart  » explique le président de l’Armada, Patrick Herr.

  • Peut-alors observer un évènement à l’aune des éléments de réponse formulés par sa présidence ?

Pour reprendre les propos de Bertrand Rouzies pour Médiapart et son article du 8 février 2019 « le signal de ce refus est désastreux ». L’exemplarité telle qu’elle est précisée pour les services rendus en mer, aurait pu trouver sa « place » au sein de la grande manifestation.

 » Une fête « populaire » et « gratuite » (le visiteur est le produit) qui, au-delà des retombées commerciales escomptées, se présente comme « l’événement fédérateur de l’axe Seine » . L’Armada se serait ainsi autorisée une représentation plus humble. L’humain face à cet XXL, à ce monumental à l’instar de la mer, est bien frêle. Justement, la vulnérabilité de l’Homme est sans cesse questionné au sein de cet élément naturel. Alors, la demande était légitime, en effet, de nous rappeler et, ce, d’une manière victorieuse, puisqu’il s’agissait ici d’accueillir un bateau symbolique pour son assistance, que la mer est une territoire de droits.

  • Les messages retenus

Avec les raccourcis, vous retiendrez « pas de place pour le droit des hommes », « pas de place pour les mains faibles ». Vous ajouterez l’accueil de la « fierté militaire » et ferez vos associations d’idées. C’est avec cela que chacun nous construisons notre « tout », c’est-à-dire, ici, notre expérience de visite. Vous l’aurez saisi, nous étions un brin contrariés. Nous avons fait l’apprentissage d’un défaut de synergies entre les publics, venus certes nombreux mais, il nous faudra le scander au besoin : « ce n’est pas à l’aune des chiffres de fréquentation qu’une manifestation se comprend ».

  • Les erreurs d’appréciation

L’Armada n’en était pas à son coup d’essai, de surcroît comment peut-on concevoir une telle campagne de communication et ne pas être à la hauteur d’un point de vue logistique ? En effet, les espaces n’étaient pas réfléchis pour s’adapter à ce flux de visiteurs, ni en termes de capacité ni au regard de ses offres. Cet évènement est aussi une vitrine pour attirer, pour aider à l’identification. Le problème de ce type de « produit » c’est l’effet miroir. Attirer qui ? Changer quoi ? L’Armada avait pour objectif, entre autres, d’infirmer le repli de Rouen, d’attester par la preuve que Rouen c’est…Quoi ? Grand, dynamique, à même de concurrencer qui ? Si pour nous, cela fut un test, il en a été de même pour ceux qui sont venus prendre une dose, une ration imagée de ce territoire. Cette narration qui leur fut contée a-t-elle suffit à prouver, à démontrer que Rouen c’est… Oui, c’est cela aussi le problème, Rouen c’est quoi ? C’est qui, le savez-vous seulement ? Les attitudes politiques en termes de valorisation territoriale sont très éloignées des habitants, rappelez-vous en, l’idée fondatrice de la Métropole c’est d’attirer des capitaux extérieurs, de jouer la carte de l’extériorité, pas vous ni nous mais ceux qui pourraient venir, ceux qui vont venir! Le postulat comporte sa dosette d’indifférence voire de mépris pour ceux qui résident et « font » cette aire urbaine.

  • Pragmatisme

Face aux interlocuteurs « pragmatiques », la présidence de la Métropole Rouen a tenté toutes les voies navigables ou non de la séduction avec cela comme toile de fond: « Rouen, c’est bien pour investir, Rouen attire du monde, Rouen c’est la Seine, Rouen c’est …Etc…

Nous pouvons répéter que les conditions d’accueil et les offres de services n’étaient pas en mesure de satisfaire une diversité de publics. De plus, les choix stratégiques effectués en matière de présentation/représentation, de commercialisation ne permettent pas de créer quelque centralité que ce soit. A ce titre, la notion de « centre », par définition, galvanise certes mais ne permet pas la mise en place d’une tentative de reconquête des territoires annexes.Alors que tout centre tend à s’étirer pour affirmer sa puissance. Là, n’est pas la question. Oui, mais la Métropole Rouen Normandie c’est Rouen et 70 communes. Partant du principe que sans les 70 communes et Rouen, la Métropole n’existerait pas, en quoi, Rouen vendue comme une centralité est-elle en mesure de créer des synergies avec les autres territoires ? D’autant qu’anonymés comme cela sous leur « 70 », ils ressemblent davantage à des terres oubliées, rassemblées histoire de dire. Que dit Rouen avec sa centralité d’Armada ? Elle se réclame d’une figure exclusive et excluante. En outre, Rouen et ses deux rives ont lancé un signal fort: L’Armada n’a autorisé aucune centralité à même de faire se rencontrer les espaces fluviaux et terrestres (les quais et la ville) des deux rives. Elle ne peut se targuer d’être rassembleuse car les espaces de relégation n’ont pu bénéficier d’une programmation irriguée par l’Armada.

  • La question de l’attractivité

Elle n’a pas contribué à impulser une image attractive de Rouen d’une part parce que les trois ressorts de l’attractivité selon Philippe Duhamel ( 2007) que sont le patrimoine, la modernité et l’évènementiel n’étaient pas rassemblés. Le ressort qui manque c’est celui de la modernité. L’Armada est une proposition « conservatrice« . Reprenons sa définition baudelairienne pour nous faire comprendre. Charles Baudelaire, souvent désigné comme le chantre de la modernité, « ne craint pas le paradoxe car la modernité c’est le paradoxe : la théorie de l’absolu relatif, la légitimité subversive, la permanence esthétique dans l’éphémère »Source. Baudelaire fait entrer dans la poésie des termes nouveaux car il s’inscrit dans un contexte culturel et politique, il s’ancre dans le réel. Ce qui se traduit par des approches nouvelles comme « la ville », « la laideur », « le trivial » avec des volontés novatrices comme « tirer l’éternel du transitoire ». L’Armada ne peut être cet outil en charge de l’attractivité rouennaise car certes ce sont dix jours d’évènements, oui, le monde maritime présent peut relever de la définition du patrimoine matériel et immatériel (symbole, folklore, chants) telle qu’ils sont définis par le code du patrimoine mais pas de modernité en raison d’une hyper focalisation communicationnelle, commerciale bref, stratégique oublieuse des humanités, du vernaculaire, du réel. Trop ancrée sur son sol conservateur, elle ne pouvait, en effet, accueillir l’Aquarius. Pour aller dans le sens de Rouen et son amour du traditionnel, il ne fallait pas œuvrer dans une logique disruptive, pour asseoir la stratégie territoriale de la Métropole, il n’aurait pas été convenable de trop diversifier, de faire avec notre « modernité ». Comment peut-on attendre des autres qu’ils s’intéressent à nous alors même que nous ne nous aimons pas ?

Le selfie de l’humilité, Armada 2019, IPL

Nous ne nous exprimerons pas sur les annotations de la météo jugée « capricieuse ». La tempête Miguel trouve sa raison d’être comme tant d’autres bouleversements météorologiques avec lesquels nous devons composer. En outre, la pluie est une actrice principale en Normandie pourtant bien peu de bâches ou des VIP.. Par ailleurs, n’ayant pu réaliser une analyse auprès des commerçants, nous ne développerons pas ce sujet. Notre exploration s’est faite sur site mais à quais donc ne comprend pas les défilés dans les rues, les visites en détail des bateaux. Notre échantillon tient en cinq heures d’après-midi (de midi à 17h), les concerts du soir ne sont donc pas développés.

 

  • L’Armada, le temps des discours

Si vous le souhaitez, afin de vous apporter des compléments d’information, vous pouvez vous intéresser aux bilans et discours suivants:

Armada bilan Ouest France

Tops & Flops selon Actu 76

Les discours des porteurs du projet

Le site de l’Armada

Patrick Herr Paris Normandie

Ce que nous avons pu découvrir, après coup, s’est construit avec le départ et donc la fin de cette édition. Il semble qu’une forme d’habitude et donc d’attachement ont pu s’installer. Les publics ont manifesté leurs émotions et leur liens, en postant beaucoup de photographies sur les réseaux sociaux et en précisant leur présences/passages sur la manifestation. L’adjectif « triste » et les déclarations d’amour du type « Rouen, je t’aime » ont signé de nombreux post.

 

Isabelle Pompe & Co pour #sitespecific, le 24 juin 2019.

 

 

Images des territoires de la rive gauche & moteurs de recherche

#sitespecific a choisi le moteur de recherche Ecosia, ses yeux numériques sont ceux fournis par cette interface. N’ayant plus la volonté d’alimenter Google pour effectuer son travail de veille sur les différents moyens dont disposent notre territoire, notamment communicationnels, le projet s’est posé face à la problématique de l’image avec Ecosia uniquement: image perçue? Image voulue ? Reçue, tout d’abord, lorsque nous renseignons les saisies suivantes: Rouen rive gauche, Rouen Saint-Sever, Rouen quartier St Clément, Petit-Quevilly, Grand-Quevilly, Sotteville-lès-Rouen, Saint -Étienne du Rouvray, Petit-Couronne, Grand-Couronne, Oissel.

➽Le 18 juin 2019: Quels résultats ? Quelles récurrences ? Images associées?  Traductions implicites ? Quelles informations/Images recevons-nous ? Comprenons-nous?

ECOSIA

« Ecosia est un métamoteur de recherche solidaire allemand. Il reverse 80 % de ses bénéfices selon un programme de reforestation présent partout dans le monde. Ecosia plante des arbres au Burkina Faso, au Pérou, en Tanzanie, à Madagascar et dans douze autres pays L’entreprise, certifiée B corporation, travaille avec différents partenaires dont WeForest et OZG au Burkina Faso, PUR Projet au Pérou et Eden Projects à Madagascar. En février 2019, plus de 50 millions d’arbres avaient été plantés depuis sa création, ce qui représente plusieurs milliards de recherches au total, à raison de 45 recherches en moyenne pour planter un arbre. »

  • L’interface d’Ecosia ressemble de loin à celle de Google. Quant aux résultats, le moteur de recherche préfère le dire : ils sont fournis par Bing et Yahoo!, entre autres.Source

Rouen rive gauche

Screenshot_2019-06-17 Ecosia – Le moteur de recherche qui plante des arbres.jpg

La rive gauche n’est pas identifiée comme un espace de référence mais en 1er chef c’est le terme « rive » pour eau/ Seine/ Quais qui ressort 16 fois sur 24 images. Le Panorama XXL fait son entrée alors qu’il est rive droite, la gare Jeanne d’Arc pourtant rive droite également. Quelques images d’immeubles sont présentées pour un montage photo 12ème (à droite),  la Cathédrale est là aussi tout en bas. Une photo plutôt ancienne avec le métro bleu en bas également.

Dans l’ensemble le #rivegauche est donc fortement recommandé lorsque vous postez des photos sur les réseaux et il semble impératif de toujours localiser vos images car ici, pas une structure culturelle, pas même le 106 n’est présent.

Cette rive se doit donc d’être hautement valorisée, citée, photographiée, localisée, visitée pour ne pas se réduire à ses quais. Il convient de poster des images depuis nos espaces numériques en les situant géographiquement avec précision (photographie, affiche, visuel).

 

Rive gauche en 1, c’est donc la Seine.

 

Nous ajouterons par simple courtoisie les images suivantes et souhaitons vivement participer, contribuer au patrimoine iconographique de ce territoire. C’est une des premières actions de valorisation de #sitespecific.

 

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Tour des Archives rive gauche, quand le brutalisme entre en architecture, Rouen, IPL

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Les quais rive gauche habités, Rouen, Juin 2019, IPL

Avec impatience, nous attendons notre prochain RDV le 29 juin, Rallye ‘Specific # 1, le 1er rallye photo organisé rive gauche qui a pour thématique l’architecture du XX et XXI ème siècle. Événement FB

Rouen Saint-Sever

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Nous vous recommandons la lecture de We are Saint – Sever et de Les conseils de quartier Rouen rive gauche # 2

L’Église (3 images lui sont consacrées), les travaux (2018), le centre commercial (3 images également) le reste tourne autour d’immeubles (des appartements à louer ?) Hôtels ? De maisons non identifiables, d’une terrasse, de la Seine, une BD, Le Gros Horloge, Un véhicule de Police devant la Poste/ligne de métro. Rien de trop parlant ni de significatif pas de place des Emmurés, ni de marché, pas de visage, pas de métro…

Saint-Sever c’est pourtant le 2ème centre de la ville de Rouen, à la fois une rue piétonne, un quartier, une station de métro échangeur, une Eglise, une bibliothèque, des marchés mais pourquoi tout ceci n’apparait pas ? De plus, pas d’architecture identifiable de suite alors que le quartier est aussi un centre administratif où se trouve, entre autres, le siège du département de la Seine Maritime…

 

Saint-Sever en 1 c’est donc l’Église.

 

On se dit que nous avons beaucoup de travail afin de constituer une iconographie digne du quartier St-Sever.

Nous ajouterons

Saint Sever en rue, Rive Gauche, Rouen, IPL, 2019

 

 

Friche Lucien, Saint-Sever, rive gauche, Rouen, IPL, Mai 2019

 

Rouen quartier Saint-Clément

Screenshot_2019-06-17 Ecosia – Le moteur de recherche qui plante des arbres(2).png

Nous vous recommandons la lecture de Saint-Julien- Saint Clément et de Les conseils de quartier Rouen rive gauche # 1

On reste circonspect, toute cela semble très résidentiel, sans « vie de quartier » même si nous reconnaissons l’intérieur de la maison de quartier, il n’y a ni commerce, ni visage, par contre des immeubles en projets. Est-ce le « quartier » Poterat- Métro Avenue de Caen ? Des appartements à louer sans doute, on aperçoit quand même l’Église de la Place St Clément, la fontaine, on reconnait l’un des bâtiments de l’Atrium mais pas de « verre et acier » à l’horizon dans l’assortiment d’images. L’impression majoritaire que ceci nous laisse c’est que nous sommes face à un quartier résidentiel, de banlieue peut-être où la vie humaine, culturelle et économique ne trouve pas d’écho tangible.

 

Quartier Saint-Clément en 1: c’est donc la maison de quartier

 

Un quartier qui possède, pourtant, une vraie vie de quartier avec son association de commerçants très pro-active, son ambiance, ses manifestations organisées par la Fraternité par exemple…Tout cela n’est pas visible, comme effacé et réduit, les messages en images que laissent ce quartier sont loin de se restituer sa vivacité, alors ?

 

Fresque quartier St Clément, rue St Julien, rive gauche, Rouen, IPL

 

 

Verre et Acier, quartier St Clément, Rive gauche, Rouen, IPL, 2019

 

Petit-Quevilly

Screenshot_2019-06-17 Ecosia – Le moteur de recherche qui plante des arbres.png

Nous vous invitons dans un 1er temps à consulter: Petit-Quevilly & #sitespecific

Les cartes commencent à faire leur apparition pour situer géographiquement cette commune qui peine, elle aussi, à montrer des visages, des instants de vie. Les projets immobiliers et l’immobilier (appartements) sont ce qui sort de façon prégnante. La piscine, mairie, le jardin de la Chartreuse St Julien, une école, une carte postale pointe du doigt la trace d’une histoire collective et mémorielle, le métro et pour finir la carte du cimetière…Sur 18 images, 10 images montrent des immeubles hauts, modernes plutôt uniformes. Peu d’espaces verts, pas de marché, pas de commerce, pas de structure culturelle alors que la commune possède sur son territoire une bibliothèque, le CDN (Foudre), et plus récemment a vu s’installer le Kaléidoscope (lieu des Copeaux Numériques), pas de Seine Innopolis (ancien bâtiment de la Foudre), pas d’édifices religieux, pas de sport hormis la piscine.

 

Petit-Quevilly en 1 c’est la piscine

 

« La piscine Tournesol, en coupole, accueille les nageurs en juin 1977. Véritable emblème, c’est une des rares de ce type encore en fonctionnement en France. »Source

Pour #sitespecific, Petit-Quevilly est le territoire de naissance du projet alors les Lebas déjà photographié en 1952 par Henri Salesse, devaient être montrés, au même titre qu’au moins un de ses espaces verts, le jardin de la chartreuse St Julien d’où sera animé l’ Atelier’ Specific # 1

Immeubles rue Joseph Lebas, rive gauche, Petit-Quevilly, IPL

 

Jardin de la Chartreuse St-Julien, Rive gauche, Petit-Quevilly, IPL

 

Grand-Quevilly

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La 1ère image qui émerge est celle d’une destruction! Sur 18 images, 7 sont des cartes. Des projets immobiliers sont cités 3 fois, une station de métro, 4 fois surgissent des commerces en raison de l’important centre commercial de la commune donc, reprenons pas d’équipement sportif, pas d’espace vert (Roseraie), pas d’animation, de concert, de structure culturelle (Charles Dullin/ Théâtre, Maison des arts/Artothèque, médiathèque)…

 

Grand-Quevilly en 1 c’est la destruction de l’Église sainte Bernadette survenue en 2014.

 

« Les deux-cent vingt signatures recueillies par une pétition ou les émois d’un élu communiste sur le blog du Front de Gauche n’auront pas suffi. La décision du diocèse de Rouen de démolir ce lieu de culte érigé et consacré en 1962 a été suivie d’effet et l’édifice est actuellement aux prises des engins de chantiers qui, depuis le début de semaine, s’activent afin de réduire ce bâtiment en un tas de gravats devant laisser place à un projet immobilier. D’après le diocèse, le fruit de la vente du terrain occupé par l’église permettra de financer l’église Sainte-Lucie où, d’ailleurs, tous les objets de culte ainsi que les vitraux ont été transférés. » Source

Pour #sitespecific, la rencontre avec Grand-Quevilly s’est faite progressivement, les rues et leurs immeubles perceptibles depuis la ligne du métro George Braque, la roseraie et une architecture pavillonnaire exceptionnelle…Allez voir sur @photographyspecific

 

La Roseraie de Grand-Quevilly, Rive gauche, IPL

 

Architecture pavillonnaire Grand Quevilly, Rive gauche, PL

 

Sotteville-lès-Rouen

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Ce panorama donne à découvrir une variété d’architectures (époques, types) des axes, la Seine, des églises, la mairie, la ligne de chemin de fer, le métro et trois présences sur cartes.

Pas de structure culturelle alors même que Sotteville accueille l’Atelier 231 (centre national des arts de la rue), pas d’animation alors que le festival Viva Cité en est à sa trentième édition cette année. Pas de marché pourtant celui de la commune est un « véritable « Super » marché à ciel ouvert et l’un des plus importants marchés de l’agglomération. »Source Pas de bibliothèque, pas de salle de spectacle (Que fait le Trianon ? )….Ainsi que l’histoire du chemin de fer liée à la commune de façon quasi originelle n’apparait pas vraiment non plus….

 

Viva Cité, Place de la mairie, Sotteville, Rive gauche,, 2018

 

Saint-Étienne du Rouvray

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St Étienne montre un visage coiffé de 4 séquences en immeubles, 6 fois l’Église est citée, une maison, une rue sans piéton ni voiture qui circulent, 5 cartes et un bassin géotextile.

  • La présence de l’Église peut s’expliquer par le fait que la commune et son église, ait été frappée par un attentat revendiqué par le groupe État islamique, le 26 juillet 2016.
   
La commune en 1 c’est son église.

Pourtant St Étienne c’est une scène labellisée danse Le rive gauche, une bibliothèque, un conservatoire,  le technopôle du Madrillet et l’INSA, et enfin la forêt qui représente 1/5 du territoire de Saint-Étienne-du-Rouvray, elle apparaît comme le poumon vert de la rive gauche de l’agglomération rouennaise.Source

A ce jour, pas de photographie de cette commune à montrer, par contre, sont prévues des actions du type rallye ou encore rencontre, pour fin 2019 voire 2020.

 

Petit-Couronne

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Petit -Couronne est la 1ère requête qui fait ressortir la présence humaine, des gens, des jeunes gens, des enfants bref une vision animée d’un territoire habité. Sa mairie, ses sites industriels, une image de nuit et son logo (une 1ère également). Trois cartes vont dans le sens du début de cette recherche, pas de visualisation, d’identification sans carte car c’est où Petit-Couronne?

Et la 1ère image qui est associée à Petit Couronne c’est « Petite Couronne » et Paris!

Fichier:Petite couronne.svg — Wikipédia

Petit-Couronne bénéficiera d’un rallye photo au regard de la biodiversité remarquable de son patrimoine vert

 

Grand-Couronne

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Grand -Couronne vient véritablement confirmer le défaut d’identification de la commune avec 6 cartes dont deux nationales. Par contre les gens signent leur présence lors de manifestations à 3 reprises (les 40 ans du Collège Jean Renoir, une séquence concert en plein air et une photo de classe) vient ensuite la mairie et l’Église.

 

En 1, Grand-Couronne c’est donc son nom sur une carte représentant l’agglomération rouennaise.

 

« Malgré son industrialisation causée par sa proximité avec la Seine, Grand-Couronne possède un cadre presque rural avec une multitude d’espaces verts et d’ouvertures vers la nature. Très engagée pour l’environnement, la commune de Grand-Couronne a réalisé plusieurs projets de sensibilisation envers sa population, et d’amélioration de ses infrastructures face aux difficultés environnementales d’aujourd’hui. »

Grand – Couronne //Rallye photo prévu pour 2020 pour saluer la Politique environnementale de la commune

Oissel

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Oissel se voit offrir comme images trois photographies (carte postale) anciennes (le sanatorium, la crue, la gare). La gare est d’ailleurs citée deux fois, les cartes sont présentes à 6 reprises dont 2 nationales, des images type vue aérienne et d’une part une promotion de la police est faite (2ème image en haut à droite) et d’autre part il est fait état de voitures incendiées et d’un autre fait divers (décès) dernière image en bas à gauche.

 

En 1, Oissel c’est son sanatorium

 

Donc Oissel, c’est quoi? 

Cette commune bénéficie de l’espace Aragon (cinéma), située en bord de Seine, elle propose une halte fluviale, un jardin public (parc municipal). D’une superficie totale de 2042 hectares, Oissel compte près de 990 hectares de forêts, soit près de 50% des sa superficie, 40 km de voirie et 50 hectares d’espaces verts et cinq sentiers de randonnée: Grâce à la proximité du domaine forestier du Rouvray, du GR2 (le Havre-Paris) qui emprunte les berges de la Seine et grimpe sur les hauteurs d’Oissel, les découvertes à pieds ne manquent pas de charme…De plus elle dispose même d’un espace documentaire de la ville avec 5300 images environ.

De quoi animer en photographies le projet #sitespecific et valoriser cette commune!

Enfin, histoire de se motiver, nous avons fait le même test pour « Isabelle Pompe » dans le résultat « image », voici ce que ça donne, pas de quoi perdre confiance ni espoir (ces photos proviennent pour la plupart des trois comptes : Pinterest/Tumblr/ Trust in street, avec donc une existence de plus de 3 ans).

Isabelle Pompe vu par Ecosia juin 2019, IPL

A suivre,

#sitespecific le 19 juin 2019

 

 

Territoire extra-local & Environnement

Dans le chapitre « Territoire social & Observations citoyennes », #sitespecific va se pencher sur notre environnement. A partir des moyens démocratiques qu’il met en œuvre comme la mise à disposition d’informations vérifiées, la transmission, le relai des bonnes pratiques et la veille des outils existants mis en place par les collectivités, #sitespecific propose des portes d’entrée diversifiées vers les problématiques sociétales et environnementales qui nous impactent directement depuis notre territoire extra-local. Ces items sont abordés lors des rencontres informelles comme les Terrasse’ Specific, Rallye ‘Specific et autres Ateliers ‘Specific.

Jardin carré 2.jpg

Jardin de la Chartreuse St-Julien sera examinée, in-situ, lors de l’Atelier’ Specific #1 au regard de plusieurs thématiques.

Entendre ce que dit le territoire

Notre espace de référence, la rive gauche, s’ancre dans une région fortement marquée par des conditions climatiques spécifiques. Nous ne pouvons plus ne pas activer ni ré-activer les ressources que ces spécificités expriment. Ne subissons plus notre pluie, notre brouillard et notre vent! Lorsque cela est possible, repensons nos espaces de partage citoyen.

  • Depuis les lieux insuffisamment inexploités

Beaucoup de lieux pourraient être davantage exploités, comme la place des Emmurés à Rouen pour l’organisation de temps d’échanges et la mise en place d’une programmation cultuelle, sociétale, environnementale proche des habitants. Mais aussi combien de lieux, dans l’espace public, sont inadaptés parce qu’ils se présentent comme des espaces mal desservis, des plaines vides, sans arbre producteur de convivialité et d’ombre etc… Il est temps de cesser de regretter et de trouver la météo capricieuse, alors offrons-nous des choses! Listons ensemble les possibles qui s’offrent à nous et que nous pourrions autrement investir. Dans chaque commune de la rive gauche demeure cette inconnue, méconnue ou sous- utilisée qui ne demanderait pas mieux d’avoir des vies multiples.

  • Depuis les évènements, manifestations

Nous ne pouvons plus envisager d’évènements sans penser à la pluie. Ceux qui ont lieu en plein air devraient intégrer, pour assurer le confort aux publics qui ont fait le déplacement, un impératif: donnant -donnant. Les gens sont venus vous voir, alors respectez cette initiative et instruisez dans vos démarches, les conditions optimum pour les accueillir dignement.

De même lors de périodes de fortes chaleur, pensez aux éléments nécessaires pour pallier à ces expositions subies qui peuvent engendrer des malaises, voire un renoncement au déplacement. Les personnes se sont dirigées vers vos propositions de sorties (culturelles, touristiques), faites attention à les recevoir en prévoyant une gestion des flux opérationnelle, des zones de rafraichissement et/ou d’ombre avec de quoi remédier à la fatigue engendrée par cet épisode météo, par cette station debout prolongée. D’une manière générale, les bancs au même titre que les toilettes sont à revoir en France au regard de l’égard porté aux publics…L’Armada et sa dernière édition du 6 au 16 juin 2019 n’a pas suffisamment considéré ses équipements et ses services (gestion des flux, commodités payantes, parkings aux tarifs élevés, très peu de propositions pour s’asseoir (l’impératif du attendre debout n’est pas acceptable aujourd’hui lorsque l’on se targue d’être un évènement de grande envergure). Ont été à déplorer également le peu d’espaces non privatisés ( pour manger, boire, se reposer) et une sous-utilisation des environs (Chai à vin et toutes les coursives situé quais rive droite de la manifestation).

Manifestation populaire armada.jpg

L’Armada et sa typologie de public, observée par #sitespecific, IPL, 15 juin 2019

Il en est de même pour La Friche Lucien. De par l’étendue en nombre de mois, de sa programmation, celle-ci devrait réfléchir plus précisément à comment recevoir malgré la pluie en installant des tentes et autres bâches de protection par exemple.

Des efforts encore à faire

Les manifestations doivent prendre en charge le respect de l’environnement dans le traitement de leurs déchets (tri), dans l’interdiction qui s’impose à elles d’avoir recours aux plastiques, d’utiliser des supports bio dégradables et de veiller à leur impact carbone, en veillant à la mise à disposition d’un accueil efficient des transports doux (vélo, skate…) et en privilégiant le recours aux transports en commun. La Friche Lucien a été interpellée sur ces sujets lors d’un post FB du mois de juin. Là, encore l’Armada a très peu prisé le recours aux vélos en ne mettant pas à disposition des parkings/garages spécifiques. A partir d’un point d’étape (ici consécutif à une fermeture, un post FB de la Friche Lucien du 10 juin 2019), voici ce que disent les porteurs de projet eux-mêmes

  1. Ce sur quoi ils ont fait/produit des efforts
  2. Là où ils ont été vigilants

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  • Depuis les éléments naturels

Ne nous focalisons pas sur les tempêtes et sur notre vulnérabilité face à elles, toutefois,  interrogeons-nous sur comment mieux vivre cet inévitable climatique qu’est le vent. Vivre avec les éléments est notre priorité. Mal identifiés et relativement peu prévisibles, les dangers de ce dernier sont souvent minorés, concentrons -nous sur les bénéfices que cette contrainte produit. Elle nous invite à changer de regard sur notre habitat, nos structures, nos architectures, notre rapport au « plein air ». Il nous faut tirer parti de cette ressource et nous adapter.

Pour montrer que l’on peut chercher à vivre avec ces éléments météorologiques et non plus contre eux: « la résilience peut s’effectuer en tirant parti des phénomènes climatiques, comme nous le prouve le projet prospectif de réaménagement des berges de Manhattan intitulé « Big U ». Cette promenade composée d’une végétation brise-vent qui la protège de la forte montée des eaux propose d’adapter ses activités en fonction des phénomènes climatiques. Source

Le vent, pourrait être producteur d’énergie, pourquoi la ville comme la métropole ne se servent pas de ce formidable élément naturel!Combien de scientifiques et de projets travaillent sur ce sujet!

De même pour la pluie, pourquoi ne pas repenser nos démarches collectives et nous convier collectivement à récupérer et conserver cette eau…Rouen serait 10 ème au classement des 10 villes les plus pluvieuse de France…. »Avec 790 mm de pluie par an, Rouen fait certes moins bien que Biarritz ou Brest, mais reste cependant une ville associée aux bottes en caoutchouc et aux parapluies ! »Source

Et pourtant d’eau, nos villes de demain en ont besoin, il est donc plus que vivement recommandé de sortir de l’individualisme sur ce sujet car l’eau fait partie des 3 principes de l’urbanisme durable qui vise à lutter contre les îlots de chaleur urbain (ICU) Source

Les collectivités doivent avoir une politique plus ambitieuse de leur gestion de l’eau et encourager les habitants à ne pas gaspiller, à considérer cet élément vital comme un bien précieux en impulsant des actions de sensibilisation contre le gaspillage, il en va de même pour nos énergies.

 

Canicule & îlot de chaleur urbain

Des périodes de fortes canicules ont touché notre territoire les étés précédents, au même titre que des pics de chaleur sont également recensés sur des périodes non habituelles. Nous sommes confrontés au réchauffement climatique, ce, de manière spécifique, en raison de nos espaces urbains. Que cela soit à Rouen ou sur sa proche couronne, là où la densification de population et d’activités reste fortement marquées, le problème reste donc le même. Nous regarderons cela à l’échelle d’un quartier, celui de Saint-Sever depuis ses récents travaux d’aménagement.

ICU

« Un îlot de chaleur (ICU) est caractérisé par une température de surface ou de l’air plus élevée en zone urbaine qu’en périphérie de la ville. Cette différence de température peut être de plus de 12°. Les îlots de chaleur peuvent également désigner une zone à l’échelle du quartier où l’on observe une température plus élevée.

Mais les îlots de chaleur urbains ne sont pas une fin en soi. Il existe bien des solutions pour lutter contre leur formation et ainsi agir sur la qualité de vie en milieu urbain. Cette révolution trouve son essence dans la façon d’aménager la ville et les solutions techniques à disposition aujourd’hui.

Les bénéfices de ces stratégies de la ville durable s’observent à plusieurs niveaux : environnementaux, sanitaires, esthétiques et qualité de vie. »Source

La stratégie de ville qu’a opéré la Métropole Rouen Normandie avec son  » cœur de métropole », au-delà des discours politiques, impose un arrêt et une observation précise.

  • Travaux St Sever
St Sever et la lumière.jpg

Saint-Sever en Eglise et Plomb, IPL, juin 2019

Ses travaux ont été le fruit de différents axes de « développement » du quartier, d’une part lui redonner « peau neuve »  en écho aux travaux entrepris dans le centre commercial. De plus, « ne pas oublier la rive gauche » selon Frédéric Sanchez Source pour le projet « Cœur de Métropole » impulsé par la Métropole Rouen Normandie et d’autre part, engager une refonte de la perception en termes d’images, de la rive gauche et son artère première, symbolique et plurielle: St Sever (sa rue, son quartier, son centre commercial, sa mairie annexe, sa MJC…).

Nous vous rappelons que les travaux de la rue St Sever, entrepris fin 2017, ont eu un coût de 1,7 million d’euros, financés par la Métropole Rouen Normandie (avec une participation de fonds européens, à hauteur de 40 %). Ils ont déclenché, également, des conséquences sur l’économie du quartier même s’il a été précisé que la rue était piétonne, il n’en demeure pas moins que l’accès rendu quasi impossible aux hôtels du quartier par exemple, a porté durablement préjudice à ces derniers.

La rue et ses travaux donnaient cela à voir, pendant plus d’une année:

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Photo du journal Actu 76 – Source

Une rue impraticable, d’où sont tombés les arbres, les marronniers roses (au centre de la rue), et où, entre le bruit, la poussière, il était très difficile de se promener, de consommer, de s’arrêter à une terrasse bref, de soutenir économiquement le quartier. Ces travaux ont été subis par les habitants du quartier, par les commerçants et ont engendré des difficultés de trésorerie qui semblent aller de soi. Un mauvais moment à passer qui prit le temps de s’arrêter…

Revenons, un instant sur cette notion d’image, de cadre de vie. Les éléments de réponse de la métropole pour justifier son projet d’aménagement tiennent en : « apporter de la lumière », refaire les canalisations, repenser le « sol » (pavage, dallage), ré-introduire la nature en ville et offrir un nouveau mobilier urbain. Cela en écho avec les travaux entrepris sur la rive « d’en face » tels sont les mots employés.

  1. La lumière ? En enlevant les zones ombragées qui apportaient un charme à la rue et qui permettaient à la population de s’asseoir et de respirer un peu, la Métropole, avec cet aménagement urbain, a mis la rue à la disposition du soleil.
  2. Le choix des arbres ? Ce n’est pas à l’aune des allergies que nous répondrons mais tout simplement au regard de la fragilité des arbres jeunes lorsqu’ils viennent d’être plantés et donc de l’attention naturelle qu’ils méritent mais également par rapport à leurs systèmes racinaires.

Bouleau Versus Marronnier rose

Alors qu’une bataille semble s’être engagée entre deux espèces d’arbres, hormis le critère esthétique et le fait que les marronniers étaient arrivés à maturité, essayons de voir si différences et explications implacables il existe:

Le bouleau a une croissance rapide. Le Bouleau pubescent supporte le froid jusqu’à -40° (zone 3). Le Bouleau verruqueux supporte le froid jusqu’à -23° (zone 6). Sa Durée de vie est estimée à 100 ans. En tant qu’espèce pionnière, le bouleau ne vit pas vieux.  Ses Racines sont traçantes. Elles s’étalent loin du tronc : ne pas planter de bouleau près d’une canalisation ou d’une terrasse.Source

Le Marronnier, quant à lui, a une Rusticité de type zone 6 (il supporte le froid jusqu’à -23°). Sa durée de vie est estimée à 200 ans soit le double de celle des bouleaux. Habitat : essence de lumière (héliophile), le Marronnier est planté dans les parcs et jardins. Mais il souffre de la pollution urbaine et de la sécheresse. Sa taille maximale est de 30 m, sa croissance est, elle-aussi, rapide. Source
Donc, alors que les racines du bouleau sont problématiques, c’est lui qui a été choisi. Les canalisations ont été refaites, vous vous souvenez…

Le mobilier urbain plébiscité par la Métropole, prône l’absence de banc et ne revêt aucun confort comme vous pouvez le voir sur la photographie « Saint-Sever en Eglise et en Plomb » réalisée en juin 2019. Des cubes, bas, sans dossier qui ne permettent pas aux  personnes de se poser très longtemps, de s’approprier les espaces publics ni aux « joueurs », tels que je les ai nommé de s’installer, de donner de la « vie » à la rue principale de ce quartier.

 

Les joeurs en Juin.jpg

Les joueurs des espaces de relégation, St-Sever, juin 2019, IPL

 

Les autres villes et leur réponse à la montée des température

Rafraîchir les villes, des exemples:

  • Réintroduire la végétation en ville grâce à la trame verte
  • Ouvrir les espaces pour éviter l’effet de canyon urbain
  • Recourir aux revêtements de sol perméables
  • Choisir les matériaux selon leur albédo
  • Aménager en tenant compte des vents et du soleil
  • Cool-roof (revêtement de toiture blanc)Source

Albédo: l’indice de réfléchissement d’une surface en fonction de sa couleur mais aussi de sa texture et porosité. Valeur comprise entre 0 et 1 : un corps noir a un albédo nul car il absorbe toute la lumière incidente et un miroir, un albédo de 1 car il réfléchit toute la lumière incidente.

« Dans les villes, les surfaces asphaltées et les habitations denses interceptent les rayons du soleil et emmagasinent la chaleur. « Source Le Monde

La France est en effet régulièrement touchée par des épisodes caniculaires, comme nous l’avons précédemment écrit, la ville de Rouen et sa métropole souffrent également de ces situations qui sont amenées à se reproduire au point de perdre leur caractère exceptionnel. Les communes, en raison de leur aménagement urbain, ne parviennent peu ou pas à se refroidir la nuit. Pour endiguer ce phénomène, les villes adaptent leur PLU (Plan Local d’Urbanisme) à ces cas de figures. Des réponses plurielles sont apportées comme la construction de villes plus aérées, des efforts sur les « matériaux utilisés dans le revêtement des sols avec des propriétés optiques et thermiques favorisant la rétention de la chaleur par le tissu urbain »… La température des villes croît avec son activité humaine, les villes les plus peuplées pourraient voir leur température grimper de plus de 8°C d’ici à 2100. Refroidir les bâtiments, repenser les matériaux de construction, reverdir, ré-humidifier… Car mourir de chaud est un risque encouru par 30 % de la population mondiale Source 

« Le Grand Lyon, avec la remise à l’air libre du ruisseau de La Duchère, ou la création d’un espace vert infiltrant les eaux de pluie au parc Jacob-Kaplan œuvre en ce sens. « Il faut retrouver des points d’eau en ville afin de permettre aux phénomènes d’évaporation de mieux réguler la température ambiante », rappelle Erwan Cordeau, chargé d’études sur le climat, l’air et l’énergie à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme. La dés- imperméabilisation de la ville et le retour de l’eau sont sur le devant de la scène, en effet, le retour de l’eau dans nos sols et autres surfaces de stockage permet de rafraîchir l’air. C’est également une opportunité pour la restauration de la biodiversité et une offre créative pour la conception paysagère. Aujourd’hui, il est possible de créer des espaces perméables carrossables afin de réconcilier usages et environnement (ex : parkings perméables). On peut également avoir recours à la création de plans d’eau et de fontaines. »Source

  • Récupérateur d’eau collectif

Dans son magazine « En direct, de novembre 2011, la commune de Petit-Quevilly, proposait à ses habitants : Source

Screenshot_2019-06-14 bmnov2011 pdf

Cette initiative pourrait être introduite de manière collective avec une mise à disposition possible sur les territoires sociaux (bailleurs, privés).

Vient ensuite, la question de la végétalisation du territoire.  » Bien plus qu’un enjeu décoratif, le facteur végétal est pourtant devenu un critère attractif pour les citadins : les arbres sont un instrument de lutte efficace contre les îlots de chaleur. Obstacle physique à la lumière, ils sont aussi de puissants régulateurs de température puisqu’ils peuvent puiser en profondeur l’eau du sous-sol et émettre dans l’air de la vapeur d’eau.

  • L’architecture des bâtiments a aussi son rôle à jouer : le choix des matériaux, des couleurs, l’efficacité énergétique, leur végétalisation etc. autant de moyens permettant de réduire les besoins en climatisation.

Alors, à quand les « White roof  » Source et autres toitures végétalisées encouragées par les communes, la Métropole Rouen Normandie, les bailleurs sociaux et privés, au niveau local, extra local, depuis nos administrations, écoles jusqu’à nos immeubles et maisons ?

Espace vert, la très grande nécessité 

Les espaces verts sont indispensables à la ville, ils sont, par ailleurs, vecteurs d’attractivité économique et participent, de plein droit, à nos cadres de vie. Vous pouvez consulter cette parution Source dont est issue la capture d’écran suivante:

Screenshot_2019-06-16 Asterès-Les-espaces-verts-urbains-24-mai-2016 pdf.png

Observons in-situ, avec, atelier ‘specific, les éléments de réponse que propose la commune de Petit-Quevilly à propos de ses espaces verts comme « bien collectif gratuit ».

  • Atelier ‘ Specific # 1 – Jardin de la Chartreuse Saint-Julien
Garden chartreuse .jpg

Comment un jardin crée des conditions d’appropriation pour la faune et la flore ? IPL

Réduire l’émission de chaleur anthropique

La chaleur produite par l’activité humaine peut être réduite. On peut agir par exemple sur la mobilité :

  • Privilégier les transports en commun verts,
  • Limiter la circulation des voitures individuelles dans le centre-ville (proposer des alternatives pour les proches couronnes, agir avec la volonté d’une mobilité inclusive comme enquêtée dans  La sociologie de nos transports en commun et permettre la gratuité des transports en commun les jours de fortes chaleurs).

 

D’autres initiatives et engagements collectifs

  • Le Tri

#sitespecific a pensé à l’organisation de session de tri supervisé par moi-même (après avoir été parfaitement formée par l’association « Zéro déchet Rouen » par exemple). Lasse de constater que le tri n’est pas fait malgré les poubelles prévues, je reste compréhensive et mesure le peu d’infos hormis une affichette et le peu de sensibilisation depuis mon bailleur social dont disposent les habitants de ces logements alors l’idée m’est venue de prendre cela en main. A suivre!

  • Compostons !

Avec l’association Zéro Déchet Rouen, toujours, dans la lignée des actions citées ci-dessus, je pensais poursuivre avec le compostage collectif.

« En habitat collectif social, vous pouvez contacter votre bailleur. Celui-ci a été sensibilisé par la métropole et vous demandera probablement de vous regrouper à 10 voisin-ne-s.Si vous rencontrez des résistances, écrivez-nous.  Nous pourrons adresser une lettre de soutien à votre bailleur, et plus si affinités! »Source

 

Réunissons-nous pour proposer ces initiatives à notre échelle, organisons nos transformations de manière collective et citoyenne!

 

Isabelle Pompe pour #sitespecific, le 16 juin 2019.

C’est quoi émanciper ?

Le prochain évènement de #sitespecific est prévu pour le 29 juin, il s’agit du rallye ‘Specific # 1, le 1er rallye-photo de Rouen rive gauche.

Annonce agenda des sorties // Annonce Spectable// Annonce Sceno

Voici l’évènement Facebook

Son titre, « un rallye-photo pour émanciper la rive gauche » n’est pas sans rappeler le sous titre de ce blog. Mais c’est quoi émanciper et pourquoi avoir choisi ce verbe pour traduire une action, une somme d’actions de valorisation?

Tout d’abord, apporter une définition de manière imagée n’est pas apparu de façon immédiate puis, pourquoi ne pas lancer, comme nous l’avions fait avec le #rivegauche et T’étais où, là ? Rive gauche.

Alors, allons-y, tentons d’expliquer ce que nous voulons dire par là. Nous sommes allés chercher les définitions en provenance de dictionnaires afin de rester le plus grand public possible. Neutre ou presque dans notre approche, toutefois, le fond qui rejoint la forme ajoute parfois une dimension citoyenne, engagée, symbolique, à vous de voir…

Avec le fond emprunté aux dernières élections européennes, nous avons conçu celle-ci. En décor de façade, il s’agit de Petit-Quevilly et son territoire social, nous sommes tout à côté du métro ligne George Braque Station Place du 8 mai.

 

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Conception IPL, juin 2019

 

Nous avons poursuivi avec une image prise un samedi soir de mai 2019 sur le site de nos amis défricheurs, la #FricheLucien. Ce lieu s’illustre par son succès en chiffre, d’une part, 45 000 visiteurs du 29 avril à début juin 2019 (avant leur fermeture estivale et leur reprise du 19 juin). D’autre part, pour ses vertus émancipatrices pour la jeunesse qui trouve enfin un lieu qui lui ressemble, conviviale, tranquille, où on peut faire la fête sans se ruiner, où les filles peuvent venir sans être inquiétées, un site où l’ambiance a toujours été bon enfant. Une reine moderne trône. Nous pouvons voir se dessiner, en effet, celle qui se dresse et qui définit l’endroit avec exactitude: la Tour des Archives. Au vu de l’angle qui est le nôtre, nous sommes donc bien rive gauche.

 

Comme toute évolution, l’émancipation de cette rive se doit d’être soutenue, poursuivie pour mettre en avant une capacité à exister à partir de soi. Valoriser un site à l’aune de ses résidents, de ses architectures, de ses mémoires pour ne plus affaiblir la portée de ses propositions, déprécier ses initiatives, gaspiller ses énergies, ternir ses habitants et dégrader ses histoires.

 

 

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Conception, IPL, 2019

 

Au bas de cette image, se distingue, une jeune femme en veste de jean aux cheveux longs. S’émanciper, c’est grandir, mûrir, d’où la présence symbolique de l’échelle, c’est gravir, sortir. C’est devenir adulte et indépendant. Les préjugés sont, nous le constatons encore, mis à rude épreuve sur ce site permissif à toute parole citoyenne. Pourtant cette rive se voit enfin dotée d’un outil, puis d’autres naissent car les initiatives poussent, et son état de sous-rive par opposition à la rive droite, commence à tarir. Nous savons tous pertinemment que le quartier St-Sever est en proie à des gros travaux depuis quelques temps en raison principale: la future gare St Sever mais ce n’est pas, avec ce quartier, que l’émancipation de cette rive doit s’arrêter.

De plus, cette gare comme installation, comme prouesse, suffira- t ‘elle à renverser cet état de dépendance ?  La rive droite étant toujours celle qui impose le tempo, donne le La, ce pourquoi les aménagements urbains récents reprennent tous les copies de la rive droite et les dupliquent comme si le prolongement était naturel.

Il n’existe pas de miroir, elles ne sont pas jumelles, ne se complètent pas tant elles s’opposent depuis toujours.

 

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Conception, IPL, 2019

 

Pour refuser cette posture identitaire de sœurs ennemies et éviter de nourrir le conflit, la confrontation, #sitespecific propose, à la rive gauche via ses habitants, ses résidents ponctuels tels que ses salariés, ses rares touristes, donc tous ses citoyens, de se départir de ce modèle hiérarchique de l’exemplarité.

Elle existe seule, n’a pas de leçon à recevoir, elle fut longtemps, et ce, encore aujourd’hui désignée, affligée de l’étiquette de banlieue, d’ externalité. La rive gauche se moque de ce regard, de cette tutelle, à laquelle elle donnera tort sans cesse. Elle connait parfaitement ses contraintes, elle avance, bouscule, galvanise et finira par se libérer.

Alors, aidons-là puisque c’est notre rôle, à se sortir de ce clivage, à s’émanciper de cette existence subordonnée. Observons, avec une plus grande justesse, ce qu’elle nous cache, ce qu’elle nous dévoile, ce qu’elle peine à préserver. Elle est à nu en ce moment, en raison des très importants travaux, elle est malmenée, mise en danger au travers son économie locale, ses diversités que les tutelles aimeraient voir disparaître…Qui sait.

Alors, voici une manière simple et ordinaire de regarder, de saisir les bouleversements qui s’opèrent et de rester conscient que ces derniers ont déjà commencé, modifié, et qu’ils sont loin, voire très loin, d’être terminés. La rive gauche au regard des quartiers rouennais tel que Saint- Sever n’a pas fini de subir un lifting, en espérant ne pas le voir uniformisé.

 

RALLYE SPECIFIC AFFICHE # Jpeg

Conception, IPL, 2019

 

Vous le voyez, ici, du béton, beaucoup de béton rive gauche, cette fameuse tour que vous aurez reconnu qui scinde le ciel et qui vous sert de boussole, et l’intrusion de cette caravane qui nous rappelle que, sur ce territoire, nous venons tous du voyage …Et puis s’éparpillent des bus, des piétons, des maisons, des immeubles, de la belle verdure et un beau ciel bleu. Cette photographie fut prise l’an passé lorsque le collectif Lucien proposait son festival Parenthèse.

 

Sortons de chez nous, de notre individualisme pour montrer les visages de notre rive et lui permettre d’exister comme elle le souhaite sans avoir honte, sans avoir à complexer des regards condescendants qu’on lui jette.

 

Isabelle Pompe pour #sitespecific, 13 juin 2019.

T’étais où, là ? Rive gauche

C’est avec une très grande impatience que j’attends de voir le nouveau travail en termes de marketing territorial de la nouvelle recrue et de son équipe de Rouen Normandie Tourisme & Congrès, à savoir Delphine Crocq Passée par Le Louvre et Orsay

Vous me savez lasse de constater que les images qui font office de relai pour notre communication extérieure sont en panne. Comptez le nombre de fois où il est question de l’autre, de celle « d’en face », qui se trouve, par ailleurs, toujours au Sud.

Dans le même temps, lorsque je découvre la 1ère page du site Rouen Normandy Invest*,

  • *(L’agence de développement économique Rouen Normandy Invest propose accompagnement et expertise à toute entreprise souhaitant s’implanter à Rouen ou dans sa région. Parallèlement, l’agence anime une démarche de marketing territorial et coordonne les actions de promotion du territoire et d’accueil des nouveaux arrivants.) Source

 

Screenshot_2019-05-19 Rouen Normandy Invest.png

je me trouve face à 5 arguments de vente de la marque, avec ses chiffres et ses logos! Pour ma part, j’aurais joué la carte des chiffres par ordre croissant voire décroissant. C’est, cependant, intéressant de mesurer qu’une différence symbolique est prononcée, comme la création de deux pôles, entre les habitants et les étudiants, au milieu on met l’emploi et les établissements (quoi ? qui? C’est à vous de trouver). Vous voyez mieux, ce qui intéresse l’agence en charge de la promotion de nos coins de vie ? C’est sa proximité avec Paris, on mise sur les extérieurs. En fait, c’est un rebus, qui est à 1h de Paris, comptabilise au bas mot 800 000…Ah, ok !

Vous l’aurez intégré, ici, vous êtes avec des agents de la promotion, de la réputation, en phase avec la stratégie de la Métropole Rouen Normandie en termes d’attractivité, de tourisme et donc d’une certaine définition du territoire…

Question campagne avec des chiffres qui concerne les métropoles et La politique économique, sociétale et environnementale du « tout voiture« , bien connue par ici, je comprends davantage celle-ci:

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Je me suis, alors, dit, la rive gauche peut user et abuser autant qu’elle le souhaite de ses trésors pour marquer la dignité de son intérêt. Mais souvenez-vous, elle est absente des radars touristiques. La faute à qui ? Au repli ?

Je pencherai plutôt pour une adhésion à un cahier des tendances un peu vieillot au sein duquel elle est trop « hors-sujet ». Le patrimoine oui d’accord mais lequel ? L’histoire oui mais laquelle également ? Les gens? Non, je ne crois pas, les gens, on les choisis pas trop ou alors les visages créatifs, les talents, les « exceptionnels ».

Vous notez, tout à coup, tout est une question de niveau, de rank, de level, de top 5 donc on use toujours des mêmes rues, des mêmes centres d’intérêts, avec des logiques institutionnelles, culturelles, politiques, artistiques d’entre-soi caractéristiques de ceux qui sont dans le rôle des définisseurs de ce qui est « bon, beau, activable, vendable, montrable ».

Là, en tant que zone d’ombre, nous avons un rôle essentiel de quasi contre-pied. Si vous suivez bien le projet, j’ai avancé que la rive gauche serait une fenêtre sur un monde inversé dans Fenêtres sur rues

Trois options nous tendent les bras:

  1. On ne fait rien
  2. On fait comme eux (on propose des images touristiques)
  3. On fait autrement (on reprécise la notion de patrimoine)

Précédemment, j’avais déjà réfléchi à quelques idées pour cette traversée de la Seine avec Messages ‘ Specific, et si, aujourd’hui, nous nous mettions à montrer le paysage naturel, au sens vert, de la rive gauche ?

Oui, la rive gauche est belle et verte. Le Jardin des Plantes c’est facile, vous pouvez le dire donc on verra. Essayons avec d’autres endroits afin de mettre à la vue qu’étant donné qu’on la connait mal, on situe mal ces propositions.

« T’étais où là ?  A Nantes ? Nan, j’étais #rivegauche »

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Grand-Quevilly, Roseraie, IPL, Mai 2019

 

Et puis, pourquoi pas poursuivre avec la Roseraie et reprendre cette idée de club des métropoles les plus cotées (attractives) ou des régions un peu chic…(une dose d’ironie plane). Il faut tout de même essayer de trouver une cohérence disons végétale avec la destination demandée…

 

« T’étais où là ? En Bourgogne ? Nan, j’étais #rivegauche »

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Grand-Quevilly, Roseraie, IPL, Mai 2019

 

Le marketing territorial use et abuse de story telling et de notion comme l’attachement au territoire. Rive gauche, nous aimerions bien démontrer notre attachement à hauteur d’homme sans en rajouter, sans « faire croire » et passer à côté de nous. C’est souvent ce qui arrive lorsque les territoires sont préférés aux gens et que ce ne sont pas les habitants qui en parlent mais la vue du haut, la vue de ceux qui décident de ce qui a de la valeur ou n’en a pas.

Attention tourisme en vue, il se peut même que le #rivegauche nous soit emprunté qui sait…L’humilité de ce lieu de résidence se passe complètement d’histoires truquées sur un passé arrangé, maquillé pour l’occasion. Il sait et ne peut mentir, oui, il est encore abîmé par un passif industriel, éreinté par une image qui lui colle à la peau, un peu prolo et matinée d’une vie de quartier un peu morne. Rouen rive gauche et la banlieue de cette même rive ont en commun de revenir de très loin, d’avoir grandi sous des dominations, sous des regards, des humiliations mais peu importe.

Elle est grande cette rive et sait ce que s’émanciper veut dire, elle sait refuser et rejeter cette uniformisation qui lui est balancée à ces mille visages. Parce qu’elle en a mille.

Cet espace questionne la mémoire et met une raclée parfois à la notion de goût et de beau mais nos espaces verts sont « beaux », nos « grandes architectures », notre « passé « glorieux », ça c’est exportable de l’autre côté.

Bref, vous avez saisi, l’attachement à un territoire ce n’est pas uniquement cela, il y a donc du travail!

J’imagine que vous avez saisi l’amusement qui était le mien, mais ça change ma façon de traduire ce que je vois en me mettant dans la peau d’un vendeur immobilier, je me dis, ça pourrait nous arriver.

 

« T’étais où là ? Au ski ? Nan, j’étais #rivegauche « 

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Square Marcel Paul, Petit-Quevilly, IPL, 2019

 

(En raison de l’effet neige produit par les pâquerettes laissées enfin tranquille!)

Et puis je suis partie ailleurs, revenue à moi. Je vous vois circonspect. Ne l’oublions pas j’ai travaillé sur la rue et sa valorisation en termes de patrimoine mémoriel, la rive gauche, pour moi, c’est bleu.

 

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Trois couleurs: Bleu, IPL, 2019

 

Elle peut parfois passée pour ennuyeuse, elle est hors-mode, hors-tradition, hors-champ et c’est ce qui la rend, lorsqu’elle n’est pas ravagée par des constructions cubiques mortifères et des aménagements creux, increvable. Elle est underground, elle est punk, elle possède sa propre conception de tout. Je vous le prouve avec une image interdite.

 

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Rivages, IPL, 2018

 

On espère qu’elle survivra et qu’elle saura se défaire de ces arguments de vente qu’on lui envoie, qu’elle gardera son esprit paradoxale, inoubliable, de rive, encore un peu sauvage parce qu’elle est pourrait être une héroïne de roman policier, parce qu’elle serait un morceau de musique aux multiples sources d’inspiration, entre le folklore, le rock, le rap et le bruitisme. Elle, c’est haro sur le classicisme, haut les diversités!

Ne laissons pas ce Sud être privé de paroles car la rive gauche n’est pas hors-jeu!

« Dans l’horreur que suscite, chez certains, la sociologie entre pour beaucoup le fait qu’elle interroge le premier (ou le dernier) venu au lieu de donner la parole seulement aux porte-parole autorisés » La distinction, Pierre Bourdieu.

 

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Le grand nulle part, IPL, 2019

 

Bon voyage,

La Prochaine campagne vient de sortir: Si la rive gauche était une femme

Isabelle Pompe pour #sitespecific, Mai 2019, mis à jour le 1er juillet 2019.

 

 

 

 

 

Saint-Julien- Saint Clément

La rue Saint-Julien doit son nom au prieuré, initialement Léproserie fondée en 1183. Elle est située dans les quartiers Saint-Sever et Saint-Clément. Elle porte le nom du prieuré Saint-Julien qui était situé au Petit-Quevilly dixit Wikipédia. Cette rue est une expédition à elle toute seule.

Nous ne cessons de recevoir un vocable usé jusqu’à l’os telle que « l’innovation » « l’attractivité » pour aborder les enjeux d’une métropole, hier, je lisais « la Métropole Rouen Normandie est un chef d’orchestre » au regard de la politique environnementale locale. Les grands mots me direz vous, mais en quoi cet espace de référence, censé mutualiser, rassembler est-il à la tête d’un orchestre ? C’est avec cette constante hiérarchisation des espaces, des rapports et avec ces mots que le mal se fait sur des quartiers.

C’est avec ce que raconte un territoire que nous devons, localement, composer. En effet, contrairement à ce que les aspirants de l’attractivité pensent, une rue qui traverse deux quartiers ce sont deux rues distinctes. Le territoire extra local s’exprime, il serait bon de l’entendre et de cesser de lui imposer une assimilation, par souci d’uniformisation, car cela engendre des altérations préjudiciables et des écarts très importants entre ce qui est « vécu » et ce qui est « choisi ».

  •  Selon le Larousse et son dictionnaire de la musique, « Le but du chef d’orchestre est d’unifier le jeu des instrumentistes en tenant compte de sa propre vision musicale, pour servir l‘œuvre du compositeur devant le public ». Qu’a -t- on envie de demander à la Métropole Rouen Normandie ?  A partir de l’instant où il n’existe pas d’œuvre à servir, ou alors qui est le compositeur ? Que devient sa propre vision ? De plus, elle unifie quoi et qui est le public ?

 

C’est une stature politique que d’être habitant. Nous ne sommes pas « publics » ni « usagers » de nos territoires d’habitation.

 

Des améliorations sont toujours à apporter dans les quartiers, les communes, au regard de la propreté mais en quoi est-ce utile de construire ou d’autoriser la construction de logements neufs alors même que Rouen croule sous l’offre de logements vacants ?

« La ville de Rouen compte 67 825 logements, pour 6 124 logements vacants. La ville aux cent clochers s’en sort avec un taux de 9,03%. Nettement supérieur à la moyenne nationale (7 %), elle se place devant Le Havre, également. »Source

« En Normandie, le record de France des logements vacants. Pour cinq logements construits en Normandie, deux restent ou deviennent vacants. Une ampleur unique en France. »Source

De surcroît, ce n’est pas avec ce type d’occupation de sol que les quartiers vont en s’épanouissant. C’est sur le cadre de vie avec des aménagements, des parcs, de la verdure, du fleurissement et des arbres qui devraient porter les efforts. Le tout béton ne résout rien.

 

Ces axes, ces rues, ces avenues et ces immeubles où tout trouve un écho si gris sont d’une profonde laideur émotionnelle.

 

Cela me navre de mesurer combien les transformations que l’on souhaite apporter à cette rive sont en fait une succession de refus de réhabilitation d’une histoire humaine, d’une échelle humaine. La volonté étant toujours d’attirer les autres populations et le regard politique vers soi avec tout le gaspillage qui va avec.

Des carrefours où s’engouffrent toujours plus de voitures, voilà le décorum servi alors que vous êtes piéton et que vous souhaitez, seulement, vous balader. Une dégradation de qualité de vie, voici ce que je constate, il me faut traverser toujours davantage de grands axes pour me rendre de l’autre côté, cela en est dangereux, cela est désagréable. Cet air pollué, cette pollution sonore et cette cette vue saturée de véhicules jusqu’à l’écœurement me donne la nausée, à chaque fois, que j’emprunte la direction de la rue St Julien et que je la suis jusqu’à son terminus.

Quelle fascination peut-on éprouver pour des artères, des voies qui ne font que tracer des lignes droites sans une produire une once d’intimité, de charme ?  Ce modèle éprouvé est dépassé, combien de métropoles replantent des arbres et repensent leur urbanisation avec une place centrale pour le citoyen ?

 

Cette très longue rue

 

La suite de Saint-Sever prend sa source avec la rue Saint-Julien, dès la mairie annexe, puis traverse le boulevard de l’Europe (et donc le métro) pour longer l’Atrium (ancien Pôle des Savoirs), et filer toujours tout droit encore avant d’arriver sur la place Saint- Clément avec son église et sa poste. Un embarras du choix s’installe, soit vous poursuivez jusqu’en direction du Jardin des Plantes soit vous prenez le temps et bifurquez de gauche et de droite afin de prendre le pouls du quartier.

Au delà, elle poursuit encore sa course jusqu’au Petit-Quevilly.

  • Pour exemple, pour vous rendre jusqu’à la statue (rue) Martial Spinneweber (tout à côté du Lycée Élisa Lemonnier), depuis la mairie annexe Saint-Sever, il faut pendre la rue pendant 1km 300 environ.

 

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Statue Martial Spinneweber, Petit-Quevilly, Crédits Nawel Chaftar, rallye photo organisé par IPL

 

Comme un beau commencement, la rue Saint Julien c’est celle qui démarre donc avec la mairie annexe et la maison Saint-Sever. Une cabine téléphonique était plantée juste à l’angle de la rue Henri Gadeau de Kerville, à côté de la garderie. C’est ainsi que je l’ai rencontré cette voie, jour comme soir. Il est vrai qu’elle à de quoi dérouter cette rue avec cette pauvreté extrême qui croise ces maisons socialement d’une autre catégorie, pour ensuite nous planter, le bec dans l’eau, les pieds sur le bord, de la Route. Comme si cela ne suffisait pas, il vous faut TRAVERSER, à trois reprises, pour vous rendre de l’autre côté de la « berge ». Si le message n’est pas clair, il devrait être indiqué vous quittez une zone d’habitation ou encore un panneau rayé ferait l’affaire.

 

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Cabine is coming, IPL, 2015

 

Puis, après le franchissement de tous les dangers où le piéton n’est rien d’autre qu’une poule perdue sur la chaussée, on croise, à droite, un très grand et beau bâtiment classique, celui de l’Atrium (ancien Pôle régional des savoirs) où se trouvent encore la Cité des métiers et Normandie Image (ancien Pôle Image de Haute Normandie).

 

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Un soir, IPL, 2015

 

On longe, on va tout droit. La rue Saint Julien c’est alors une école Beethoven, un parc revu et corrigé à gauche et une place. La place Saint- Clément, avec sa fontaine Jean- baptiste de la Salle, ici, écourtée pour des raisons symphoniques et parce que je n’aime pas les édifices verticaux encore moins le style monumental.

  • Sur cette place s’élèvent l’église Saint-Clément (1870-1872), due à l’architecte Eugène Barthélémy, et, depuis 1887, la fontaine Jean-Baptiste de La Salle due à l’architecte Édouard Deperthes, avec statue en bronze de Jean-Baptiste de La Salle, œuvre d’Alexandre Falguière (1875). Vous l’aurez compris, quatre hommes sont à l’origine de la scénographie de ces éléments.

 

short place st clément

Caddie en place St Clément, IPL, 2019

 

 

De là, vous découvrez soit la rue Louis Poterat, et plus bas, la rue Alexandre Barrabé, encore un peu plus bas la rue du Terrain qui vous conduit in extremis au métro station avenue de Caen (direction Georges Braque). Sinon, d’autres options se présentent avec la rue de Gessard et les Verres & Aciers, une fois en fin de course, à gauche, se trouve le Petit-Quevilly (c’est le passage du Teor 4). Soit vous souhaitez poursuivre votre trajectoire rectiligne.

Sauf, que je vous arrête, vous êtes sur le point de manquer des histoires sociales, architecturales de grand intérêt au regard de la valorisation qui nous concerne. La rue Louis Poterat, c’est, à la fois, le Secours Populaire et le dernier bar brasserie de la rue encore en activité.

 

Urgence

L’urgence du Secours, IPL, mai 2019

 

La rue Louis Poterat rejoint la contre-allée (aujourd’hui ligne de Teor 4) pour s’en aller en direction du Petit-Quevilly.  Elle s’est vu totalement transformée notamment pour son final avec des immeubles qui ont poussé par quatre, cinq voire six lots ou presque! Elle est aujourd’hui presque méconnaissable pour sa partie droite, les maisons et le peu de commerces côté gauche restent inchangés jusqu’à aujourd’hui. Ce qui est frappant ce sont les notions de dimension et d’échelle. Les immeubles sont nombreux, hauts, de forme carré et tous de couleur identique alors que les maisons sont plutôt petites, vétustes et bigarrées. Alors, le point de repère qui me reste c’est cette brasserie et non plus ces cabines qui se plantaient sur le trottoir d’en face ou ces petites habitations. Tout semble noyé dans cette grande masse uniforme désormais.

 

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Le dernier, IPL, 2019

 

La rue du terrain a été découverte il y a déjà quatre ans (2015), elle possède sa très grande importance car c’est par elle que je suis tombée sur deux splendeurs. Elle est un axe, un point de départ, un chemin à emprunter pour nous conduire face à des « singulières ».

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Patchwork, IPL, 2015

 

Celle du 33 rue Alexandre Barnabé car elle se trouve cachée à hauteur du magasin Darty. Une maison cinématographique abandonnée visiblement pour autant des tailles et autres ménages ont été effectués dans le jardin. Elle fait l’angle, impossible de ne pas la rater. J’ai concentré mon intérêt sur son entrée mais elle est très vaste et haute.

 

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Psycho, IPL, 2019

 

 

Depuis la rue du Terrain, j’avais aperçu un jour, alors que la grille était ouverte, une maison à l’architecture des années 30 avec le fronton « Bureaux ». J’ai eu un coup de cœur immédiat pour cette construction. Je ne me souviens plus à quelle activité était lié ce local. Si vous avez des archives ou informations, n’hésitez pas!

 

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La belle, IPL, 2019

 

 

Verre & Acier

 

Situés rue de Gessard, ils sont trois couleurs: jaune paille, rouge sombre et bleu ciel.

« Dans le quartier Saint-Julien à Rouen, les Lods sont vides mais toujours debout. Et les riverains vont encore devoir patienter avant de voir revivre cette partie de leur quartier. La page des « verre et acier » n’est pas encore tournée à Rouen (Seine-Maritime). Ces immeubles des années 70 qu’on pouvait voir dans les Hauts de Rouen ou sur l’avenue Jean-Rondeaux n’ont pas tous disparu après le tragique incendie d’un de ces bâtiments qui a coûté le vie à deux fillettes en 2011, à la Grand Mare. Ainsi, dans le quartier Saint-Julien, les vestiges des Pépinières, vidées récemment de leurs derniers habitants, se dressent encore. »Source

 

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Blueprint, IPL, Mai 2019

 

« Construits entre 1968 et 1970 sous la direction de l’architecte Marcel Lods, les vingt-cinq « verre et acier » de la Grand-Mare reçoivent en 1976 le prix Reynolds, l’équivalent des Oscars de l’architecture pour ces structures légères qu’on venait voir du Japon et des USA. Trente ans plus tard, l’histoire des « verre et acier » s’écrit avec du sang. « Faites le ratio, s’insurge un habitant en remplissant, jeudi à la mairie, sa demande de relogement. Il y a autant de morts ou blessés que de sinistres. Donc si il y a un incendie, tout le monde a une chance d’y passer…… »Source

 

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Opération Tonnerre, IPL, Mai 2019

La destruction des immeubles est prévue en juin 2019, à surveiller photographiquement donc et pourquoi ne pas organiser une sortie photo à cette occasion…

« Enfin, le quartier comptera nettement moins de logements, 175 au lieu des plus de 500 qu’il comptait auparavant. « On peut aussi envisager des petits commerces, des activités, des bureaux… » Mais il ne faudra pas s’attendre à voir les premiers coups de pioches de ces nouveaux logements « avant 2020-2021 »

 

Une vie de quartier: une expérience humaine

 

« J’ai toujours vécu dans ce quartier. J’y suis née, chez mes parents dont j’ai repris la maison lorsqu’ils sont partis. C’est un quartier où je me sens bien parce que je connais plein de gens, c’est à taille humaine et rassurant. A Saint-Julien ou Saint-Clément d’ailleurs, on a tout sous la main. Commerces, services administratifs, de santé…

J’aime faire mes courses en prenant mon temps dans la rue Saint-Julien. C’est un vrai plaisir de recevoir mes enfants, mes petits-enfants, des amis. Ils aiment venir à la maison car il y a une atmosphère de campagne. Je travaille sur Rouen (étonnante remarque, la rue st julien c’est Rouen, non? ) et il n’est pas question que j’utilise la voiture. C’est le bus, tous les jours. Finalement, on est en ville sans vraiment l’être.  » Voilà ce que racontait Viviane Fletzer au PN le 19/06/2017 dans le cadre des portraits « c’est mon quartier « Source

Pour poursuivre, voici, ce qu’elle n’aimait pas :

  1. « La circulation m’effraie un peu. Et dans le quartier il y en a beaucoup. Mais des améliorations ont été faites dans la rue Saint-Julien. Cela diminue la vitesse des voitures. C’est mieux. »
  2. « La propreté, pas toujours au top. Il y a encore des gens qui ont de sales habitudes et mettent un peu n’importe quoi sur le trottoir… »
  3.  « En tant que femme je ne suis pas toujours rassurée quand, le soir, il m’arrive de devoir rentrer à la nuit tombée. »

A ce titre, nous aborderons, dans un prochain article, la question de l’espace public et le genre au sein de la rive gauche.

Et enfin, ce qu’elle aimerait:

  1. « Plus de verdure autour de la place Saint-Clément. C’est un immense rond-point et il gagnerait à être mis un peu plus en valeur.
  2.  « Un effort sur la propreté, mais c’est l’affaire de tous, pas uniquement de ceux qui nettoient. »

 

Et vous, qu’auriez-vous à répondre, à dire sur votre quartier St Clément ?

 

A suivre…

Isabelle Pompe, 19 mai 2019.

We are Saint – Sever

L’anglais, j’ai le droit grâce à John Holker, James Morris, James Hope… C’est quoi, au juste, Saint- Sever ? Un quartier, une commune à part entière, l’aile d’une rive, un pilier, une colonne vertébrale ? Ici, c’est l’occasion d’une focalisation sur la rue éponyme. Le quartier nécessiterait la narration d’un roman, la mise en place d’une enquête sociologique et historique dignes. Là, l’idée repose davantage sur la spontanéité de la rencontre avec un territoire. N’oublions pas, néanmoins, que celui-ci s’inscrit dans un quartier pour lequel il convient de faire quelques brefs rappels historiques.

  • Le quartier Saint-Sever est un quartier de la rive gauche de Rouen. Il s’organise notamment autour de l’église Saint-Sever (XIXe siècle) et du centre commercial Saint-Sever. C’est un quartier d’affaires, un centre administratif. Il est le cœur de la rive gauche de Rouen dixit Wikipédia.

 

Les arbres de la rue

 

 

Depuis mon premier face à face et mon adoption par cette rue, son visage a subi quelques transformations. Loin de moi l’idée de me perdre en direction du « c’était mieux avant » mais, il me semble déterminant d’exhumer quelques traces photographiques. Ces bouleversements quant à son allure globale sont allés jusqu’à impacter la vie de mes anciens voisins. En ville, d’une part, rien n’est plus agréable que les arbres et l’ombre qu’ils engendrent. De plus, domestiquer la nature à coup de parcelles revient à créer une sorte de conformité à une rue qui existait pour elle-même. Le résultat visuel de ma dernière visite m’a laissée amère, où sont passés les traits caractéristiques de cet havre ?

 

Et questionnons-nous maintenant: en matière de cadre de vie, de charme, de biodiversité, quel est le match entre marronniers et bouleaux ?

 

Vous allez découvrir les motifs et la stratégie territoriale avancée par la Métropole Rouen Normandie, je vous laisse méditer sur ces éléments d’informations.

Une mue baptisée « Requalification des rues et place St Sever » Source

Planning des travaux : Novembre 2017 – Novembre 2018 – « La mue du quartier Saint-Sever, lancée en 2014 avec la halle des Emmurées, se poursuit, du marché à l’église et au centre commercial. D’ici à la fin de l’automne 2018, la rue Saint-Sever affichera son nouveau visage. Un visage de dalles de granit et d’enrobé rouge, rappelant les aménagements réalisés dans le cadre de Cœur de Métropole sur la rive d’en face. La nouvelle voirie appelle à la marche à pied, idéale pour le commerce de proximité (la rue était déjà piétonne!!). Le mobilier inclut, à la demande des riverains et de l’Atelier urbain de proximité mené en amont par la Ville, bancs et jardinières, toujours dans l’esprit de balade qui anime le quartier. Le remplacement de marronniers trop volumineux par des bouleaux, plus adaptés, finit d’illuminer cette artère commerçante…. »

 

#Aujourd’hui, la rue un jour ensoleillé de mai 2019

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The Survivor – Ici, au 1er plan, le seul marronnier qui a survécu aux travaux de la rue, 2019, IPL

 

Un peu d’histoire locale

 

À l’origine connu sous le nom de faubourg d’Emendreville, le quartier prend le nom de faubourg Saint-Sever lors de la translation des reliques de saint Sever, évêque d’Avranches, à la fin du Xe siècle, dans l’oratoire Saint-Cassien, devenu par la suite église Saint-Sever.

John Holker

Né à Stretford (près de Manchester), le 14 octobre 1719, mort à Montigny en Seine- Maritime le 27 avril 1786, John  Holker est un manufacturier anglais, fondateur de la manufacture royale de velours de coton de Saint-Sever, nommé inspecteur général des manufactures en 1755, chargé de promouvoir l’industrie textile en France.

  • En 1749, alors qu’il est capitaine en second de ce régiment, il rencontre à Rouen Marc Morel, inspecteur des manufactures pour la région. Morel est séduit par ses capacités dans le domaine de l’industrie et l’encourage à remonter une entreprise textile sur place. Il vise la création d’une manufacture de velours de coton, un type d’établissement qui n’existe pas encore en France et dont il a appris toutes les techniques. Comme le gouvernement anglais lui a refusé le pardon, Holker accepte de quitter l’armée et de se lancer dans l’aventure à Rouen, qui est déjà un centre cotonnier important. Les essais menés à la manufacture de Darnétal pendant six mois en 1752 sont concluants et Machault d’Arnouville l’autorise, par arrêt du 19 septembre de la même année, à fonder sa propre manufacture à Saint-Sever. La direction de l’entreprise lui est confiée et il lui est imposé de recourir à des associés français (d’Haristoy à Darnétal, Paynel et Dugard à Rouen, Torrent à Paris).
  • Holker s’est intéressé également à la faïence, ce, pour trois raisons : c’est une activité importante à Rouen, les colorants font partie de ses fournitures de base, comme pour le textile, et il a embauché pour le seconder un jeune fils du grand faïencier Jean Guillibaud, Philémon Martin, qu’il va progressivement associer à ses affaires (il remplacera en 1759 d’Haristoy, décédé en 1757), et qui ira même jusqu’à racheter ses entreprises en 1791.
  • Enfin, en 1762, John Holker fonde avec ses collègues James Morris et James Hope une teinturerie à Saint-Sever, pour laquelle il a obtenu le statut de manufacture privilégiée, avec en prime la naturalisation de ses deux associés.
  • Son succès est tel que le gouvernement anglais s’en inquiète et veut le faire revenir au pays.

 

Deux siècles plus tard, le centre commercial

 

Inauguré le 24 octobre 1978, il permet de créer un deuxième centre ville à la ville de Rouen. Ce quartier dispose également d’une mairie annexe qui se trouve au RDC du centre.

Le centre commercial participe à la transformation complète du quartier et engendre une forme de dynamisme économique durant un certain temps toutefois le quartier ne se résume bientôt plus qu’à cela, vit à son rythme imposé d’espaces privés. Point de chute, d’arrimage, arrêt de station de métro, il est cette centralité manquante qui offrent des modules, des allées, des magasins, des lieux de consommation où même la culture* avec son Kinépolis se consume…Donc, ici, vous ne trouverez pas de photographie du centre. Autour de lui, c’est une autre vie qui se juxtapose, tant bien que mal. Avec les rues du Mail, Lafayette, de Lessard, L’Abbé Lémire, des Emmurés, Gadeau de Kerville, à la fois, commerçantes, résidentielles, elles participent à la création d’une enclave avec une typologie de commerces. Nous y reviendrons ultérieurement.

 

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Les arrières du centre, rue Gadeau de Kerville, Mai 2019, IPL

*La culture qui s’était enorgueillit, un temps, d’avoir au sein du centre un théâtre, Le Duchamp Villon se voit par la suite privée de celui-ci, il lui reste une bibliothèque du réseau R’Rouen et sa MJC qui semble être sous le coup de projets culturels neufs.

 

Une rue et ses coulisses

 

Une voie est aussi un formidable poste d’observation. J’ai été résidente du 124, par conséquent, j’ai pu entendre, assister à toutes formes de manifestations, de bruits. De jour comme de nuit, cet axe possède plusieurs visages. J’ai pu écouter les feux d’artifices, les sons de la Foire St Romain (à l’époque rive gauche), les intonations des commerçants, les notes, les ondes et les onomatopées propices à un espace aussi vivant. Depuis ce « chez moi », j’avais soit le choix de composer avec les inflexions du bas, soit de me construire mon propre ronronnement. Parfois en accord avec cette cadence, ces balbutiements, ces  tapages, ces crépitements, grincements, ces vrombissements intrinsèques à toute rue piétonne, je me suis surprise à être.

Là, se narre, une séance de gonflage dans la toute rue/parking/allée située derrière chez moi. Cet endroit a pu accueillir des éléments qui n’avaient aucun rapport les uns avec les autres, créant ainsi un tableau quotidien neuf et saisissant. Les chats, poubelles et voitures étaient les résidents perpétuels de ce théâtre en plein air mais des chaises, une végétation libre, des gens perdus ou cachés fonctionnaient comme les adjuvants du cadre.

 

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Derrière, IPL, 2015

 

La rue, un espace public

 

Elle est cet endroit où des gens souhaiteront toujours s’y installer, s’y poser pour prendre l’air, profiter librement d’une vue, d’un instant. Avant les très importants travaux, la rue ressemblait à une allée colorée avec des arbres et de l’ombre. Ces superbes marronniers roses avaient leur vie propre, que ce soit à leurs pieds où jouaient des gens où se reposaient, se donnaient RDV d’autres ou dans leurs branches où les oiseaux étaient si nombreux qu’il était impossible de chiffrer combien de tétrapodes co-habitaient. Depuis, les choses ont nettement changé, les joueurs se sont rassemblés à côté des poubelles. Les oiseaux, je les entends moins. Et l’ombre a disparu.

 

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Les joueurs, IPL, 17 mai 2019

 

Une rue, la nuit

 

En bas de chez soi, alors que nous sommes dans notre appartement, les situations continuent, sans nous, à se scénariser. Sa centralité lui confère un point de RDV facile pour le monde associatif, caritatif telle que La Croix Rouge et ses rondes. La rue est aussi un « lieu de vie » violent pour les personnes sans domicile. L’absence de bancs n’aide pas, alors c’est à terre, que je l’ai croisé. Un seul me reviendra toujours à l’esprit. D’une part, parce que je suis tombée nez à nez avec son agression contre la devanture de l’ancien magasin Tati,  nous avons aidé les secours et la police. Il était vivant, pour moi, il allait s’en sortir. D’autre part, parce que je l’ai croisé, chaque jour, avec son chien, ses affaires et n’ai jamais osé le prendre en photo. Triste souvenir.

« Claude avait 74 ans. Il est mort lundi 5 octobre 2015 au CHU de Rouen, après avoir reçu au visage des boules de pétanque. »Source

 

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Rue Saint Sever, 2015, IPL

 

 L’Église & sa cabine téléphonique

 

Figure emblématique du quartier, l’Église est un lieu que j’ai très rarement fréquenté, c’est à peine si, les rares fois où elle était ouverte, j’y sois entrée. Par contre, je l’ai contourné en réalisant des tours et détours pour photographier son toilette public (en face du centre) ou sa cabine téléphonique tout près de l’arrêt de bus du 6.

D’ailleurs, la rue St Sever comptait beaucoup d’édicules, des trio, quatuors, bref, des cabines étaient disposées un peu partout pour mon plus grand plaisir.

 

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Saint-Sever & Cab – projet « Cages à suées- IPL, 2015

 

Les marchés

Non loin, juste en bas de la rue, surgit la place du marché des Emmurès. Marchés pluriels, toute catégorie le mardi et samedi et brocante le jeudi sont au programme.Source

« Le monastère des Emmurées occupait un vaste quadrilatère de terrain situé à l’ouest de la rue St-Sever , pratiquement à mi distance de l’église du quartier et de la rive de la Seine. Les bâtiments entouraient les galeries d’un cloître. Le reste du terrain était à usage de jardins ». La suite de cette histoire

 

St sever en marché

Un jour de jeudi, IPL, 2015

 

Une exploration en épisodes… A suivre donc!

 

Isabelle Pompe, 18 mai, 2019

 

 

Fenêtres sur rues

La rive gauche se caractérise, aussi, par son charme un peu vintage, son allure déglinguée, il est vrai, par ses façades, ses maisons, ses architectures toujours plus inespérées. Elle est un voyage singulier que je ne cesse de photographier et pourrait être le portrait d’une fenêtre sur un monde inversé.

Elle n’incarne pas un monde fini mais représente un microcosme où l’imaginaire, où l’ambiance semble encore préservés. Des rencontres que je voie photogéniques mais aussi cinématographiques qui agissent comme des références explicites et implicites au répertoire du cinéma français des années 60, 70 lorsque le monde entier nous enviaient nos seconds rôles…

 

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Rouen, rive gauche, IPL, 2019

 

Elle est aussi une redéfinition de l’esthétique, ce qui est beau ou laid n’a pas cours. Elle est accoudée à un temps dont peu se souviendront. Elle se porte comme dépositaire des dernières heures. Alors qu’elle subit beaucoup de travaux, d’aménagements et que les constructions d’appartements ne cessent de voir le jour au point de tout ramener à l’infini détail, c’est là, que les vestiges d’un autre monde refont surface de manière troublante.

Au delà de ses commerces, elle dispose sous nos yeux des scènettes, des séquences, des adresses, des endroits où le surréalisme croise le symbolisme où l’espace d’un instant, nous sommes devant une vision réelle d’un temps jadis qui fièrement se plante devant nous.

 

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Façade immeuble, Grand-Quevilly, IPL, 2019

 

Elle est poétique, suscite l’empathie, le sourire, elle est ce devant quoi, nous nous sommes rarement trouvés ou alors sans y prêter attention. Elle récuse le gigantisme dans le sens de la démonstration de force. Elle est très convaincante dans son rapport entretenu avec la préciosité du passage. Réussi ou pas, telle n’est pas la question, elle préfigurait un monde passant, un monde vivant qui, petit à petit, aurait pu se scléroser mais qui parvient, malgré tout, à tenir encore sur ses jambes. Imaginez l’étonnement des bétonneurs, des neutralisateurs qui officient aujourd’hui. Certains immeubles induisent naturellement l’inconfort, d’autres semblent plutôt bien s’en sortir avec des vues dégagées, des balcons, des tailles de fenêtres admissibles. Leur figure de gros bloc carré me fait penser à des météorites tombés du ciel, tels quels.

 

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Grand-Quevilly, IPL, 2019

 

La rive gauche œuvre avec ses immeubles, ses maisons. Les constructions se croisent, parfois se toisent mais le plus souvent elle se découvre ni triste ni ennuyeuse. Elle est, par ailleurs, viscéralement méconnue. Elle a nourri mon envie profonde de questionner sa mémoire, sa sociologie. Ses espaces sont, pour moi, encore des découvertes. Les aiguilles, les pointes, les pics, incarnés par une typologie de bâtiments me désennuient. Les reproches que je formulerai, toutefois, ce sont le bruit et l’odeur dus, en majeure partie, aux voitures omniprésentes sur ces territoires sociaux.

Lors de mes rallyes photo ou lorsque je me fixe un point de départ géographique pour faire des images, je réalise assez vite que l’histoire qui va m’être racontée sera baroque, tour à tour, engagée, minimaliste, avec des personnages timides ou complétement hétéroclites. Et c’est cette hétérogénéité là qui me donne envie de constituer une archive de l’ordinaire dixit la rive gauche.

 

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Grand-Quevilly,IPL, 2019

 

Je réside au Petit-Quevilly chez les Lebas. Immeubles de briques un peu sombres au bas de couleur grise. Certes mal isolés, durs à chauffer ou à refroidir ou de ne pas vivre au rythme de ces voisins mais, ils restent un territoire atypique, à eux seuls, ils élaborent la rue. Ils ont inventé, modelé, organisé l’artère. De mon quartier, je me déplace à pieds, en transport et quelques autres fois à vélo. Par ailleurs, je connais bien St Sever, durant une année, d’une part, j’y ai vécu et d’autre part je n’ai cessé d’arpenter ce quartier en long, en large et en travers. De jour comme de nuit, j’ai rencontré, photographié, écrit depuis cette rue.

 

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124 rue Saint-Sever, Rouen, IPL, 2015

 

Beaucoup de travaux ont transformé cette allée, les marronniers ont tous disparu sauf un. Les bruits de la rue le samedi étaient difficilement supportables mais, comme tout premier poste d’observation, je n’aurais pu espérer mieux. Près de tout, tout était gérable à pieds ou presque, le métro, les commerces tout à côté, c’était commode. Depuis cette nouvelle vie, j’ai pu explorer, sans concession, l’amont et l’aval de la rive gauche. En parallèle, j’ai lancé, en 2015, un projet de cartographie de cabines téléphoniques à partir de celles situées, en nombre, sur ma voie, puis au-delà et plus loin encore. Un peu plus loin, le quartier St Julien a, lui aussi, connu des transformations notables. Je veille, avec attention, sur la destruction à venir des Verres & Acier de la rue Gessard.

 

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La dernière brasserie de la rue Poterat, quartier St Julien, IPL, 2019

 

Depuis cette rive gauche rouennaise, j’ai atterri sur le territoire du Petit-Quevilly et, comme tous, mes services se sont graduellement recentrés vers le Grand-Quevilly, à commencer par le Pôle Emploi, la trésorerie…Donc, il m’arrive régulièrement de m’y rendre. Le face à face avec cette commune fut du même ordre ou presque qu’avec la ville du Havre pour moi: une forme de choc esthétique et une planification urbanistique énigmatique. Beaucoup de choses à dire et à montrer pour cette ville, des rues, des immeubles, des maisons, des structures culturelles, la Roseraie…

Ici, le Grand-Quevilly et son mythique magasin de chaussures, survivant du quartier qui vit peut-être au rythme de l’attente de la retraite de son propriétaire… Les Chaussures Jean existent depuis 1957, de père en fils, « ce commerçant indépendant, passionné et proche de sa clientèle, Didier Sibbille à su développer, faire évoluer et pérenniser son Commerce de Ventes de Chaussures sur l’agglomération de Rouen. »Source

  • Vous l’avez put-être déjà constaté mais rarement les communes sont citées, est privilégiée la formule floue: « l’agglomération de Rouen ». Pourquoi ?

 

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Ses CHAUSSURES, Grand-Quevilly, IPL, 2019

 

Cette rive gauche pourrait être taxée de ringarde, d’obsolète. Elle bouscule le goût ce pourquoi elle ne peut être associée à ces adjectifs, ou désignations: has been, vieillot, de plus, elle est, à l’aune des nouveaux collectionneurs (Young Timers), le réceptacle de fragments de temps, encore jeunes. 

Je n’irai pas vers l’exagération voire la provocation car c’est ce que je ressens lorsque j’entends qu’elle est The place To Be. Surtout pas, certainement pas, cette expression sort de la bouche de ceux qui aimeraient, je crois, la gentrifier, qui ne composent pas avec son territoire extra local, qui n’y résident pas ou alors de manière privilégiée. Avant de lui adresser ce vocable hors-sujet, il serait bon de faire sa connaissance pour pouvoir la respecter, de mesurer ses faiblesses, de recevoir ses messages pour mieux la cerner et tenter de la révéler, enfin.

Ses propositions architecturales ou paysagères sont parfois analogues, et nous assistons à un défilé de rues avec les mêmes maisons de briques, ou des immeubles qui ne rivalisent pas avec la singularité mais bon, disons que ça va encore à peu près sans rentrer dans les détails. Néanmoins, là où les choses sont nettement plus inquiétantes c’est, d’une part, la gestion de l’ennui de ces populations et, d’autre part, l’absence angoissante des piétons. Combien de rues, d’avenues ai-je emprunté, depuis mon arrivée, et combien de fois, me suis-je demandée mais où sont les gens ?  Mais en voiture, pour la plupart ou chez eux ! Sortent-ils ? Où sont ces espaces citoyens, gratuits pour que les gens, résidents, extérieurs, de passage ou touristes se rencontrent ?  Pas dans la rue, au vu de mon travail en photographie sociale sur « la disparition du piéton », je peux vous assurer que les rues de la rive gauche (il en existe aussi beaucoup rive droite) ne sont pas propices à la ballade pédestre ni à des dialogues.

 

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Une rue, Grand-Quevilly, IPL, 2019

 

De longues rues où se sont ajustés des immeubles, des rues plus petites qui ne sont que rarement empruntées par des piétons, des vélos, voilà, là, je croise quelques personnes âgées. Honnêtement je trouve cela préoccupant de voir ces trottoirs évidés. Ces langues sont de plus en plus fines, parfois, il est même impossible de poursuivre sa route car une voiture s’est placée sur ce bout de bitume ou des poubelles, encore des poubelles, mais, comment fait-on? Comment font les personnes avec des bagages, des sacs de course, des caddies, des poussettes, les personnes à mobilité réduite ?  Pourquoi ne parvenons-nous pas à offrir du respect aux piétons?

Pourquoi vous ne quittez que trop rarement votre véhicule ? De ma fenêtre, qui donne sur la rue Lebas, la journée, je vis avec des voitures. Il ne se passe pas 10 minutes sans qu’un véhicule ne démarre, ne se gare, ne fasse tourner son moteur, inutilement. N’avons-nous pas autre chose de commun à nous donner à vivre ?

 

Isabelle Pompe, 16 mai 2019.

 

 

 

 

 

 

Ligne de partage Vs Ligne de front

Parlons de partage, de frontière et de limite. Une ligne c’est quoi ? Deux options s’offrent à nous:

  • Trait continu, dont l’étendue se réduit pratiquement à la seule dimension de la longueur : Tracer, tirer des lignes.
  • Trait réel ou imaginaire qui sépare deux éléments contigus ; intersection de deux surfaces : La ligne de l’horizon.

Voire trois: trait tracé sur le sol pour délimiter une piste, en marquer le début et/ou la fin : Ligne de touche.

Ligne de partage

Le partage c’est quoi ?

  • Action de diviser une chose en portions, en parties : Le partage du butin.
  • Fait de partager quelque chose avec quelqu’un : Le partage du pouvoir.

Ce qui nous intéresse, tout d’abord, c’est la ligne de partage. Cette association de mots est aussi régulièrement associer à « la ligne de partage des eaux » (limite géographique qui divise un territoire en un ou plusieurs bassins versants. Plus précisément, de chaque côté de cette ligne, les eaux s’écoulent in fine dans des directions différentes…En France, il existe des points triple et quadruple avec par exemple Rhône/Seine/ Meuse, Rhône/Seine/Loire, Rhône/Loire/Garonne…)

Ici, avec Site Specific, nous sommes avec la Seine pour unique actrice, de ce fait, pas de « ligne de partage des eaux ».

Chaque métropole entretient un rapport avec son fleuve qui cristallise parfois une relation proche de la symbiose ou une difficile cohabitation. Le 1er élément à observer ce sont la considération des quais et leur aménagement. Nous comprenons qu’à Rouen, les quais ont aussi été pensés comme des hébergeurs de paquebots touristiques. la rive droite avait ses occupants saisonniers et qu’en était -il de la rive gauche ?

La rive gauche est doublement coupée car la ligne de chemin de fer suit la Seine.

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Europa (Gare désaffectée Rouen rive gauche), IPL, 2015

Disons qu’elle avait sa ligne de chemins de fer, ses trains, son dépotoir tout du long, que, de temps à autres, quelques voitures venaient y faire des courses, des dérapages pour se marrer, que longer ses quais c’était comme traverser un pays dont le sol et le décor étaient suspendus à une époque antérieure…Mais cela pouvait avoir son charme, sa forme de mélancolie…

Et puis, petit à petit, on a commencé à voir apparaître, des éléments de décor comme des choses en couleur:

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Red (quai rive gauche), IPL, 2015

Cela n’a pas vraiment changé à cet instant, d’ailleurs, mon étonnement fut grand lorsque j’ai découvert ces baby-foot seuls, rouge, là. La dignité de la rive gauche n’était pas pleinement réhabilitée avec ces petits efforts, une courtoisie à peine. La balance entre les quais allait prendre encore un tout petit peu de temps.

 

La différence

« Caractère ou ensemble de caractères qui dans une comparaison, un ordre, distinguent un être ou une chose d’un autre être, d’une autre chose. »Source

Pour celui qui se postait d’un côté ou de l’autre de la Seine, les éléments de disparité étaient flagrants. En face, les quais avec le Marégraphe étaient de toute beauté avant le Panorama XXL. D’ailleurs, il fut question, un temps, que cet équipement déménage rive gauche….

Désormais, les quais ont leur arbres et n’ont plus leur fête foraine. Les face à faces se passent mieux déjà à hauteur des quais, après cela se corse toujours un peu dès qu’on en sort et qu’on emprunte les rues qui irriguent les quartiers St Sever, Europe, Grammont, St Julien, Jardin des Plantes et la direction du Petit-Quevilly via l’avenue de Caen…

Trop, beaucoup trop de voitures circulent, bouchent, polluent ces axes et le ressenti en termes de vie de quartier est à la peine. La faute à des aménagements urbains pour le « tout voiture » ou plutôt, le « tout transport routier ». Les piétons galèrent, les vélos tentent leur chance un peu. Les lignes de front que sont ces rues, avenues où les véhiculent circulent en trop nombre, souvent à trop grande vitesse apportent au décor une grande indécence. Le charme n’opère plus car cela n’a rien de très agréable comme promenade pédestre…

  • Les milliers de pots d’échappement, ça empoisonne
  • Les milliers de véhicules routiers, c’est dangereux, bruyant et cela prive toute qualité de l’air, de vie.
  • Les communes écrasent sous le poids de leur « sur-immatriculation »
  • Les transports en commun tel que le Teor ou le Métro usent les rues, les quartiers et crèvent le commerce local. Regardez Rouen rive droite et l’avenue Alsace Lorraine, continuez avec Le Petit- Quevilly et l’avenue de Caen/Jaurès depuis le métro….D’un côté, l’ennui ce sont les qualités d’aménagement de ces lignes…Elles sont au mauvais endroit ou non adaptées, elles empêchent toute centralité pour les habitants et donc la création de lieux fluides de partage. D’un autre côté, avant, il y a peu, le métro n’existait pas…et donc la distance allait de pair avec la différence…

Ici, rive gauche, nous subissons la voiture et l’absence de vie de quartier, de centralité tout simplement pour certaines communes c’est très flagrant, ce ne sont que des lignes, et encore des lignes, des horizontales, droites, tout droit, toujours tout droit…Mais avant, cela, nous évoluons derrière nos fortifications à angle droit.

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Un jour flou d’angles, IPL, 2015

Notre enceinte, notre enclave, la cité administrative, la tour des archives, passez par la Place Joffre c’est plus agréable même si le balai des voitures, la ligne droite jusqu’à St Sever et le métro qui suit la ligne c’est un peu trop « toujours tout droit »….

Le Centre commercial St Sever est un lieu privé qui fait office de lieu de vie car la mairie n’est pas parvenue à avoir l’idée de créer un endroit de partage. A côté du centre, il y a la MJC et les services sociaux, de l’autre côté le marché Place des Emmurés, ok. Les rues du quartier sont résidentielles et les quelques commerces « ghettoïsent » les espaces, par exemple, ceux de la rue Lafayette, de la rue St Sever. Dans le même temps, à Rouen, les loyers même rive gauche sont chers, les baux commerciaux sont en grande difficulté idem rive droite.

  • Pourquoi ne pas pas proposer des baux précaires, solidaires, associatifs ou je ne sais pour ne pas laisser mourir ces quartiers ?
  • Et ne pas se recentrer sur la rive droite et son hyper centre historique en termes d’actions de ce type.
  • Cesser le clivage cela commence aussi là, permettre les conditions d’une mixité repose sur le fait qu’il ne faut ni abandonner ni privilégier.

 

Le manque d’équité

En écoutant l’histoire de la rive gauche et la perception qu’en ont les habitants lors d’entretiens, nous pouvons prendre la mesure d’un sentiment de colère, d’abandon en raison d’un manque de traitement égalitaire. Au point que les appellations rive gauche et rive droite avaient, un temps, disparu au profit de Sud, Nord, Est et Ouest. Il n’en demeure pas moins que le code postal est une affaire qui passe encore très mal. 76000 et 76100 ressort comme parfois « une différence injuste », un « cela veut tout dire » , « un symbole ». Cette distinction géographique est nourrie par la concurrence déloyale qui prédomine sur les deux rives. Une compétition? Non, une affirmation de supériorité d’un bord et une déconsidération pour l’autre.

Screenshot_2019-05-15 Arrondissements de Paris — Wikipédia

 

La faute ne revient pas au fleuve.Il est vrai qu’à Paris, la Seine traverse aussi la ville, c’est aussi un département, mais ce n’est pas tout à fait à partir du fleuve que les vingt arrondissements municipaux forment « l’escargot ». Les 20 arrondissements ont été créés en 1859.

 

 

La distinction

A l’origine, Rouen existait seulement rive droite. ce qui constitue un problème historique majeur car c’est « à partir de » et non « avec » que la ville s’est développée. Son aire urbaine relève de la Métropole Rouen Normandie, donc non, la rive gauche de Rouen, ce n’est pas la banlieue. Il est vrai que le passage d’un état de la matière à un autre est encore perçu, aujourd’hui, comme une altération. Ce qui se trouve être à l’origine de cette distinction. Le fait d’avoir annexé la rive gauche au monde premier rouennais (rive droite) continue d’alimenter les logiques excluantes. En face pas de réplique, pas de ressemblance, avec ce tête à tête de rive se plante une ligne de front, une ligne d’opposition, de camp adverse. Le meilleur moyen pour la rive gauche d’exister pleinement, librement serait de refuser ce jeu de dupes, de s’émanciper de ce rejet, de ce traitement de défaveur, de refuser ce qui la hiérarchise.Pour cela sur qui peut-elle compter ? Qui pour la promouvoir, pour la dire, la raconter et d’ailleurs où se fixent les regards ?

Entre les quais et le jardin des plantes ?

« La rive gauche ne se limite pas aux bords de Seine. Plus en retrait, le Jardin des plantes devient un spot de choix pour les touristes. Près de 568 000 personnes l’ont visité en 2016. Le centre commercial St Sever est cité toutefois, les grands travaux du quartier ont marqué économiquement durablement, de plus, les touristes se voient régulièrement proposer davantage d’offres de restaurants et d’hôtels rive droite ce qui parfait la névrose des commerçants. « Antoine Péllerin, réceptionniste à l’hôtel Saint-Sever, fait le même constat : « L’affluence est meilleure en semaine, nos clients sont surtout des gens venus pour leur travail à Rouen et qui habitent loin de l’agglomération. Quelquefois des cars de touristes allemands ou hollandais arrivent jusqu’ici tout de même, mais c’est peu fréquent. », le journal poursuit pour cet article du 30 mai 2018 : « Beaucoup d’eau coulera encore sous les ponts avant que les deux rives se rapprochentSource

  • « L’office de tourisme organise « des rallyes de visite » dans le quartier Grammont deux fois par an – des visites à pied de 2 à 3 heures accompagnées d’un guide qui s’adapte aux thématiques choisies par les familles. » Source
  • Et enfin, le Parc urbain des Bruyères (L’ancien hippodrome, à cheval entre Rouen, Sotteville-lès-Rouen, Saint-Étienne-du-Rouvray et Le Petit-Quevilly fermera mi-juin. Il ne rouvrira qu’à l’issue des travaux, prévue fin 2019.)

 

Avec Site Specific, essayons de valoriser cette rive comme elle le mérite et donnons à voir les images de celle-ci, son histoire, sa mémoire, son patrimoine et ses habitants.

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Trois couleurs: Bleu, IPL, Petit-Quevilly, 2019

Le Petit-Quevilly, commune de résidence, possède des ensembles architecturaux, une histoire ouvrière passionnante et toujours des ambiances!

De nouveaux lieux émergent, tels que le Kaléidoscope des Copeaux Numériques

 

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L’intérieur du Kaléidoscope, 2018, Crédits Joëlle Petit

 

Au-delà des lieux, des noms, des labels et des projets, toutes les communes de la rive gauche sont des mines d’or au quotidien, elles offrent un « patrimoine de l’humilité ».

 

Pour dernier exemple, comment est-ce possible que peu de personnes connaissent le pôle régional des savoirs qui a, certes, depuis changé de nom mais, au fait, quelle est sa mission?

L’ATRIUM

L’Atrium, ex-Pôle régional des savoirs, devient un nouvel espace régional de découverte des sciences et techniques de Normandie.

D’une surface de 1 000 m² d’exposition, il abrite jusqu’en octobre 2019 l’exposition annuelle sur l’espace et l’aérospatiale « Voyage vers Mars. Découvrir la science de l’air, de l’espace et ses métiers », co-construite avec NAE, la Cité de l’Espace de Toulouse, la Cité des Sciences et de l’Industrie, des partenaires de recherche locaux, la Cité des Métiers de Normandie…

Y sont hébergées une quinzaine d’associations régionales qui  œuvrent pour le partage des savoirs et des connaissances dans différents domaines : Cité des métiers de Normandie, Agence régionale de l’environnement, CARDERE, Normandie Images, Normandie Livre et Lecture, Promotion Santé Normandie, Journal Globules…

Source

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L’Atrium c’est :

  • Un lieu scolaire et grand public, ouvert du mardi au dimanche
  • Une grande exposition de dimension nationale
  • Une animation menée par Science Action Normandie, pour la diffusion de la culture scientifique et la découverte des métiers, en lien avec la Cité des Métiers.

 

Nous reviendrons, plus en détail, ultérieurement sur des structures et leur typologie de publics, telles que Seine Innopolis qui malheureusement ne repose pas sur un projet en partenariat avec la population locale et de, ce fait, fait figure de beauté architecturale inaccessible pour les habitants de la commune.

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Seine Innopolis (Ancienne usine de filature- La Foudre), Petit -Quevilly, IPL, 2016

 

Isabelle Pompe, 15 mai 2019

 

 

 

Petit-Quevilly, un territoire social

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Rue Jacquard, Petit-Quevilly, 1914

Le « territoire » est à comprendre au sens de « commune ». Par  territoire social, j’entends, réaliser une exploration de la population de cette commune pour préciser ses spécificités et ses ressources. Une population se définit par l’ensemble de ses habitants mais nous aborderons aussi les employés des sites industriels dont le siège social est/était lié à cette commune. Chaque espace de référence a son propre territoire social : du fait qu’il soit interdépendant d’un passé économique et aussi parce que les modifications, que ce territoire a subi, lui sont propres.

Pour exemple, Le Petit- Quevilly était à l’origine une commune rurale qui, de par, son sol (plutôt sableux), cultivait un certain type de céréales (seigle). Son centre historique s’est construit autour de l’église. Ses terres, plutôt maigres, semblent nous indiquer que la population avaient de faibles ressources.

Érigée en paroisse autonome au début du XVe siècle, Petit-Quevilly et ses quelques centaines d’habitants décident de construire une église aux proportions plus importantes que la modeste chapelle, succursale de l’église Saint-Pierre de Grand-Quevilly, servant jusqu’ici au culte. Source

La mare possède un rôle très important pour la commune. Elle fait partie intégrante du  village.

La proximité de la Seine, pour le Petit-Quevilly, aura un impact décisif sur son devenir économique, social et sur le type d’entreprises qui viendront s’y installer.

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Eglise St Pierre et la mare du Petit- Quevilly, date approximative (timbre semeuse orange 1907/ 1922)

Les interventions de la préfecture de la Seine-Inférieure

Le préfet de la Seine-Inférieure (chef lieu: Rouen) va avoir un rôle déterminant pour la commune. Deux de ses interventions vont sceller l’avenir de ce territoire. D’une part, il autorise, en 1808, l’implantation de l’usine Malétra, privilégiant ainsi une terre éloignée de Rouen et de ses habitants. La production de cette usine est perçue comme dangereuse. La chimie s’installe sur ces espaces peu peuplés et pauvres. La venue de Malétra fut, peut-être, associée à un essor pour la commune grâce aux emplois et à une promesse de modernisation. La question de la réception, de cette usine, par la population, fait partie des pistes à explorer.

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Quartier Nobel (actuel quartier de la Piscine) en 1977 – Archives municipales Source

D’autre part, les limites des terres du Petit-Quevilly demeurent floues relativement longtemps, puis, en 1811, l’étendue en surface de la commune, est clairement définie par le préfet de la Seine Inférieur. Désormais, il faudra compter 652 hectares. La commune du Petit- Quevilly est, alors composée de 1000 habitants.

Transformations et ruptures

L’essor de Rouen, via son port, St Sever (Rouen, rive gauche), et le chemin de fer vont favoriser le développement soutenu de l’industrie sur ce territoire. La chimie, sera en 1ère ligne, ce, tout au long du XIX ème siècle. La commune change d’allure et de visage.C’est par l’avenue de Caen, par cette ligne droite, que tout commence pour l’industrie locale. Comme un prolongement naturel vers Rouen, elle accueille, par exemple, le gigantesque bâtiment de la Foudre, dès 1845-47. Cette construction phare est novatrice. Édifice aux dimensions impressionnantes (147 m de long et 16 m de large), La Foudre, a, en outre, connu de multiples vies. A partie de 1859, les transformations se succèdent. Elle relève, aujourd’hui, du patrimoine industriel et a été reconvertie.Reconversion du patrimoine industriel région Normandie

 La filature de lin « la Foudre » demeure, à son ouverture, la plus grande usine du genre en France.

La population de la commune

Screenshot_2019-03-01 Modèle Données Le Petit-Quevilly évolution population — Wikipédia

Source Insee

Et le village devient, petit à petit, une ville…

En un siècle (1793/ 1891) sa population est multipliée par 13. Dès le milieu du XIX ème siècle, elle progresse au rythme de l’essor industriel. En quarante ans, elle est triplée, passant d’environ 3000 habitants (1851) à plus de 10000 (1891).

La notion d’unité urbaine, se définie, selon l’Insee, par le nombre d’habitants (au moins 2000) et sur la continuité du bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions).

Ici, nous parlerons de ville isolée.Source Insee

L’installation de ces sites monumentaux engendre un accroissement significatif de la population. Au sein de ces installations, de ces venues d’habitants, existe-il un renouvellement de la population, au sens générationnel du terme? Nous savons, par ailleurs, que le directeur de l’usine Malétra construit de nombreuses habitations pour son personnel autour de l’usine. Ces habitants, en majeure partie, des salariés de ces entreprises, composent ce territoire social avec ses ouvriers, ses professions intermédiaires et ses cadres. Subsiste-t’il encore une forme de ruralité? Y a-t-il  eu une reconversion de cette dernière?

En plus de l’organisation de ces usines, avec leur structure hiérarchique pyramidale, ce sont les types d’établissements, définis par leurs activités (sa nature et son activité de production, de transformation…), qui auront un impact décisif sur les caractéristiques de ce territoire.

Petit-Quevilly va accueillir au fil du XIX et début du XX de l’artisanat (verrerie, tissu) et des usines (filature – « Foudre », pétrochimie – « Malétra », pyrotechnie – Davey Bickford, « Éclair Prestil » *…)

*La fermeture à glissière fut exploitée à partir de 1924 par Davey Bickford Smith* ( exploitant du brevet de la fermeture anglaise  » Ligthing faster » – fermeture éclair) , propriétaire d’une usine au Petit-Quevilly où étaient fabriqués des cordeaux Bickford (mèche pour la dynamite inventée par William Bickford).

*Davey Bickford est associé à la pyrotechnie (détonateurs et matériels explosifs, systèmes de tirs, services), principalement pour les industries des mines, des carrières et des travaux publics, en ce qui nous concerne: le percement de la ligne de chemin de fer « Rouen-Orléans ».

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Site « Éclair Prestil » – 2008 – Crédits photo Thomas Boivin Friche Éclair Prestil

La chimie est désormais omniprésente au sein de l’activité économique du Petit-Quevilly. Pour exemple, la filature de coton utilise des traitements, des solvants chimiques pour le nettoyage des textiles.

  • Selon ses propriétés, un solvant peut être utilisé comme dégraissant, adjuvant, diluant, décapant ou encore purifiant.
  • Tous les solvants comportent un risque pour la santé (voie respiratoire, cutanée et digestive)
  •  Son utilisation peut également entrainer des explosions, des incendies. Source

Un paradoxe s’installe avec ces activités industrielles

Nous pouvons apprécier que, malgré l’activité industrielle de pointe par rapport aux bâtiments (La Foudre à l’épreuve du feu), aux activés de production et de transformation elles-mêmes (Bickford et ses brevets), c’est la dangerosité de ces industries qui précisera la typologie des habitants de la commune. En effet, ces usines requièrent une main- d’œuvre peu qualifiée, maintenue dans une urgence économique par conséquent peu regardeuse des risques qu’elle encourt. Les employés de ces entreprises, les résidents du Petit-Quevilly seront caractérisés voire hiérarchisés en comparaison avec d’autres territoires telle que la commune frontalière de Sotteville- lès- Rouen, qui, grâce aux chemins de fer, accueillera l’élite ouvrière.

Aujourd’hui, ce type de barrière sociologique et symbolique est encore perceptible. Son expressivité la plus flagrante demeure la gestion de la « frontière » de la Seine à Rouen où une fragmentation sociale est encore à l’œuvre. Est-elle subie, choisie voire maintenue?

Fragmentation urbaine

Elle peut se définir brièvement comme « une coupure [partielle ou absolue] entre des parties de la ville, sur les plans social, économique et politique. » (Gervais-Lambony, 2001, cité dans Dupont et Houssay-Holzschuch).

Cette notion trouve un écho singulier au Petit-Quevilly. Des « coupures » ont fait leur apparition en fonction des bouleversements urbanistiques, industriels…La percée de l’avenue Jean Jaurès, en 1797, crée une 1ère scission, qui, s’apparente à un effet d’éloignement. L’avenue et sa future activité industrielle et économique ne se trouve pas à côté de l’église et de la mare qui correspondent à la centralité première de la commune. Le site de l’Usine Malétra (aujourd’hui quartier de la piscine) prend place en 1808 entre l’avenue et le quartier historique. La ligne SNCF vient s’ajouter et créer une double rupture entre ces deux espaces. Les Chartreux, à l’opposé de la commune, vont venir fermer les portes du Petit-Quevilly et parfaire ce territoire social.

La ville perd son centre petit à petit et se définie par ces bandes successives qui vont participer à la création d’espaces de repli et à la disparition d’espaces de rencontre.

Dans une ville fragmentée, les différentes parties coexistent sur le mode du repli sur soi.

La carte de ce territoire impose, aux populations, des séparations.

Les gens ne se mélangent pas voire plus. Les volontés politiques vont différer sur ces points au fil du XX ème siècle, souhaitant recréer un centre-ville à cette commune puis abandonnent le projet.

Une des conséquences de l’accroissement de la population et surtout du déplacement de cette notion de « centralité » est la construction d’un nouveau lieu de culte. Ce projet connaitra des phases successives entre 1894 puis 1913-1916. L’architecture de cette église, située au 125 rue Jacquard, interpelle trouvant un écho singulier à la spécificité industrielle de la commune.

PetitQuevilly Antoine IPL

Eglise Saint Antoine de Padoue, IPL, 2017

Aujourd’hui, l’avenue Jean- Jaurès/ Avenue de Caen, par le tramway (baptisé métro) a recrée un effet de scission qui vient s’ajouter aux sédimentations territoriales de cet espace de référence. Cette ligne devenue une colonne vertébrale pour la commune s’est alors transformée en un autre espace de confrontation. Balisant et excluant, ce moyen de transport a engendré la fermeture de beaucoup de commerces. Son impact sur à prendre en considération.

Il peut se situer sur le plan des représentations collectives : dans l’abandon d’une vision commune de la ville comme espace d’intégration, de rencontre, et de convivialité (Navez-Bouchanine, 2001)Source

Nous pouvons ajouter que l’une des conséquences de la percée de l’avenue Jean Jaurès fut symbolique. Avec la proximité de Rouen, par cet axe, le lien naturel entre les deux communes se veut renforcé. Lien qui s’est aménagé et qui a permis à la commune du Petit-Quevilly de gagner en visibilité mais qui s’est fait également à son détriment. Le « centre » a perdu sa notion de centralité et est devenue « centre d’intérêt » car porteur de vie économique.

Ainsi des quartiers, définis par leurs segmentations sociales sont favorisés en considération du type d’habitat. Les cadres résident en appartement (exemple Rue Joseph Lebas) et les ouvriers, en maison. Ces types d’habitats se sectorisent et ne se développent pas en faveur d’une mixité sociale.

  • Loi Loucheur du 13 juillet 1928 – Votée à l’initiative de Louis Loucheur, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale entre 1926 et 1930, cette loi a prévu l’intervention financière de l’État pour favoriser l’habitation populaire.

 

Dans le cadre de prochains articles, je reviendrai, en détail, sur les usines comme composantes indissociables de l’histoire de la commune via des portraits. Et je tenterai de faire le point sur la notion de déterminant social.

 

Isabelle Pompe, mars 2019.

 

 

Pour commencer, A1 s1

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Les anciens abattoirs, Petit-Quevilly, IPL

Acte 1, scène 1

Résidente du Petit-Quevilly depuis 2015 et rouennaise de la rive gauche en 2014, j’ai appréhendé, instinctivement, ces deux espaces de manière photographique. J’ai agi ainsi, tout d’abord, pour faire la connaissance des ces territoires distincts puis je me suis tournée vers une action sociologique afin d’être plus près d’une histoire communale et plus proche de ses habitants.

Après avoir abordé, en 2015, les rues de la métropole rouennaise comme patrimoine mémoriel, le management éthique des organisations (Normes ISO 26000- Responsabilité sociétale), en 2017, les publics des structures culturelles métropolitaines notamment dans leur rapport au territoire extra local et en 2018, les artistes locaux appréhendés comme ressources spécifiques du territoire rouennais, activés ou non par ce même territoire…Je reste, aujourd’hui, encore curieuse des problématiques sociales, environnementales et culturelles de mon lieu d’habitation.

Depuis plus de trois ans, cette commune singulière de la rive gauche m’offre, au quotidien, de nombreux postes d’observation et de multiples sujets d’études: deux enquêtes photographiques sur la question du taudis et sur la disparition du piéton (au profit du tout véhicule) sont actuellement en cours.

C’est le mercaptan qui m’a fait connaître ce territoire, en 2013, alors que je résidais à Paris. Lorsque j’ai emménagé à Rouen l’année suivante, je n’y pensais plus puis cela a refait surface progressivement… Au point que j’ai voulu nommer ma 1ère exposition photographique personnelle en 2016 à l’atelier photographique du Point Limite (Rouen) : Rubis Terminal. Après plusieurs échanges à ce propos et un vote, j’ai mesuré combien le sujet pouvait poser problème, j’ai alors opté pour Interzone comme un territoire intermédiaire mais aussi en référence implicite aux cartes postales familiales « interzones » utilisées durant la seconde guerre mondiale…

En 2019, après des mois de tergiversations et d’hésitations quant au fait de quitter ou non ma commune, un sujet d’étude passionnant et complexe s’est présenté à moi : La question du territoire « subi ».

Cet espace est l’occasion, pour moi, de vous apporter le fruit de mes recherches, remarques et interrogations en lien avec un territoire social (ouvrier, précaire, socialement exposé) et les risques technologiques de l’environnement dans lequel il s’inscrit.

 

Bien à vous,

 

Isabelle Pompe, février 2019.